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samedi 22 octobre 2016

Comme il n'est pas sage de vivre sa philosophie !

Diogène Laërce à propos de Pyrrhon :
" Il était conséquent (avec ces principes) jusque par sa vie, ne se détournant de rien, ne se gardant de rien, affrontant toutes choses, voitures, à l'occasion, précipices, chiens, et toutes choses de ce genre, ne s'en remettant en rien à ses sensations. Il se tirait cependant d'affaire, à ce que dit Antigone de Caryste, grâce à ses familiers qui l'accompagnaient." (IX, 62)
Épictète dans les Entretiens se référant aux Académiciens :
" Si j'étais l'esclave de l'un de ceux-là, quand bien même il me faudrait chaque jour être fouetté jusqu'au sang, je m'emploierais à le torturer. "Esclave, verse de l'huile dans le bain." Je prendrais de la saumure, et j'irais lui en verser sur la tête." Qu'est-ce que ça veut dire ? - J'ai eu une représentation indiscernable de celle de l'huile, tout à fait semblable à elle, je te le jure par ta Fortune ! - Apporte-moi ma tisane." Je remplirais un bol de vinaigre et le lui apporterais. "Ne t'ai-je pas demandé de la tisane ? - Si, maître ; c'est de la tisane. - N'est-ce pas du vinaigre ? - Pourquoi serait-ce du vinaigre plutôt que de la tisane ? - Prends-en et sens ; prends-en et goûte. - Comment donc le sais-tu si les sens nous trompent ?" Si parmi les esclaves j'avais eu trois ou quatre camarades du même sentiment que moi, je l'aurais fait crever de rage et forcé à se pendre ou à changer d'opinion." (II, 20)
Les familiers de Pyrrhon tiennent le scepticisme pour une théorie seulement et protègent, pour cela, le philosophe ; l'esclave cynique, lui, applique impeccablement la théorie et donc met en danger et son maître et la théorie.

Commentaires

1. Le samedi 29 octobre 2016, 13:31 par Elias
Cet extrait des Entretiens est formidable !
Il y a quelque chose de jubilatoire dans cette manière de donner une leçon à un adversaire en le confrontant aux conséquences pratiques de ses positions théoriques.
2. Le samedi 29 octobre 2016, 17:51 par Philalèthe
Si on peut en croire Arrien, Épictète a dû être aussi un pédagogue très fort, sans ménagements pour l'élève, mais clair, direct, frappant.

samedi 28 juin 2008

Un sceptique court-il le risque d'être mordu par un chien ?

" A quelqu'un qui nous dirait: "Il y a un chien enragé derrière toi !" allons-nous répondre: "Qu'est-ce qui m'assure qu' à ta représentation de chien enragé correspond quelque chose ?" Si c'est notre réponse, elle montre que nous ne prenons pas l'avertissement au sérieux". (Le réalisme esthétique Roger Pouivet 2006 p.53)
" Pyrrhon était conséquent (avec ses principes) jusque par sa vie, ne se détournant de rien, ne se gardant de rien, affrontant toutes choses, voitures, à l'occasion, précipices, chiens, et toutes choses de ce genre, ne s'en remettant en rien à ses sensations". (Vies et doctrines des philosophes illustres IX 62 Diogène Laërce Pochothèque p.1100)
" Un jour qu'un chien s'était précipité sur lui et l'avait effrayé, il répondit à quelqu'un qui l'en blâmait qu'il était difficile de dépouiller l'homme de fond en comble". (ibid. 67 p.1104)
Le blâme en question peut autant avoir été adressé du point de vue de l'adversaire (cf Pouivet) que du point de vue sceptique ("en rien nous ne déterminons" ibid. 74).

Commentaires

1. Le samedi 28 juin 2008, 23:40 par Nicotinamide
Je ne comprends pas bien. Existe-t-il une représentation qui corresponde à quelque chose sinon à elle-même ?
Ma représentation d'un chien enragé égale l'image d'un bull dog baveux, charriant des morsures et un virus. Pour être compris, il faut à mon sens que cette représentation soit partagée. Ainsi quelqu'un dit : il y a un chien enragé derrière toi, je ne cherche pas à comprendre quelle est sa représentation, je l'a idéjà comprise car j'ai la mienne...
par contre, il y a un toupaye derrière toi, provoque la recherche de nouvelles représentations.
2. Le dimanche 29 juin 2008, 10:07 par philalèthe
Pyrrhon dans la première anecdote parvient à être représentationnaliste, dans la seconde il y échoue. Je reprends à Pouivet sa définition du représentationnalisme: "le monde pour-nous n'est rien d'autre que nos représentations mentales". Il me semble que quand vous écrivez "existe-t-il une représentation qui corresponde à quelque chose sinon à elle-même ?", vous êtes aussi représentationnaliste, au sens où vous ne semblez pas penser que le chien enragé réel est perçu par vous; vous ne semblez pas non plus penser qu'il y a une représentation du chien réel. La différence entre cette dernière version (représentation du chien réel) et la précédente (perception du chien réel) est celle qui sépare un réalisme indirect d'un réalisme direct. En termes réalistes, si quelqu'un me dit: "il y a un chien enragé derrière vous", généralement je pense qu'il y a un chien enragé derrière moi. Si je ne le pense pas, ce n'est pas que je réduis le chien à une image de chien, c'est que je crois que celui qui parle est un farceur par exemple ou prend un chien Sony pour un chien réel etc. Si on emploie un mot inconnu, je ne fais pas une recherche dans mes représentations, je me retourne ou si j'en suis incapable j'interroge mon interlocuteur.
3. Le jeudi 24 juillet 2008, 23:41 par Pyrrhon
Dans le contexte de DL et de sa source (Antigone de Caryste) le blâme en question vient clairement d'un adversaire dogmatique qui reproche à Pyrrhon de ne pas pouvoir vivre en cohérence avec ses principes (c'est-à-dire sans croyance). La question de cohérence théorique et pratique que pose la philosophie analytique au scepticisme est déjà posée par les adversaires du pyrrhonisme que sont les stoiciens et les épicuriens.
A mon avis la question - même si elle est intéressante en soi - passe un peu à côté de la position de Pyrrhon qui cherche à se présenter comme une ascèse, un travail sur soi qui irait jusqu'à se déprendre de ses propres croyances, peurs, souffrances...

samedi 30 avril 2005

Les étranges disciples de Pyrrhon.

1)Euryloque : de ce « disciple illustre », Diogène Laërce ne rapporte qu’une anecdote :
« On dit en effet qu’un jour il se mit dans une telle colère que, brandissant la broche avec le rôti, il poursuivit le cuisinier jusque sur la grand-place. » (IX, 68)
D’Euryloque il reste donc cette « défaillance » qui m’évoque immédiatement la fureur du capitaine Haddock ! Manque seulement le chapelet de jurons. C’est rare de lire dans les Vies la description des échecs et des impuissances, car souvent le philosophe qui se montre apparemment en dessous de tout est au dessus de tous ! Mais il semble ici que c’est bel et bien l’idéale indifférence qui a du mal à s’installer dans l’apprenti sage. L’autre anecdote le concernant est d’interprétation moins facile :
« Une autre fois, à Elis, harcelé par les questions de ses interlocuteurs, il jeta son manteau à bas et traversa l’Alphée à la nage. Il était donc extrêmement hostile aux sophistes. » (IX, 69)
J’imagine qu’il ne s’agit pas ici d’une regrettable émotion mais d’une démonstration. C’est alors refuser de répondre (et non pas ne pas pouvoir). Euryloque, à ce moment-là, ne veut pas endosser le rôle du sophiste qui a réponse à tout et s’en enorgueillit. Il décide alors de mettre une rivière entre lui et ces encombrants interlocuteurs qui se sont trompés de philosophe. A moins que, comme le suggère Jacques Brunschwig, ce ne soit aussi un coup de folie! On n’aurait donc de ce célèbre disciple que la double illustration de son incapacité à vivre comme son maître. Pourquoi pas ? Cela rehausse la supériorité de Pyrrhon.
2) Philon d’Athènes : sur lui, rien que quelques mots:
« Il parlait le plus souvent avec lui-même » (ibid.)
Jacques Brunschwig écrit à ce propos que ce disciple « exagère les extravagances de son maître ». Si parler seul revient à mettre en doute pratiquement l’incertitude concernant autrui, ce serait en revanche seulement le fait de parler presque tout le temps de cette manière qu’on pourrait qualifier d’extravagant, comme si Philon ne savait pas imiter son maître avec mesure, respectant partiellement la lettre de sa conduite sans en comprendre l’esprit.
2)Hécatée d’Abdère : à part son nom, rien cette fois, sauf cette note de Brunschwig, éclairée par d’autres sources :
« Erudit connu pour ses recherches historiques et critiques, peut-être destinées à faire ressortir la diversité des croyances humaines et la vanité des prétentions des philosophes » (1)
Je pense à Montaigne, à l’Apologie de Raymon Sebon (Essais Livre II, chapitre XII) et à ce passage, entre mille du même acabit :
« Il n’est point de combat si violent entre les philosophes, et si âpre, que celui qui se dresse sur la question du souverain bien de l’homme duquel, par le calcul de Varron, naquirent 288 sectes. » (p.561 éd. de la Pléiade)
Certes l’histoire encourage une certaine forme de scepticisme mais en aucune manière à mes yeux le pyrrhonisme qui détruit la possibilité même du récit historique en ne permettant pas de faire la distinction entre « raconter l’histoire » et « raconter des histoires » !
3)Nausiphane de Téos : pas grand-chose sur lui sinon qu’il a été le maître d’Epicure et qu’il rapporte que son disciple «émerveillé par le style de vie de Pyrrhon lui demandait continuellement des informations à son sujet » (IX, 64). Bien sûr cela paraît en contradiction avec les jugements que plus loin Diogène attribue à Epicure à propos du même Pyrrhon : il le qualifiait d’ « ignorant et sans éducation » (X, 8). Brunschwig aplanit ainsi la difficulté :
« Ce jugement, apparemment très péjoratif, pourrait ne pas l’être dans la bouche d’Epicure, qui était, comme les Pyrrhoniens, un ennemi déclaré de l’éducation traditionnelle et des connaissances superflues »
Certes mais ces jugements négatifs sont présentés tout de même dans un contexte où sans aucune ambiguïté Epicure disqualifie tous les rivaux. C’est ainsi qu’il règle son compte à Aristote : « un dilapideur qui, une fois dévoré son patrimoine, est devenu soldat et marchand de drogues » (ibid.) Aussi je fais l’hypothèse suivante : si Epicure admire l’indifférence de Pyrrhon, c’est en tant que conduite, sans l’associer aux raisons du scepticisme qui sont bien sûr irrecevables pour le dogmatique qu’il était. Le dernier disciple est Timon, mais celui-ci mérite une note à lui tout seul.
(1)Ajout du 17-10-14 : les 20 pages consacrées à cet écrivain par le Dictionnaire des philosophes antiques commandent presque d'écrire un nouveau billet tout à lui consacré...

vendredi 29 avril 2005

Pyrrhon ou la négation du dialogue.

Platon dans le Banquet présente un Socrate absorbé par la méditation et capable de rester longtemps immobile à la recherche du vrai. Pyrrhon, lui, parle à voix haute en étant tout seul :
« On le surprit un jour se parlant à lui-même ; comme on lui en demandait la raison, il répondit qu’il s’exerçait à se rendre utile. » (IX, 64)
Ce n’est pas très étrange jusqu’à présent ; on peut penser que Pyrrhon répète en somme et fourbit les arguments anti-dogmatiques qu’il servira à ses disciples.
Ce qui est plus étonnant déjà, c’est qu’en réponse à des questions il entre dans un monologue :
« Dans les enquêtes (dialectiques), il n’était sous-estimé par personne, parce qu’il parlait en discours continu même en réponse à des questions. » (ibid.)
J’imagine que si cette manière de répondre lui vaut la reconnaissance de tous, c’est qu’elle met en valeur la fécondité de sa pensée.
En fait c’est bien plutôt l’indifférence à la présence d’autrui qui est ici mise en scène :
« Il restait toujours dans le même état – au point que, si quelqu’un le quittait au beau milieu d’un discours, il achevait ce discours pour lui-même – alors qu’il était agité et (…) dans sa jeunesse. » (IX, 63)
Diels semble combler la lacune avec beaucoup d’à propos en écrivant : « sensible aux applaudissements de la foule et ambitieux de gloire ».
Cependant ce choix rend-il complètement justice à la pensée pyrrhonienne ? Certes il va de soi que dans l’indifférence des valeurs la reconnaissance n’est pas digne d’être recherchée. Mais c’est plus radicalement l’existence même d’autrui qui est rendue douteuse : il n’est pas davantage présent qu’absent. Pourquoi donc cesser de parler quand il part, puisque, parti, il n’est pas davantage parti que non-parti ? Je fais donc l’hypothèse qu’il y a là comme une mise en scène solipsiste, si l’on accepte le paradoxe de cette expression contradictoire, qui évoque un arrangement fait pour autrui alors qu’on doute de son existence…
Diogène Laërce cite un passage d’un médecin sceptique, Théodose, dont le raisonnement me convainc que si le dialogue avec autrui est ainsi spectaculairement mis en question, c’est qu’ un échange d’idées suppose la possibilité d’identifier la pensée d’autrui, or cette possibilité même est rendue douteuse :
« Théodose, dans ses Résumés sceptiques, dit qu’il ne faut pas appeler pyrrhonienne la philosophie sceptique. Si en effet le mouvement de la pensée chez autrui est impossible à saisir, nous ne connaîtrons pas la disposition d’esprit de Pyrrhon ; et ne la connaissant pas, nous ne saurions pas non plus nous appeler pyrrhoniens. » (IX, 70)
Je ne commettrai donc pas l’erreur de m’appeler pyrrhonien sans quoi, aux dires radicaux et conséquents de Théodose, ces notes sur Pyrrhon se réduiraient à des mots vidés de sens par la contradiction !
Ce que je veux juste relever, c’est que ce doute que Théodose applique à Pyrrhon, j’imagine que Pyrrhon l’a appliqué à tous les autres qu’il rencontrait. Bien sûr, pas au point de se taire car il fallait bien qu’il leur communique la vérité sur l’inanité de leur esprit.
Paradoxalement, c’est cette attitude qui lui donne accès aux honneurs. La pensée sceptique atteint sans le vouloir ce que la folie ordinaire poursuit désespérément : non seulement la paix de l’esprit mais la reconnaissance de la cité (paix de l'esprit et reconnaissance de la cité seraient-ils des "effets essentiellement secondaires", c'est-à-dire des effets qu'on n'obtient pas si on les cherche directement ?)
D’abord, « son indifférence aux affaires lui attira beaucoup d’émules. » (IX, 64)
Aussi célèbre qu’un sophiste pourrait l'être d' avoir renoncé à la prétention au savoir !
Et Diogène Laërce cite avec à-propos ce passage des Silles de Timon :
« O vieillard, ô Pyrrhon, comment et d’où as-tu trouvé le moyen de te dépouiller
De la servitude des opinions et de la vanité d’esprit des sophistes ?
Comment et d’où as-tu dénoué les liens de toute tromperie et de toute persuasion ?
Tu ne t’es pas soucié de chercher à savoir quels sont les vents
Qui dominent la Grèce, d’où vient chaque chose, et vers quoi elle va. »(IX, 65)
C’est aussi sa cité, Elis, qui l’honore:
« Pyrrhon fut tenu en tel honneur par sa patrie qu’on le nomma au poste d’archiprêtre, et que l’on vota, en considération de lui, une exemption d’impôts pour tous les philosophes. » (IX, 64)
Enfin Athènes lui aurait décerné la citoyenneté.
Et tout cela me fait penser que du point de vue de n’importe quelle politique les citoyens sceptiques sont du pain bénit…

jeudi 28 avril 2005

Pyrrhon, le sage en cochon.

Je ne veux pas abandonner trop vite la référence au cochon, car il n’est pas simplement une bête sale qu’on lave dans l’indifférence, il est aussi une des incarnations animales du sage :
« Alors que les hommes d’équipage faisaient grise mine à cause d’une tempête, lui-même, gardant toute sa sérénité, leur remonta le moral en leur montrant sur le bateau un petit cochon qui mangeait, et en leur disant que le sage devait se maintenir dans un état semblable d’imperturbabilité. » (IX, 68 trad. Marie-Odile Goulet-Cazé))
Je me demande comment Pyrrhon pouvait rester pyrrhonien en remontant le moral aux marins affolés car il me semble que pour le faire, il ne faut pas dire que la situation n’est ni ceci ni cela mais il faut à coup sûr affirmer qu’elle n’a par exemple rien de désespérant, ce qui n’est pas tout à fait suspendre son jugement ! Et pourtant, si le sage sceptique a l’ataraxie du cochon, c’est bel et bien parce qu’il n’a pas à avoir peur de la tempête qui n’est ni un bien ni un mal mais est strictement inqualifiable, en vérité. Mais Pyrrhon a d’autres manières de se référer aux bêtes.
« Il comparait les hommes aux guêpes, aux mouches, aux oiseaux. » (IX, 67)
On peut interpréter variablement ce passage. En identifiant ces animaux à de petits, voire à de minuscules vivants, on met en relief que l’homme est un être sans importance, fragile et éphémère. Il me semble que la suite du texte favorise cette lecture :
« Il citait aussi ces vers (de l’Iliade) : Va, mon ami, meurs toi aussi : pourquoi gémir ainsi ? Patrocle aussi est mort, qui valait bien mieux que toi, Et tous les passages qui tendent à montrer l’insécurité, les vains soucis, en même temps que le côté puéril des hommes. » (ibidem)
C’est le Pyrrhon qui devait plaire à Emile Cioran, toujours désireux de magnifier la petitesse humaine. Cependant on peut aussi identifier ces insectes et ces volatiles à des animaux, sans plus. Ce qui revient à dire que le monde de l’homme n’est qu’à la mesure d’une espèce animale parmi tant d’autres. Adieu le Monde En Soi , bienvenue au monde-pour-homo sapiens !
« (Parmi les animaux) les uns ont telle constitution, les autres telle autre ; c’est pourquoi ils diffèrent aussi par leur sensibilité : par exemple les faucons ont une vue très perçante, les chiens un odorat très développé. Il est donc vraisemblable qu’aux animaux qui ont des yeux différents surviennent aussi des impressions visuelles différentes. »
Le réel ne se décrit jamais dans l’absolu mais toujours en relation avec un certain type de corps. Qu’on ne parte donc plus à la recherche du Bien et du Mal !
« Les feuilles de l’olivier sont comestibles pour la chèvre, elles sont amères pour l’homme ; la ciguë est une nourriture pour la caille, elle est mortelle pour l’homme (comment ici ne pas penser à Socrate, condamné à boire une fatale infusion de ciguë ?) ; le fumier est comestible pour le porc, non pour le cheval. » (IX, 80)
C’est sur la mouche que je terminerai aujourd’hui, elle me servira de trait d’union entre Pyrrhon, Diogène Laërce et Nietzsche. Voici donc la mouche très pyrrhonienne encore dans cette page sceptique qui ouvre Vérité et mensonge au sens extra-moral (1873) de Friedrich Nietzsche :
« Au détour de quelque coin de l’univers inondé des feux d’innombrables systèmes solaires, il y eut un jour une planète sur laquelle des animaux intelligents inventèrent la connaissance. Ce fut la minute la plus orgueilleuse et la plus mensongère de l’ « histoire universelle », mais ce ne fut cependant qu’une minute. Après quelques soupirs de la nature, la planète se congela et les animaux intelligents n’eurent plus qu’à mourir. Telle est la fable qu’on pourrait inventer, sans parvenir à mettre suffisamment en lumière l’aspect lamentable, flou et fugitif, l’aspect vain et arbitraire de cette exception que constitue l’intellect humain au sein de la nature. Des éternités ont passé d’où il était absent ; et s’il disparaît à nouveau, il ne se sera rien passé. Car il n’y a pas pour cet intellect de mission qui dépasserait le cadre d’une vie humaine. Il est au contraire bien humain, et seul son possesseur et son créateur le traite avec autant de passion que s’il était l’axe autour duquel tournait le monde. Si nous pouvions comprendre la mouche, nous nous apercevrions qu’elle évolue dans l’air animée de cette même passion et qu’elle sent avec elle voler le centre du monde. » (Ecrits posthumes 1870-1873, traduit par Michel Haar et Marc B. de Launay, Gallimard 1975)
Etre pyrrhonien : préférer le cochon serein à la mouche narcissique.

mercredi 27 avril 2005

Pyrrhon en homme de ménage.

« Il disait, en effet, que rien n’est beau ni laid, juste ni injuste ; et que de même pour tous les attributs de ce type, aucun n’existe en vérité, mais que c’est par coutume et par habitude que les hommes font tout ce qu’ils font ; en effet, selon lui, chaque chose n’est pas davantage ceci que cela. » (IX, 1100) C’est classique de mettre en évidence la faiblesse logique du scepticisme en montrant qu’il se fonde contradictoirement sur la vérité. Si « chaque chose n’est pas davantage ceci que cela », on ne peut pas soutenir que le beau et le laid par exemple sont des valeurs davantage produites par la coutume et l’habitude que conformes à la réalité des choses. Mais les sceptiques l’ont su, d’où cette inhabituelle analogie entre les arguments qu’ils utilisent et les purgatifs : « Notre assertion aussi, après avoir aboli les autres, s’élimine d’elle-même par retournement, à l’égal des purgatifs, qui, après avoir fait s’évacuer les matières, s’évacuent eux-mêmes par le bas et sont éliminés. » (IX, 76) Cependant ce n’est pas l’incohérence du scepticisme systématique que je veux aujourd’hui mettre en relief mais la réhabilitation de la vie ordinaire à laquelle il conduit. A dire vrai, la vie ordinaire n’est en aucune façon meilleure que la vie exceptionnelle, puisqu'un tel jugement supposerait un critère absolu que le scepticisme même juge inaccessible. Le sceptique la suit à la manière dont on suit machinalement le chemin tracé devant soi : les usages quotidiens ne sont ni bons ni mauvais, ils commandent une pratique dont on n’a ni les raisons de se défaire ni les raisons d’en faire l’éloge. Accuser les sceptiques de conformisme serait ne pas comprendre leur indifférence par rapport à toutes les valeurs et toutes les vérités. Si les coutumes habituelles sont respectées, c’est seulement dans la mesure où elles permettent de faire l’économie d’une question sans réponse absolument vraie: que faire ? Il n’y a rien à faire et donc pourquoi ne pas faire le ménage ? « Il vivait en tout bien tout honneur avec sa sœur, qui était sage-femme à ce que dit Eratosthène dans son livre Sur la richesse et la pauvreté ; c’est en ce temps qu’il portait lui-même au marché, pour les y vendre, des volailles, si cela se trouvait, et des petits cochons, et faisait le ménage à la maison, en toute indifférence. On dit aussi qu’il lava lui-même un porcelet, par indifférence» Hors contexte, un tel comportement pourrait valoir comme une illustration de la condamnation de la richesse et des honneurs. Mais Pyrrhon, qui était pauvre au début de sa vie (IX, 62) et dont Diogène Laërce ne dit nulle part qu’il s’est un jour enrichi, vit comme un pauvre vit d’ordinaire, sans esclaves et en mettant la main à la pâte. Un sceptique riche pourrait tout aussi bien se faire servir par une armée de serviteurs. Le sceptique s’en tient aux apparences, non pas parce qu’il est pris à leurs pièges ( pour penser cela, il faudrait avoir à sa disposition une réalité digne de ce nom), mais parce qu’au fond il n’y a rien à trouver derrière les apparences On m’accusera, à juste titre peut-être, de surinterpréter mais je ne peux pas ne pas relever qu’à l’origine Pyrrhon était un peintre. Or, le peintre, dans la pensée platonicienne, est celui qui éloigne de l’essence des choses car il s’en tient aux apparences des réalités sensibles. Pyrrhon, lui, avant même d’être pyrrhonien, a pris le parti des apparences.

mardi 26 avril 2005

Pyrrhon, disciple peu secourable, mais maître secouru.

« Un jour qu’Anaxarque était tombé dans un marécage, il continua son chemin, sans lui prêter main-forte ; mais alors que certains lui en faisaient reproche, Anaxarque lui-même fit l’éloge de son indifférence et de son absence d’attachement. » (IX, 63)
Il est bien sûr exclu d’interpréter cette anecdote comme illustration de l’égoïsme car ces vies sont remarquables et l’égoïsme est très ordinaire. Sans rien savoir de la doctrine sceptique, si l’on ose cette expression paradoxale, on pourrait voir dans le geste de Pyrrhon la forme extrême de la réussite du maître. Ce dernier aurait tant appris à son disciple l’indépendance qu’il en paierait le prix sous une forme finalement plutôt magistrale. Anaxarque, qui n’était pas sceptique, pouvait l’entendre ainsi. Mais il ne s’agit pas seulement de cela car Pyrrhon est sur la voie d’une indifférence bien plus fondamentale puisqu’elle le conduira à ne pas pouvoir distinguer le vrai du faux, le réel de l’apparent, la science de l’opinion :
« Il était conséquent avec ces principes jusque par sa vie, ne se détournant de rien, ne se gardant de rien, affrontant toutes choses, voitures, à l’occasion, précipices, chiens, et toutes choses de ce genre, ne s’en remettant en rien à ses sensations. Il se tirait cependant d’affaire, à ce que dit Antigone de Caryste, grâce à ses familiers qui l’accompagnaient. » (IX, 62)
J’imagine cet homme volontairement aveugle et sourd, guidé par les disciples, soucieux de préserver sa vie aussi longtemps que possible pour qu’il continuât de délivrer sa muette leçon sur les sens. Ils ont réussi dans leur tâche puisqu « il vécut jusque vers quatre-vingt dix ans » (ibid.). Lequel d’entre eux s’est-il aperçu que le succès de leur conduite, à ses disciples aveuglés, était un démenti constant de la leçon du maître ? Mais le cours de philosophie appliquée laissait place par moments à une réaction naturelle du maître :
« Un jour qu’un chien s’était précipité sur lui et l’avait effrayé, il répondit à quelqu’un qui l’en blâmait qu’il était difficile de dépouiller l’homme de fond en comble ; il fallait affronter les vicissitudes d’abord par les actes, dans toute la mesure du possible, et à défaut, par la parole. » (IX, 66)
Le chien ici n’est pas le chien cynique, c’est juste un chien, un vrai chien, dont on a peur et qui mord. Il n’est pas « endoctriné » si on peut dire et vient de l’extérieur de la doctrine à l’assaut du philosophe qui réagit en homme mais tout de même garde assez d’esprit pour tirer la leçon de sa peur : le scepticisme n’est pas donné, c’est une dure conquête, jamais gagnée. Le chien cynique jouait le jeu du philosophe : même quand il lui était hostile, il donnait encore au philosophe l’occasion de se battre comme un chien (cf la note du 2-03-05). Dépouiller l’homme ne veut pas dire ici lui enlever sa parure sociale d’usages arbitraires et de désirs superflus, mais se défaire du philosophe, du dogmatique en lui. En effet pour Pyrrhon il y a un point commun entre l’homme apeuré et le philosophe. Certes ce dernier se vante de dépasser les pensées communes mais ce qu’il partage avec l’homme de la rue, c’est la conviction que le chien est bel et bien réel. Certes un platonicien n’appellera pas réelle la même chose que Monsieur tout le monde ou qu’un épicurien, mais ce qui les unit tous, c’est que, facilement ou au prix d’efforts, ils pensent être en mesure d’appliquer correctement la distinction entre la réalité et l’apparence. Mais il y a dépouillement et dépouillement : le premier degré est donc verbal, il s’agit de se retenir de proférer des vérités. Le sceptique ne professe pas et, si on ne dispose d’aucun texte de Pyrrhon, ce n’est pas que, comme trop souvent, tout est perdu mais parce qu’il n’a rien écrit. C’est un point commun avec Socrate mais le sens d’une telle abstention est bien distinct dans les deux cas : si le maître de Platon n’a rien écrit, c’est au nom de la valeur du dialogue et de la pensée en progrès. Si Pyrrhon lui s’est aussi retenu d’écrire, c’est au nom de l’impossibilité (elle-même insoutenable) de dire le vrai. Professeur de scepticisme, c’est une contradiction dans les termes. Ce serait enseigner dogmatiquement l’inanité de tous les dogmes. Et pourtant, en marchant dans ses ténèbres imaginaires, Pyrrhon ne professe-t-il pas à sa manière ? Mais le scepticisme théorique ne suffit pas ; c’est la pratique sceptique qui est le comble de l’accomplissement. Elle mène paradoxalement le philosophe droit à l’échec, à la souffrance et à la mort, du moins quand il fait cours sous cette forme dangereuse et au cas improbable où la bande attentive des disciples épris ne volerait pas à son secours. Il arrivait en effet à Pyrrhon de vivre comme tout le monde :
« Enésidème dit que s’il philosophait selon la formule théorique de la suspension du jugement, il ne manquait cependant pas de prévoyance dans ses actions au jour le jour. » (IX, 62)
On pourrait croire que Pyrrhon, fatigué, lâche du lest. Non, c’est une autre manière de dire le cours.

lundi 25 avril 2005

Pyrrhon, disciple d' Anaxarque (2)

C’est curieux que la seule autre anecdote que Diogène rapporte à propos d’Anaxarque se réfère aussi à une blessure. Mais cette fois ce n’est plus Nicocréon qui l’inflige à Anaxarque, c’est Alexandre qui, pour une cause indéterminée, perd son sang :
« En tout cas, il remit à sa place Alexandre, qui pensait être un dieu : voyant du sang qui lui coulait d’une blessure, il le montra de la main en lui disant : « Voici bien du sang, et non pas "Cet ichôr qui coule dans les veines des dieux bienheureux " (IX, 60)
Jacques Brunschwig rappelle que cette citation de l’Iliade évoque le fluide immortel qui coule dans le corps des dieux. Anaxarque semble penser qu’Alexandre n’est rien de plus qu’un corps alors que lui-même dans le défi qu’il lance à Nicocréon paraît surplomber son corps de très haut. Cependant il n’y a pas de contradiction : s’il démystifie le pouvoir et lui rappelle son humanité, ce n’est pas pour nier la possibilité d’une certaine surhumanité mais pour mettre en évidence que cette surhumanité-là n’est pas à chercher du côté du succès politique mais de la prouesse éthique, de l’héroïsme moral. Que la grenouille se ridiculise à se prendre pour le bœuf ne veut pas dire que toutes les manières d’être grenouille se valent ! C’est l’ambiguïté d’une certaine référence au divin : celui qui se prend pour un dieu n’est qu’un pauvre homme, à qui il faut montrer sa misère ; en revanche celui qui prend au sérieux l’idée qu’il est un homme tend vers la divinité. Diogène ajoute que « Plutarque dit que c’est Alexandre lui-même qui dit cela à ses amis. » (ibid.). Si c’est vrai, j’imagine que c’est parce que « notre Anaxarque fut le compagnon d’Alexandre. » (IX, 58) Alexandre aurait été rendu lucide sur sa nature par la fréquentation d’un philosophe. A ce propos, c’est étrange d’apprendre que Nicocréon, qui est décrit dans la vie d'Anaxarque comme une brute sadique, fréquentait pourtant les philosophes si l’on en croit ce que rapporte Diogène à propos de Ménédème d’Erétrie :
« Sa franchise en fait faillit lui faire courir des dangers à Chypre alors qu’il était avec son ami Asclépiade chez Nicocréon (une note savante m’apprend qu’il a régné de 331 à 310). Le roi célébrait en effet une fête mensuelle à laquelle il les avait conviés comme il avait convié les autres philosophes ; Ménédème dit alors que si c’était une bonne chose de réunir de tels hommes, il fallait que la fête eût lieu chaque jour ; mais que si ce n’était pas le cas, dans la circonstance présente aussi c’était superflu (il semble qu’ici Ménédème défende à sa manière la thèse platonicienne du philosophe-roi). A quoi le tyran répondit en disant que c’était ce jour-là qu’il avait du loisir pour écouter les philosophes ; Ménédème insista en s’obstinant de plus belle, démontrant au beau milieu du sacrifice (voici chez ce philosophe mégarique un trait fort cynique : considérer que l’accomplissement d’un sacrifice ne suspend pas l’exercice du raisonnement juste ) qu’il fallait écouter les philosophes en toute circonstance, au point que si un joueur de flûte ne les avait pas fait partir, c’en était fini d’eux (merci à cet anonyme musicien d’avoir empêché le « meunier de malheur » de broyer aussi Ménédème) Aussi, comme ils étaient aux prises avec la tempête sur le bateau qui les ramenait, Asclépiade dit, à ce qu’on raconte, que si l’art du joueur de flûte les avait sauvés, la franchise de Ménédème les avait perdus. » (II, 129-130 traduction de Marie-Odile Goulet-Cazé)
Ainsi les dieux ne prennent pas le parti du philosophe et donnent raison à cette brute de Nicocréon qui, s’il n’aime pas s’exercer dialectiquement avec les philosophes, accomplit néanmoins impeccablement les rites… Ce Nicocréon qui n’apparaît que deux fois dans les Vies y est bizarrement toujours lié à la tempête : quand elle ne lui rend pas le service de lui apporter sur ses côtes un Anaxarque dont il veut se venger, elle malmène en signe des dieux et à sa place le raisonneur sacrilège. On peut lire aussi la remarque d’Asclépiade comme un avertissement fort classique : si on échappe aux pouvoirs humains, en revanche pas moyen de se mettre à l’abri des puissances divines.

dimanche 24 avril 2005

Pyrrhon, disciple d'Anaxarque (1)

C’est à Pyrrhon que je vais désormais m’intéresser mais sans me détourner de cette source bien- aimée que sont les Vies et doctrines des philosophes illustres que Diogène Laërce a écrite au début du 3ème siècle et qui est publiée à la Pochothèque dans une édition magnifique par son exactitude et sa précision. Après les Épicuriens, les Cyniques et les Stoïciens, c’est le temps de quelques chroniques consacrées au scepticisme. Cependant, avant de me concentrer sur les faits et gestes du fondateur du scepticisme, je dois quelques lignes à la vie exemplaire d’un de ses deux maîtres : Anaxarque (de l’autre, Bryson , fils ou disciple de Stilpon, on ne sait rien). Sa pensée nous est inconnue, même si, comme le dit Jacques Brunschwig (qui est le traducteur des textes que je vais commenter librement), « il représente un chaînon intéressant entre la tradition démocritéenne et Pyrrhon » (p.1038). Comme le même Brunschwig en fait l’hypothèse, c’est sans doute par sa tenue morale qu’il s’est fait du jeune Pyrrhon un disciple. Voyez plutôt :
« Notre Anaxarque, donc, fut le compagnon d’Alexandre ; il était dans sa pleine maturité pendant la cent-dixième Olympiade. Il se fit un ennemi de Nicocréon, tyran de Chypre. Un jour, dit-on au cours d’un banquet, Alexandre lui ayant demandé ce qu’il pensait du dîner, il répondit : « Tout est somptueux, ô roi ; à ceci près qu’il aurait fallu y servir la tête d’un certain satrape » ; ce qui était une pique contre Nicocréon. Ce dernier lui en garda une rancune durable : après la mort du roi, Anaxarque ayant été, au cours d’un voyage en mer, jeté contre son gré à Chypre, Nicocréon s’empara de sa personne, le fit jeter dans un mortier et meurtrir avec des pilons de fer. Mais lui, sans se soucier de la torture, prononça le mot célèbre : « Broie le sac d’Anaxarque ; mais Anaxarque, tu ne le broies pas. » Nicocréon ayant alors ordonné qu’on lui coupât la langue, on raconte qu’il se la coupa avec ses dents et la lui cracha au visage. » (IX, 58-59)
Cracher sa langue au visage d’un tyran, c’est aussi ce qu’a fait Zénon d’Elée (IX, 27), en devançant le supplice qui attend celui qui n’a pas su tenir sa langue. L’un et l’autre, sans être stoïcien, illustrent hyperboliquement ce détachement par rapport au corps, idéal antique qui dépasse largement le stoïcisme. Cela ne revient pas nécessairement à penser constamment son corps comme n’étant rien de plus qu’un sac ; cette pensée qui vide le corps de la personne se présente comme une arme dans le contexte d’une attaque où le corps est pris pour la personne (quoi de plus naturel d’ailleurs ?). Alors le philosophe se retire de son corps, au point que se défaire de sa propre langue n’est pas se priver de manière surhumaine de la possibilité de parler mais juste donner à celui qui le veut un morceau de cadavre.(1) Cette fin sanglante inspire à Diogène Laërce le poème suivant :
« Broyez donc, Nicocréon, et broyez encore plus fort : ce n’est qu’un sac. Broyez toujours : Anaxarque est depuis longtemps chez Zeus. Et toi, Perséphone te déchirera un moment avec ses pointes de fer, En te disant ces mots : « Puisses-tu crever, meunier de malheur ! » (ibid.)
Je relève ce bonheur d’expression « meunier de malheur » : on pourrait qualifier ainsi tous les tortionnaires si l’on parvenait à penser qu’ils ne détruisent que des sacs de peaux et d’os. Mais pour nous ce sont des personnes qui souffrent et ces textes ne nous offrent que de belles et illusoires fins, de ces fins qui n’en sont pas car celui qui finit a jusqu’au bout le dernier mot même s’il y perd …la langue.
(1) Ajout du 26-10-14 : " Quiconque n'est pas inférieur au plaisir, à la peine, à la réputation, à la richesse, et qui peut s'en aller lorsqu'il lui plaît, en crachant son corps entier à la face de quelqu'un, de qui est-il l'esclave ? À qui est-il soumis ?" (Épictète, Entretiens, III, XXiV, 71, La Pléiade, p.1028)