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mercredi 10 mai 2006

Arcésilas et Hipponicos : "mathématiques sans philosophie n’est que ruine de l’âme"

La fonction des mathématiques dans le platonisme est bien connue : elles purifient l’esprit de sa tendance spontanée à identifier la réalité aux choses sensibles, perceptibles, éphémères.
Que le premier maître d’Arcésilas ait été un mathématicien, Autolycos précisément, c'est donc dans l'ordre platonicien des choses. Mais Laërce ne m’apprend rien sur lui, sinon qu’il était de Pitane en Eolide, comme Arcésilas lui-même.
En revanche ce que Laërce rapporte à propos du géomètre Hipponicos dont Arcésilas fut aussi auditeur sonne étrangement:
« Il s’ (en) moqua entre autres parce qu’il était borné et qu’il bâillait, mais comme celui-ci, dans sa matière, était fort expert ; il disait que la géométrie avait volé dans sa bouche alors qu’il bâillait. Arcésilas l’accueillit chez lui un jour qu’il délirait et prit soin jusqu’à ce qu’il guérisse. » (IV 32)
Je choisirai de voir dans ce géomètre obtus l’antithèse exacte de l’homme qui, sur le chemin philosophique, passe par les mathématiques afin de sortir définitivement de la caverne.
En effet il y a d’abord ce bâillement, extension paresseuse d’une bouche qui rend sourd de tant s’ouvrir. Ainsi le bâilleur, subissant la loi d’un corps qui n’est plus tenu en laisse, ne peut pas plus écouter que parler. Les mathématiques, loin de le spiritualiser, l’ont donc alourdi et ce savant possède moins son savoir qu’il n’en est possédé. Je n’imagine pas alors que ses expertises puissent être autres que mécaniques et routinières, tant il semble avoir perdu avec le temps la capacité d’apprendre et de se former.
Il y a ensuite ce délire que je prends la liberté d’identifier à un gigantesque bâillement, à l’échelle de tout l’homme, corps qui, intégralement désormais, échappe à la maîtrise. Paroles des plus folles qui n’auraient dû jamais sortir de l’esprit si ce dernier, par les démonstrations et les raisonnements concluants, n’avait pas été ordonné qu’en surface.
Il y a enfin cette incapacité d’en finir avec son aliénation, de se reprendre, de se purger, de se vider de ses mots qui sortent tout seuls. Pas de sursaut, pas de mise au pas adressée par la raison. A la différence des philosophes, ce mathématicien dérangé ne peut pas se prescrire la thérapeutique salvatrice.
N’est-il pas tentant alors d’identifier le secours que lui apporte Arcélisas à l’illustration de l’extrême insuffisance des mathématiques quand elles sont apprises pour elles-mêmes en dehors du souci de s’élever vers les plus hautes Idées, celles qu’on ne peut même pas dessiner approximativement ?
Aussi est-il logique de faire l'hypothèse qu’au fronton de l’Académie Arcésilas fit inscrire : « Que nul n’entre ici s’il n’est en mesure de se retenir de bâiller »