Je lis tous les textes réunis par Diels et portant sur Archytas, autre pythagoricien auquel Diogène Laërce consacre quelques courtes pages. Ils me laissent tous froid, à l’exception de celui-ci :
« Archytas, qui savait en toutes choses se montrer mesuré, se gardait aussi, bien sûr, d’employer des mots inconvenants. Un jour qu’il se trouvait dans la nécessité de recourir à l’un de ces mots incorrects, comme il refusait de s’avouer vaincu, au lieu de prononcer le mot en question, il l’écrivit sur le mur et fit voir ce qu’il était forcé de dire, sans avoir été forcé de le dire. » (Elien Histoires variées XIV 19)
C’est psychanalytique avant l’heure ! Même un philosophe comme Archytas n’est pas maître dans sa propre maison. Le ça : « un jour qu’il se trouvait dans la nécessité de recourir à l’un de ces mots incorrects »
Le surmoi : « comme il refusait de s’avouer vaincu »
Le moi : « au lieu de prononcer le mot en question, il l’écrivit sur le mur et fit voir ce qu’il était forcé de dire, sans avoir été forcé de le dire »
Ce gros mot est une petite formation de compromis. Ce qui ne peut pas sortir par la bouche se manifeste par un autre organe.
Ou bien :
Donner la bouche au vilain mot, c’est le faire sortir de soi par ce qui ne doit exprimer que des paroles raisonnables. Archytas ne veut pas se la salir. Le mot, il ne le dira même pas du bout des lèvres : elles sont au service de la raison. Seulement du bout des doigts, subordonnés qu’ils sont aux passions.
On est loin des philosophes héroïques, ceux qui peuvent s’étrangler ou rester impassibles sous la torture. Non, Archytas n’est pas pour autant un moins que rien, mais à la maîtrise absolue, il a renoncé, choisissant de faire la part du diable.
D’ une colique affective, il faut se débarrasser, par la main serve, aux basses tâches réservée.