Affichage des articles dont le libellé est Louis Van Delft. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Louis Van Delft. Afficher tous les articles

mardi 20 novembre 2012

L'empirisme en image.

Dans Les moralistes, une apologie (2008), Louis Van Delft - se demandant si un peintre peut être qualifié de moraliste - évoque une toile de Ghirlandaio, peinte vers 1490 :
Van Delft commente alors la toile en lui faisant correspondre un texte de John Earle tiré de Micro-cosmography, or a Piece of the World discovered in Essays and Characters (1628) :
" Le visage du garçonnet correspond en tout à ceux dont John Earle dit magnifiquement que la vie n'y a pas encore écrit (" A child is a man in a small letter, (...) He is nature's fresh picture newly drawn in oil, which time ad much handling dims and defaces. His soul is yet a white paper...") " (p. 71, Folio-essais)
En note, l'auteur donne la traduction suivante :
" Un enfant est un homme en petit caractère.(...) C'est la fraîche image de la nature, nouvellement peinte à l'huile, que le temps et beaucoup de manipulation obscurcissent et défigurent ."
Je remarque avec étonnement que la dernière phrase n'est pas traduite : " son âme est encore une feuille de papier blanche ". Donc ce n'est pas le visage du garçonnet mais son esprit qui est vierge de tout texte écrit par la vie. Certes le visage peut être vu comme l'image métaphorique de l' esprit mais alors je ne peux m'empêcher d'imaginer ce qui est écrit sur l'âme par la vie comme la déformation laide et maladive du nez du vieil homme.
Petite remarque historique : quand Locke écrit dans l'Essai philosophique concernant l'entendement humain (1690) :
" Supposons qu'au commencement l'âme est ce qu'on nomme une table rase (white paper) vide de tous caractères, sans aucune idée quelle qu'elle soit," (II, 1, Vrin)
il emploie donc une métaphore qui, venant d' Aristote (De l'âme, III, 4), a donc transité au moins par Earle avant d'être utilisée (entre autres sans doute) par Descartes.
On notera aujourd'hui que la traduction de white paper par table rase est égarante mais Littré est comme d'habitude éclairant : " table rase, planche sur laquelle il n'y a rien de peint, ainsi dite parce que les anciens peintres peignaient non sur une toile, mais sur une table de bois". Tout se passe comme si la traduction, recourant à l'image aristotélicienne de tablette, ne voulait pas enregistrer la nouveauté métaphorique de la référence au papier.