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mardi 7 mai 2019

Ombre réelle ou ombre imaginaire ? Sur la gallina ciega de Goya.

San Francisco y el moribundo est un tableau de Goya peint en 1787, on peut le voir dans la cathédrale de Valencia.
Jean Starobinski dans Goya et 1789 m'apprend que cette oeuvre " est la première apparition de monstres et de personnages hallucinés dans l'oeuvre de Goya." (La beauté du monde, Quarto, 2016, p.1035). Dans cet article publié en 1984 dans La Revista de Occidente, il est attentif à trouver des signes avant-coureurs de la période noire dans l'oeuvre lumineuse de Goya. L'oeuvre qu'il choisit principalement comme exemple est La gallina ciega (Le jeu de collin-maillard), peinte en 1788.
Voici le commentaire de Starobinski :
" Dans La gallina ciega, au rythme si séduisant, nous découvrons la transposition ludique d'un supplice, et il semble que la femme agenouillée qui s'incline en arrière pour ne pas être touchée, fuie sa propre identité. Un autre supplice simulé est celui qu'endure le pantin : pendant que les jeunes filles souriantes - de charmantes sorcières -
forment une guirlande de leurs bras, le pantin oblique, projeté vers le haut, offre l'aspect du désespoir. Les torsions, la maladresse, la douloureuse inertie du pantin, nous révèlent l'étrange vie de la matière, son aspect comique et son pouvoir d'épouvante. Par l'animation qui s'empare de toute la créature rendue à sa fatalité d'objet, la scène frivole implique une secrète frayeur. " (p. 1036)
Est-ce moi, l' aveugle ? Pas moyen de voir dans cette oeuvre, qui devait servir de carton de tapisserie, l' " ombre ", l' " élément inquiétant dissimulé ", l' " impalpable atmosphère " qui deviendra " un peuple de monstres "... Je ne comprends vraiment pas pourquoi Starobinski évoque " les ténèbres métaphysiques de La Gallina Ciega ".
Ne dois-je pas sur ce point plutôt me rapporter à ce que Ramón Gomez de la Serna écrit à propos des cartons de tapisserie dans son Goya (1928) :
" Un tapiz es una primavera que se perpetúa engarzada a una bandera." (" Une tapisserie est un printemps qui se perpétue, inséré dans un drapeau.") ?
Ce qu'écrit Ramón sur La gallina ciega me paraît, bien que léger, plus fidèle à l'oeuvre que les lignes exagérément inquiétantes de Starobinski :
" Goya representa el juego de la gallina ciega en un meandro circular frente al Guadarrama en uno de sus espirituales valles, todos sus personajes en movimiento de corro alrededor del que se ha quedado en el centro tocando y eligiendo con una cuchara de palo al que ha de adivinar quién es y que entonces no podía agarrar con la mano por pudicia, no fuese a ser una dama, porque asi era difícil adivinar quién era el cogido o la cogida y el juego era mas juego de azar. " (Goya in Obras selectas, Carrogio, Barcelona, 1970, p. 612)
" Goya représente le jeu de colin-maillard, au bord d'un méandre circulaire du Guadarrama, dans une de ses spirituelles vallées, tous les personnages en ronde autour de celui qui, resté au centre, touche et choisit avec une cuillère en bois quelqu'un dont il doit deviner l'identité et qu'il ne pouvait alors pas saisir par la main par pudeur, au cas où ça aurait été une dame, aussi c'était difficile de deviner qui était le prisonnier ou la prisonnière et le jeu était plutôt un jeu de hasard."

Commentaires

1. Le mercredi 8 mai 2019, 21:46 par gerardgrig
Starobinski semble être dans le vrai pour "Le Pantin", qui a inspiré "La Femme et le Pantin" a Pierre Louÿs, à une époque où les Décadents français lisaient Sacher-Masoch sous le manteau. Pour le colin-maillard, jeu mondain égrillard où l'on se touche par hasard pour provoquer des rencontres entre adultes, mais qui est teinté de cruauté chez les enfants, l'interprétation de Starobinski est assez étrange. Elle est trop culturelle, car elle se réfère à la fin terrible du guerrier Colin-Maillard au combat, aveuglé par un archer et sadisé par ses ennemis, qui a donné son nom au jeu. Ou au jeu de la poule aveugle (gallina ciega), jeu à base de cruauté sur les animaux, comme la corrida. Starobinski, sage psychocritique resté fidèle à Charles Mauron, avait aussi publié les "Anagrammes" de Saussure. Il profitait de Goya pour rendre surtout hommage au signifiant.
2. Le jeudi 9 mai 2019, 03:19 par Philalethe
Starobinski nous a-t-il offert un symptôme de cécité culturelle ( aveuglement causé par un excès de culture ) ?
Comme vous le dites généreusement  : " rendre hommage au signifiant " ! 
On peut presque en tirer cette question : une interprétation poétique peut-elle être vraie ?

vendredi 29 mars 2019

Multitasking : caprice n°29

C'est cela qui s'appelle lire ?
" Le peinan, le calzan, duerme, y estudia. Nadie dira que desaprovecha el tiempo - on le coiffe, on le chausse, il dort, et il étudie. Personne ne dira qu'il perd son temps - " (Manuscrit du Musée du Prado)

Commentaires

1. Le mardi 26 mars 2019, 11:07 par gerardgrig
C'est le ministre qui lit en diagonale ses dossiers pendant sa toilette, avant d'aller en réunion. Personne n'imagine avec quelle légèreté les gens sont gouvernés. Ce n'est pas nécessairement dû à l'incompétence et au favoritisme. Sous la Vème République en France, quand Giscard était ministre des finances au Louvre, il passait son temps chez les antiquaires de la Rue de Rivoli. En conseil des ministres, Pompidou lui reprochait de lire ses dossiers en diagonale. C'est le problème de la spécialisation. Mieux vaut un généraliste, un littéraire qui bûche tard ses austères dossiers d'économie, parce que cela l'intéresse paradoxalement, qu'un spécialiste polytechnicien qui s'ennuie dans son bureau, parce qu'il sait tout dans son domaine d'expertise, et qui rêve d'art.
2. Le mercredi 27 mars 2019, 11:44 par lena galpesc
alors vous aimerez Macron , le Giscard
de l'an 2017. On ne lit pas les dossiers
car on sait d'avance ce qu'il y a dedans.
sauf le jour où il y a un truc inédit, et où on approuve, ou donne son paraphe, à ses dépends, car la presse n'attend, comme Lendl face à McEnroe (pardon pour la ringardise des souvenirs tennistiques), que la faute pour faire un revers.
3. Le samedi 30 mars 2019, 21:14 par Philalèthe
Vous avez raison d'identifier une allusion politique dans ce Capricho. D'ailleurs les trois autres explications manuscrites mentionnent explicitement  les moeurs des ministres. Celle de Ayala est claire : " Les ministres attendent la dernière minute pour prendre connaissance des affaires de leur charge (...)" Il semble que la gravure est à clef et que soit visé le Duc de Parque. Cela dit, les commentateurs sont divisés : pour l' un  (E. Piot, 1842), le duc avait à coeur de montrer qu'il ne passait pas plus de temps à cultiver son esprit que celui qu' on prenait à le coiffer. Mais d'après Lefort (1867), le duc avait acquis grâce à ce temps de lecture une culture immense qu'il mettait à profit au cours de missions diplomatiques. E. Helman (1963) cite un journal satirique de 1789 L'inoculation de la raison : " Nous nous ne regardons rien, mais nous jugeons de tout. D'un coup nous gouvernons un royaume et pendant qu'on nous peigne, on rédige un code."

mercredi 9 novembre 2016

À propos d'un locataire non chimérique.


" Après eux vinrent les femmes enceintes peinturlurées de rose, les vieillards chevauchant d'autres vieillards à quatre pattes, les petites filles obscènes et les chiens gros comme des veaux.
Treslkovsky s'accrochait à la raison comme à une corde. Il se récitait mentalement la table de multiplication et les fables de La Fontaine. Avec ses mains, il réalisait des mouvements compliqués indiquant une bonne coordination des réflexes. Il se brossa même, à voix haute, un tableau complet de la situation politique en Europe au début du XIXème siècle." (Roland Topor, Le locataire chimérique, Buchet/Chastel, 1964)

dimanche 17 novembre 2013

Ânerie !

" Antisthène, marquant son dédain à l'endroit de ces Athéniens qui se vantaient d'être des indigènes, disait que leur noblesse ne dépassait en rien celle des limaçons et des sauterelles." (Diogène Laërce Vies et doctrines des philosophes illustres VI 1 )
" Quand on célèbre les lignées, chantant qu'un tel est de bonne race parce qu'il peut déclarer sept ascendants riches, le philosophe tient cet éloge pour celui de gens à la vue tout à fait trouble et courte, incapables, par manque d'éducation, de porter le regard sur tout et de calculer que chacun a des dizaines de milliers d'ascendants et d'ancêtres, qu'on ne peut dénombrer, et que, dans ce nombre, des riches et des mendiants, des rois et des esclaves, barbares aussi bien que Grecs, tout un chacun en a eu souvent par dizaine de milliers ; au contraire, quand on s'enorgueillit d'une liste d'ancêtres allant jusqu'à vingt-cinq et qu'on remonte jusqu'à Héraclès, fils d' Amphitryon, à lui cela paraît aberrant d'insignifiance, puisque le vingt-cinquième en remontant à partir d'Amphytrion était tel que la chance lui en était échue, et aussi le cinquantième à partir de lui : il rit de gens incapables de faire ce calcul, comme de délivrer de son enflure leur âme sans intelligence." écrit Platon dans le Théétète ( 174e-175ab)

Commentaires

1. Le jeudi 21 novembre 2013, 04:24 par angie
LE MULET SE VANTANT DE SA GÉNÉALOGIE
Le Mulet d'un prélat se piquait de noblesse,
Et ne parlait incessamment
Que de sa Mère la Jument,
Dont il contait mainte prouesse.
Elle avait fait ceci, puis avait été là.
Son Fils prétendait pour cela
Qu'on le dût mettre dans l'Histoire.
Il eût cru s'abaisser servant (1) un Médecin.
Étant devenu vieux on le mit au moulin.
Son Père l'Âne alors lui revint en mémoire.
Quand le malheur ne serait bon
Qu'à mettre un sot à la raison,
Toujours serait-ce à juste cause
Qu'on le dit bon à quelque chose.
2. Le jeudi 21 novembre 2013, 15:27 par Philalèthe
Bien sûr ! Merci beaucoup !