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vendredi 17 février 2017

La bêtise insiste toujours.

" Les fléaux (...) sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux lorsqu'ils vous tombent sur la tête. Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres. Et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus. Le docteur Rieux était dépourvu, comme l'étaient nos concitoyens, et c'est ainsi qu'il faut comprendre ses hésitations. C'est ainsi qu'il fut partagé entre l'inquiétude et la confiance. Quand une guerre éclate, les gens disent : " Ça ne durera pas, c'est trop bête." Et sans doute une guerre est certainement trop bête, mais cela ne l'empêche pas de durer. La bêtise insiste toujours, on s'en apercevrait si l'on ne pensait pas toujours à soi. Nos concitoyens à cet égard étaient comme tout le monde, ils pensaient à eux-mêmes, autrement dit ils étaient humanistes: ils ne croyaient pas aux fléaux. Le fléau n'est pas à la mesure de l'homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c'est un mauvais rêve qui va passer. Mais il ne passe pas toujours et, de mauvais rêve en mauvais rêve, ce sont les hommes qui passent, et les humanistes en premier lieu, parce qu'ils n'ont pas pris leurs précautions. Nos concitoyens n'étaient pas plus coupables que d'autres, ils oubliaient d'être modestes, voilà tout, et ils pensaient que tout était encore possible pour eux, ce qui supposait que les fleáux étaient impossibles. Ils continuaient de faire des affaires, ils préparaient des voyages et ils avaient des opinions. Comment auraient-ils pensé à la peste qui supprime l'avenir, les déplacements et les discussions ? Ils se croyaient libres et personne ne sera jamais libre tant qu'il y aura des fléaux." (Albert Camus, La Peste, 1947)

Commentaires

1. Le lundi 20 février 2017, 23:59 par selena plagac
merci pour cette référence

vendredi 26 décembre 2014

Le Je en cariatide cool ou la glorification de la soupe.

Il fut un temps où la petitesse de l'homme servait de mesure au gigantisme du monument.
Désormais c'est l'ego qui est monumental. Si par hasard le vôtre ne l'était pas, on vous enjoindrait de vous aimer plus ! Pour votre bien-être !
Aussi est-ce par exemple l'usage de se prendre en photo à côté d'un monument dans une posture herculéenne ; mais Héraclès n'est plus alors l'Effort en personne, c'est plutôt l'alliance "au second degré" de Superman et du fun :
Visitant les grands musées, on voit donc couramment mille touristes qui, à défaut de pouvoir entrer dans le tableau célèbre, sur le cliché du moins lui volent la vedette ou du moins partagent un instant sa célébrité planétaire.
Il faut s'y faire sans doute : les oeuvres n'élèvent plus guère ; telles des objets de marque, elles distinguent qui les porte. Loin de permettre de devenir meilleur à qui se donnerait la peine de les contempler et de les comprendre, elles ne sont la plupart du temps que prétextes à gags.
Ce sont peut-être et entre autres les astucieuses images de la publicité qui, décodantes et détournantes, vivent une deuxième vie dans l'imagination du plus grand nombre.
Certains, blâmant mon ton rabat-joie, m'objecteront que les oeuvres n'ont d'autre valeur que celle qu'on leur donne, que tout est relatif et que chacun doit (notez l'ordre !) faire ce qu'il veut sans avoir à souffrir des leçons des moralistes de l'esthétique...
Certes, mais si on ne se laisse pas envahir par la honte, en guise d'antidote, on peut lire ces lignes de Noces où Camus découvre Florence :
" Ce qu'il faut dire ici, c'est cette entrée de l'homme dans les fêtes de la terre et de la beauté. Car à cette minute, comme le néophyte ses derniers voiles, il abandonne devant son dieu la petite monnaie de sa personnalité. Oui, il y a un bonheur plus haut où le bonheur paraît futile (...) Le monde est beau, et hors de lui, point de salut. La grande vérité que patiemment il m'enseignait, c'est que l'esprit n'est rien, ni le coeur même. Et que la pierre chauffée par le soleil, ou le cyprès que le ciel découvert agrandit, limitent le seul univers où "avoir raison" prend un sens : la nature sans hommes. Et ce monde m'annihile. Il me porte jusqu'au bout. Il me nie sans colère."
Cette expérience de connaissance du monde et de détachement de soi, Julien Green l'a faite aussi à Florence mais face aux fresques de Fra Angelico à San Marco :
" On fait le tour de ces pièces étroites où le corps a tout juste la place de se mouvoir, mais la paroi s'ouvre et l'infini entre. " Ouvrez le mur sur l'infini. Oubliez les abominations du réfectoire, soupes, panades, les heures de doute, l'appel du monde, l' horreur de la vie en commun... Oubliez vos dévotions mécaniques et regardez !" ( Journal du voyageur )
On me dira que de Camus à Green je passe insidíeusement du panthéisme au théisme. Certes, mais peu importe ici ; ce billet est écrit dans le fil de Pascal et tourne autour du problème suivant : à quelle juste distance de soi faut-il se placer pour voir au mieux les oeuvres d'autrui ?

Commentaires

1. Le samedi 3 janvier 2015, 18:21 par nescal gelap
on fait pipi dans l'urinoir de Duchamp, on tague les murs blancs des expos de Koons, cherchez l'erreur.

jeudi 19 juin 2008

Camus et la simplicité.

Je lis dans L'envers et l'endroit (1937) ces quelques lignes qui évoquent le stoïcisme:
" J'ai besoin de ma lucidité. Oui, tout est simple. Ce sont les hommes qui compliquent les choses. Qu'on ne nous racontent pas d'histoires. Qu'on ne nous dise pas du condamné à mort: "Il va payer sa dette à la société", mais "On va lui couper le cou." Ça n'a l'air de rien. Mais ça fait une petite différence. Et puis, il y a des gens qui préfèrent regarder leur destin dans les yeux." ( La Pléiade p.54)
Rêve d'un monde où à chaque événement, à chaque fait, à chaque chose correspondrait une et une seule description vraie. Alors il serait possible de voir la réalité en face. Simplement.