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mardi 18 octobre 2005

Socrate et Xanthippe (2)

Si j'en crois Diogène, Xanthippe frappait Socrate, qui refusait de rendre les coups. Ce qui m'intéresse, c'est la raison qu'il invoque:
" Une fois que, sur la place publique, elle l'avait dépouillé de son manteau, ses disciples lui conseillaient d'user de ses mains pour se défendre: "Oui, par Zeus, dit-il, pour que, pendant que nous échangeons des coups, chacun de vous dise: "Bravo, Socrate !", "Bravo, Xanthippe!" (II, 37)
La scène confine au burlesque mais ce que j'en retiens, c'est que Socrate ne veut pas donner aux autres le spectacle d'un combat où les jeux ne sont pas faits. Socrate ne doute pas de sa capacité de répondre mais de son aptitude à l'emporter. La violence est refusée comme occasion de mettre Socrate à égalité avec Xanthippe.Il préfère l'emporter moralement en endossant gaillardement le rôle honorable de la victime. Mais qu'il y ait eu volonté de dominer chez Socrate, la suite du texte le met peut-être en évidence:
" Il avait commerce (''je dois ici citer la précieuse et ô combien embarrassante note de Michel Narcy: " Suneinai a certes une acception plus large, mais la comparaison avec les cavaliers montant des chevaux fougueux invite à en souligner ici la connotation explicitement sexuelle'"'), disait-il, avec une femme acariâtre, tout comme les cavaliers avec les chevaux fougueux. "Eh bien, dit-il, tout comme eux, une fois qu'ils les ont domptés, maîtrisent facilement les autres, moi, de même, qui ai affaire à Xanthippe, je saurai m'adapter aux autres humains." (ibid.)
Certes la fréquentation de l'épouse a encore valeur d'exercice comme dans la pratique de la patience mais ici l'accent est clairement mis sur la domestication, si on peut dire, de Xanthippe. Tout se passe donc comme si la femme était le premier adversaire à dominer et celui qui en même temps assure des victoires à venir. Que l'occasion de la mise au pas soit l'acte sexuel (qui d'ailleurs tiendrait ici presque du viol) en rajoute à l'étrangeté de ce passage qui ne cadre pas du tout avec l'image canonique de Socrate. On peut cependant comprendre le texte autrement: de même que les cavaliers qui ont dompté des chevaux fougueux savent facilement s'y prendre avec les autres chevaux, de même Socrate qui a su comment supporter Xanthippe, la Pénible par excellence, saura supporter les autres humains. Mais la référence à l'acte sexuel s'intègre mal avec cette hypothèse de lecture, à moins de supposer que c'est Socrate qui est dominé sexuellement. Pourquoi pas finalement ? Robert Genaille en ne traduisant pas suneinai évite l'ambiguité et rend le texte plus correct:
"Il disait qu’il en était des femmes irascibles comme des chevaux rétifs. Quand les cavaliers ont pu dompter ceux-ci, ils n’ont aucune peine à venir à bout des autres. Lui-même, s’il savait vivre avec sa femme, en saurait beaucoup plus aisément vivre avec les autres gens."
A dire vrai, si on se rapporte au texte de Xénophon qui semble avoir été la source même de Diogène Laërce, il faut en conclure que la traduction conforme au sens de l'original est cette fois celle de Robert Genaille. Qu'on en juge:
" Comment se fait-il donc, Socrate, demanda Antisthène, si tu as cette opinion, que tu n'instruises pas Xanthippe et que tu t'accommodes de la plus acariâtre des créatures qui existent, je dirai même qui ont été ou qui seront jamais? — C'est que, répondit Socrate, je vois que ceux qui veulent devenir de bons écuyers se procurent non pas les chevaux les plus dociles, mais des chevaux fougueux, persuadés que s'ils parviennent à dompter de tels chevaux, ils pourront manier facilement les autres. J'ai fait comme eux : voulant vivre dans la société des hommes, j'ai pris cette femme, sûr que, si je la supportais, je m'accommoderais facilement de tous les caractères. » On trouva que ce propos ne manquait pas de pertinence. " (Le Banquet II, 10 trad. de Emile Chambry 1954)
Hypothèse: Diogène, en recopiant Xénophon, y a mis un peu du sien, ce qui fait un texte guère cohérent mais que Michel Narcy aurait rendu cependant avec exactitude. Diogène aura eu au moins le mérite de me faire penser à Socrate dans des situations tout à fait inhabituelles.

Commentaires

1. Le mercredi 21 avril 2010, 19:05 par socrateplaton73
Socrate at-il peur des gens?
Est-il intilligent
2. Le mercredi 21 avril 2010, 19:43 par philalèthe
Ce sont plutôt les autres qui semblent avoir été intimidés par lui.
Quant à son intelligence, elle n'est jamais mise en doute !

lundi 17 octobre 2005

Socrate et Xanthippe (1)

Je passe donc désormais au prestigieux disciple d'Archélaos, Socrate. Vu que nous disposons des textes de Platon et de Xénophon, que Diogène Laërce avait lui-même lus, ce que mon compilateur préféré a écrit sur le maître de Platon n'a donc rien de surprenant. Restent quelques sources d'étonnement. Voici la première. Il est généralement bien connu que la Pythie (prêtresse d' Apollon à Delphes) avait dit en réponse à une question de Chéréphon, disciple de Socrate, que "de tous les hommes sans exception, Socrate est le plus sage" (II, 37). Si elle ne donne pas de raisons, il n' est à première vue pas difficile d'en trouver dans la conscience qu' avait Socrate de ne pas être sage, sa nescience le mettant ainsi sur la voie de la recherche de la Vérité. Cela revient à dire que le vrai sage est finalement le philosophe car il est certain de ne pas être sage. Mais Diogène, lui, donne une autre explication de cette attribution à Socrate du titre de sage. Elle est en relation avec Xanthippe, la première femme de Socrate, la seule à être entrée dans la légende philosophique. Xanthippe se conduisait fort mal avec son mari, ne se contentant pas de l'injurier mais l'arrosant aussi. Or, ce qui fait la sagesse de Socrate, c'est qu'il transforme sa femme en phénomène naturel:
"Ne disais-je pas que Xanthippe en tonnant ferait aussi la pluie ?" (II, 36)
L'autre identification revient au même, bien qu'il s'agisse cette fois d'artefacts et non plus de phénomènes météorologiques:
" A Alcibiade, qui disait que Xanthippe, quand elle l'injuriait n'était pas supportable, "Pourtant moi, dit-il, j'y suis habitué, exactement comme si j'entendais continuellement des poulies ; et toi, d'ailleurs, dit-il, tu supportes les oies quand elles crient ? L'autre lui répondant: "Mais elles me donnent des oeufs et des oisons", "Moi aussi, dit-il, Xanthippe me donne des enfants." (II, 36-37)
Pour supporter Xanthippe, Socrate a la force d'imaginer que ses comportements intentionnels ne le sont pas et qu'elle ne le vise pas plus que la foudre qui le frapperait. Il y a peut-être un historique de la transformation par les philosophes des femmes en mécaniques insensées. Je pense entre autres à ce propos d' Alain daté de 1923, dirigé contre la psychanalyse et identifiant le cri d'une femme à un "cri de poulet mort" :
"Quand on appuie vivement sur la poitrine d'un poulet plumé et paré, et enfin mort à n'en point douter, on produit un cri d'angoisse de poulet qui est assez étonnant; mais croyez-vous que cette femme qui pousse un cri de surprise pense davantage ? Ce sont les muscles subitement réveillés et tendus qui resserrent vivement la poitrine."
Laissant de côté tout le parti qu'une lecture féministe pourrait faire de ces textes qu'il n'est pas forcément faux d'associer à une mysoginie philosophique, cette attitude socratique me semble en partie reprise par les stoïciens quand, à défaut de pouvoir modifier les hommes, ils décident de les supporter. Ainsi Marc-Aurèle a dans le même esprit recours à un arbre fruitier:
" De telles choses, par le fait de tels hommes (il se réfère aux méchants et à leurs méchancetés), doivent naturellement se produire ainsi, par nécessité. Ne pas vouloir que cela soit, c'est vouloir que le figuier soit privé de son suc." ´(Pensées pour moi-même livre IV , VI, trad. Meunier)
On remarque qu'à la différence du cri du volatile écrasé, autant la pluie que la poulie et le figuier sont utiles. Ce que Socrate d'ailleurs met en relief: cette femme orageuse et grinçante produit des enfants. Marc-Aurèle ira jusqu'à soutenir que le monde a besoin de ces gens insensés qui semblent troubler l' ordre du monde alors qu'ils en sont une des manifestations. Concluons: c'est pour récompenser la transformation imaginaire qu'il opère chaque jour sur son épouse que la Pythie glorifie Socrate du nom de sage. D'où cette définition: est sage quiconque est en mesure de faire comme si les comportements humains nuisibles avaient seulement des causes et pas de raisons. Mais nous verrons bientôt que Socrate n'a pas qu'une manière de s'y prendre avec sa mégère...
17 octobre 2005 | Lien permanent | Commentaires (0)
15 octobre 2005

Commentaires

1. Le jeudi 19 avril 2012, 13:24 par soumad
je trouve sa bien dommage que vous ne donner aucune description de la vie des trois fils (exemple=leur métier,age,si ils sont mariés...)