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mercredi 7 avril 2021

Les limites des bienfaits apportés au " sac de peau " ou ne pas tout miser sur le système vaso-dilatateur.

Il y a plusieurs manières de nier l'âme et ses raisons. On ne voudra pas dire par là que l'âme (je pourrais aussi bien dire ici l'esprit) est indépendante du cerveau, qu'elle lui survit, etc. On suggérera plus tôt que le bonheur ne peut pas compter que sur les mille et une techniques du corps qui fleurissent, sous leurs versions laïques ou religieuses. La méfiance présentée ici vis-à-vis d'une réduction matérialiste de la personne est d'inspiration religieuse, elle est donnée ici pour sa part de vérité, que la religion soit vraie ou non, et pour sa troublante ressemblance avec les versions psychanalytiques, ortho- ou hétérodoxes (mais combien de fois on a déjà insisté sur la parenté entre les examens chrétien et freudien de ses osbcurités !). C'est Georges Bernanos qui formule cette révision à la hausse des raisons animiques dans un roman de 1927, L'imposture :

" Par malheur, et pour le scandale de la Bête matérialiste, il n'est pas bon, ni sûr, de se croire tout à fait à l'abri, dans son sac de peau, des entreprises de l'âme. Éviter de scruter les intentions, se contraindre à ne connaître de l'événement moral que son contrecoup sur le système vaso-dilatateur mène à une déception très amère. L'homme peut bien se contredire, mais il ne peut entièrement se renier. L'examen de conscience est un exercice favorable, même aux professeurs d'amoralisme. Il définit nos remords, les nomme, et par ainsi les retient dans l'âme, comme en vase clos, sous la lumière de l'esprit. À les refouler sans cesse, craignez de leur donner une consistance et un poids charnels. On préfère telle souffrance obscure à la nécessité de rougir de soi, mais vous avez introduit le péché dans l'épaisseur de votre chair, et le monstre n'y meurt pas, car sa nature est double. Il s'engraissera merveilleusement de votre sang, profitera comme un cancer, tenace, assidu, vous laissant vivre à votre guise, aller et venir, aussi sain en apparence, inquiet seulement. Vous irez ainsi de plus en plus secrètement séparé des autres et de vous-même, l'âme et le corps désunis par un divorce essentiel, dans cette demi-torpeur que dissipera soudain le coup de tonnerre de l'angoisse, l'angoisse, forme hideuse et corporelle du remords. Vous vous réveillerez dans le désespoir qu'aucun repentir ne rédime, car à cet instant même expire l'âme. C'est alors qu'un malheureux écrase d'une balle un cerveau qui ne lui sert plus qu'à souffrir." (Le Livre de Poche, 1965, p. 27-28)

Loin de m' encourager à un tournant tala, ce texte à mes yeux insiste sur le danger (cognitif, eudémonique, peut-être éthique) de réduire tous les malaises à des causes, les raisons n'étant pas vraiment prises au sérieux et sans doute, sans la multiplication des stages de " développement personnel ", je ne l'aurais pas mis ainsi en valeur.
Bernanos engage en fait à se soucier d'avoir les raisons vraies de ses états, mettant ainsi en évidence les limites des gymnastiques purement physiques (on pourrait dire aussi bien neurologiques). Que Dieu n'existe pas et que l'inconscient soit une autre idole, voire une drôle d'idole, n'enlève rien à cette défense du sérieux des raisons de l'âme, envisagées dans leur contenu (sont-elles vraies ?) et dans leurs effets (sont-elles bénéfiques ?), Bernanos suggérant bien sûr le bénéfice des raisons vraies - ce qu'un athée mutatis mutandis peut  aussi, à sa façon, accepter, ou nier s'il croit que les raisons vraies ne laissent place à  aucune espérance justifiée, et n'apportent même pas le bien-être de leur possession...

Mais qu'on n'aille pas maintenant tomber dans les outrances à la Groddeck... Il y a une réalité des causes malgré l'autonomie des raisons ! 
Il y a en somme deux morts de l'âme, par aveuglement : ne pas voir les raisons, ne pas voir les causes. D'ailleurs la possibilité du divorce suppose bien le couple !