mardi 8 mars 2005

Cratès (3) : la pauvreté comme moyen de séduction.

Les cyniques ont toujours d’une manière ou d’une autre affaire à l’argent. Cratès n’y fait pas exception. Lui, le riche, c’est le spectacle de la pauvreté qui le convertit :
« D’après les Successions d’Antisthène, Cratès fut attiré à la philosophie cynique quand il vit dans une tragédie Télèphe, du reste assez misérable, portant un pauvre petit panier. » (D.L., VI, 87)
Ce Télèphe a bien sûr tout pour plaire à un futur cynique : 1) c’est le fils d’Héraclès 2) s’il est condamné à la misère, c’est parce que sa mère, Augé, prêtresse d’Athéna, a renoncé à la virginité attachée à son ministère en couchant avec le héros des cyniques. Quand on sait à quel point la secte se moque des prêtres et des rites arbitraires des religions, être le fruit d’une transgression religieuse est à coup sûr un bon départ dans la vie !
« Il convertit donc en avoirs liquides – il était en effet du nombre des gens bien en vue – et ayant ainsi amassé quelque chose comme 200 talents (300.000 $, d’après Léonce Paquet !), il distribua cette somme à ses concitoyens. » (ibid.)
Fit-il donc aux Thébains un cadeau empoisonné ? Jeta-t-il sa fortune à la mer (VI, 87) ? La donna-t-il à l’Etat (Simplicius Commentaire sur le Manuel d’Epictète 64)? Quoi qu’il en soit, ce geste inaugural, qui a tout de même plus d’allure que la simulation de Monime, le rend célèbre ! C’est toute l’ambiguïté du cynique qui obtient par le mépris de la célébrité la célébrité du mépris ! Mais la pauvreté de Cratès a été aussi son arme pour séduire Hipparchia. Laërce raconte que la sœur de Métroclès ne prêtait « aucune attention à ses prétendants, à leur richesse, leur noblesse ou leur beauté : Cratès était tout pour elle. Elle menaçait même ses parents de s’enlever la vie si on ne la laissait pas épouser Cratès. Ses proches supplièrent donc ce dernier d’en dissuader leur fille : Cratès fit tout ce qu’il pouvait, mais à la fin, incapable de la persuader, il se leva, se dépouilla de ses vêtements devant elle et lui dit : « Voilà ton futur et tout son avoir, décide-toi en conséquence, car tu ne saurais être ma compagne à moins d’adopter aussi mes habitudes de vie. » (D.L. VI, 96) Je retrouve la méthode cratésienne : 1) donner la parole au corps quand l’argumentation est défaillante 2) faire le contraire de ce qu’il prétend faire (il imitait l’impuissance de Métroclès par une manifestation de puissance et ici il montre ce qui plaît, au moment même où il affirme faire la démonstration de ses limites). Bien sûr Cratès n’était pas beau (je n’oublie pas qu’Antisthène a été l’élève de Socrate, qui avait transformé sa laideur en argument de vente) « et l’on se moquait de lui quand il se dénudait pour ses exercices physiques. » (VI, 91). Mais c’est justement ce que désire Hipparchia, la possession de cette totale anti-valeur grecque qu’est Cratès : laid, pauvre, sans fonction politique, mais ô combien puissant pour cela même ! Mais ce qu’a pensé Cratès de son mariage avec Hipparchia (énigme : à quoi peut donc bien ressembler un mariage cynique ?), je n’en sais trop rien. J’ai du mal à interpréter ce qu’il dit à son fils Pasiclès :
« D’après Erastothène, Hipparchia (…) lui donna un fils du nom de Pasiclès ; quand ce dernier parvint à l’âge adulte, Cratès le mena dans un bordel : « C’est ainsi, lui dit-il, que ton père s’est marié. » Car les unions adultères, à son avis, sont des mariages de tragédie qui n’ont pour récompense que l’exil ou l’assassinat ; tandis que les unions des clients de maisons closes sont plutôt comiques : à partir de la débauche et de l’ivresse, elles n’ont pour résultat que la folie. » (VI, 88-89)
J’ai tendance à penser que ces dernières lignes font l’éloge de la prostituée aux dépens de la maîtresse mais elles identifient aussi bizarrement Hipparchia à une pensionnaire de maison close, signe donc de débauche, d’ivresse et de folie. Comme je préférerais m’appuyer sur la vieille traduction de Robert Genaille (1933) dont je sais pourtant qu’elle est définitivement disqualifiée mais qui était elle, grâce à son contresens, vraiment lumineuse et finalement tout à fait cynique :
« Il mena Pasiclès, quand il fut adulte, dans la maison d’une prostituée, il lui dit que c’était là le mariage que lui conseillait son père car etc. »
Il m’eût suffi de faire l’hypothèse que Cratès, tel Socrate, avait chèrement payé sa vie de couple !

lundi 7 mars 2005

Cratès (2) : la lecture cynique des classiques.

Il y a un point commun entre Cratès et les brahmanes, alias les gymnosophistes : de même que ces derniers, selon les dires d’Onésicrite, pénétraient partout sans gêne, de même Cratès a reçu le surnom d’Ouvreur-de-Portes « en raison de sa manie d’entrer partout pour admonester les gens. » (D.L. VI, 86) On dirait aujourd’hui qu’il viole l’espace privé de chacun et ce philosophe-moraliste voyeur nous paraîtrait un indiscret fort indésirable. Mais si Cratès fait ce singulier porte-à-porte, c’est qu’aux yeux de l’orthodoxie cynique, comme aux siens, tous les lieux se valent : le périmètre du temple vaut l’espace de la rue qui vaut l’intérieur du logement. Les distinctions qui les séparent ne sont que de l’ordre de la coutume, de la loi, du nomos. Ce qui les unit tous, c’est ce que commande la nature. La pensée cynique, loin d’être relativiste, n’est même pas contextualiste : le sage doit partout et toujours faire la même chose. Ce qui se fait ici peut aussi bien se faire là, si c' est légitime. Ce qui ne doit pas se faire ici ne doit se faire nulle part. C’est ainsi que Cratès et Hipparchia, le Sartre et la Beauvoir du cynisme, font l’amour en public. Uriner, déféquer, se masturber, faire l’amour, manger : ce qui est naturel est digne d’être public ; ce qui ne l’est pas ne doit tout simplement pas exister. Ceci dit, ce qu’on sait de Cratès n’a rien de bien scandaleux. Il semble s’être beaucoup livré à des travaux d’écriture dans lesquels dominent la parodie et le jeu de mots ; c’est par exemple des vers d’Homère dont il détourne le sens en remplaçant certains mots par d’autres qui leur ressemblent. Alors qu’on lit dans l’Odyssée (XIX, 172) : « Au milieu de la mer (« pontô ») couleur de vin est une terre, la Crète (« Krété »), jolie, opulente, entourée d’eau (« périrrytos ») », Cratès écrit : « Il est une cité au milieu d’une fumée («typho » qui signifie aussi l’orgueil, la vanité) couleur de vin, Péra (« Péré »), la jolie, l’opulente, entourée de saletés (« périrrypos ») » (D.L. VI, 85). Ainsi le cynique n’est pas si loin du sophiste, il est comme lui un virtuose de la langue, même s’il met son talent au service de la dérision. Car par cette pratique, Cratès ridiculise autant Homère que ses contemporains. Si je compare avec la manière dont Platon se référait au texte homérique, je repère une différence notable : l’œuvre platonicienne prélève dans l’Iliade et l’Odyssée ce qu’elle juge conforme à la vérité et rejette au rang de contes bons pour des vieilles femmes ce qui ne s’accorde pas avec la philosophie. Homère sert à la fois mais à des moments différents de repoussoir et de garant ancestral. En revanche, ce que Cratès semble opérer, c’est une disqualification radicale du texte fondateur qui n’est plus que prétexte à calembours rabaissant les contemporains. Il n’est plus une lumière qui vient de loin, c’est un papier qu’on allume pour griller les moustaches de ceux qu’on tourne en ridicule. Homère pétard et non plus Homère comète !

dimanche 6 mars 2005

Cratès (1) : le maître d'un Maître.

On ne sait pas de qui Cratès a été le disciple, de Diogène ou de Bryson d’Achaïe, mais ce qui est sûr, c’est qu’il a été le maître de Zénon. Or, ce Zénon n’est rien de moins que le fondateur d’une gigantesque philosophie, le stoïcisme. Mais il a d’abord été un élève sans audace :
« Un jour, à son disciple Zénon de Citium, il donna un pot de lentilles à porter, mais Zénon, par respect humain, cherchait à se dissimuler dans la foule. Cratès frappa alors de son bâton le pot qu’il mit en pièces : les lentilles se mirent à couler sur les jambes de Zénon et ce dernier en devint rouge de honte. « Rassure-toi, mon petit Phénicien, lui dit aussitôt Cratès, ce n’est rien de si terrible, ce ne sont que des fèves. » (Gnomologium Vaticanum, 384)
Cela fait en effet partie de l’éducation cynique d’habituer le disciple à faire des choses que l’on juge ordinairement indignes. J’imagine que dans ce cas Zénon accomplit une tâche réservée aux esclaves. La finalité de tous ces exercices est de convaincre le disciple qu’en réalité la seule chose à ne pas faire absolument est le mal mais ce dernier est en réalité facile à faire puisqu’il apparaît dès qu’on ne limite plus ses désirs à la satisfaction simple des besoins naturels. Dans la même perspective, Cratès s’est illustré en pratiquant la pédagogie du pet, si on peut dire. Celui qui reçoit la leçon n’est plus le jeune Zénon, mais Métroclès, le beau-frère de Cratès :
« Métroclès de Maronée, frère d’Hipparchia, fut d’abord un élève de Théophraste le Péripatéticien. Celui-ci l’abîma à ce point qu’un jour Métroclès, ayant lâché un pet au beau milieu d’un exercice oratoire, en fut si honteux qu’il s’enferma chez lui, décidé à se laisser mourir de faim. En apprenant cela, Cratès vint le voir, comme on l’avait invité à le faire, et non sans avoir, à dessein dévoré un plat de fèves ; il tenta d’abord de le convaincre en paroles qu’il n’avait commis aucun délit : il aurait en effet été bien étonnant que les gaz ne se soient pas échappés comme le veut la nature. En fin de compte, Cratès se mit à péter à son tour et réconforta ainsi Métroclès en lui fournissant la consolation de l’imitation de son acte. A partir de ce jour, Métroclès se mit à l’école de Cratès et il devint un homme de valeur en philosophie. » (D.L., VI, 94)
Je suis d’abord surpris de voir dans le rôle de brutal sodomite l’illustre Théophraste, à qui Aristote a confié, à sa mort, la direction du Lycée, mais ce qui ne m’étonne pas en revanche, c’est la condamnation toujours récurrente chez les cyniques de l’homosexualité passive (je n’ai encore jamais lu dans les textes cyniques de dépréciation de l’homosexualité en tant que telle mais en revanche nombreuses sont les anecdotes qui mettent en scène la dérision des « efféminés »). Maintenant je ne sais pas si Métroclès a eu raison d’être convaincu par la pétomanie cratèsienne, car ce dont il avait eu honte, c’était de ne pas s’être contrôlé dans une situation où il l'aurait dû au plus haut point. Or, Cratès prétend le consoler non en se laissant aller à son tour mais tout au contraire en faisant exactement ce que Métroclès n’est pas parvenu à faire, c'est-à-dire preuve de volonté. On pourrait même soutenir que, dans le cas de cet exercice, la maîtrise de soi est exemplaire puisqu’elle revient à transformer en pratique volontaire un phénomène naturel (on notera cette étonnante rhétorique où l’anus l’emporte à la fin sur la bouche). Mais Métroclès était encore philosophiquement bien peu rodé et donc rien d’étonnant à ce qu’il ait pris comme maître celui qui maîtrisait ses gaz !

samedi 5 mars 2005

Un étrange cynique : Onésicrite et les gymnosophistes.

Laërce n´ a laissé qu’une dizaine de lignes sur ce disciple renommé de Diogène : il ne rapporte à son propos aucune anecdote savoureuse, il ne lui attribue aucune parole marquante. Il nous dit simplement qu’il a participé à la campagne d’Alexandre le Grand et qu’il a écrit un livre consacré à la formation du conquérant. C’est étonnant : comment peut-on être à la fois un imitateur de Diogène et, en même temps, au service d’un chef militaire ? Les cyniques nous ont habitués à remettre les grands hommes à leur place, pas à les honorer ! Mais à vrai dire, ce qui m’intéresse aujourd’hui, ce n’est pas le témoignage de Laërce mais celui de Strabon. C’est un géographe grec, plus ou moins contemporain du Christ. Grâce à lui, j’assiste à l’étrange rencontre de deux sagesses, l’une grecque, l’autre indienne. C’est Alexandre qui, envahissant l’Inde, veut voir ces sages. Voltaire donne une image particulièrement brutale de la rencontre :
« Alexandre fit saisir dix philosophes indiens, que les Grecs appelaient gymnosophistes, et qui étaient nus comme des singes. »
Comme c’est le Dictionnaire universel du 19ème siècle (Tome 8, 1872) qui est la source de cette citation, je ne peux malheureusement pas en indiquer la provenance, Pierre Larousse se contentant d’indiquer les auteurs. Mais, malgré cela, je lui sais gré d’avoir rapporté dans le même article cette autre citation d’un certain Ourliac :
« Les gymnosophistes s’arrachaient des poils du menton pour se faire rire. »
Je découvre donc la version ascétique de la chatouille. Larousse, fort anticlérical, n’aimait pas ces moines avant la lettre qui, non contents de s’agacer le menton, « passaient des années entières debout sur un pied au faîte d’une colonne » ou « s’enfonçaient des épines sous les ongles ». Il leur règle leur compte en écrivant cette sèche mise au point :
« Mortifier le corps pour purifier l’âme, c’est finir, comme chacun sait, par les tuer tous les deux. »
J’apprécie la cruauté de la précision: « comme chacun sait ». En revanche, ce qui semble ne pas déplaire à Larousse, qui heureusement à cette époque n’était pas encore que Petit, c’est leur immense orgueil qui du coup limite celui d’Alexandre.
« L’élève d’Aristote avait déjà pu apprécier, par son entrevue avec Diogène, tout ce que peut contenir d’orgueil l’âme d’un philosophe ; il lui était réservé de rencontrer, dans le fond de l’Asie, d’autres Diogène, non moins intraitables et plus dangereux pour son pouvoir. Habile à respecter les croyances des peuples conquis, et à s’emparer de toutes les influences qui pouvaient concourir à consolider son pouvoir, Alexandre manda près de lui les chefs des gymnosophistes, qui, à son approche, s’étaient réfugiés dans des lieux inaccessibles ; mais il les attendit en vain : les intraitables fugitifs dédaignèrent ses promesses comme ses menaces, et lui répondirent de très haut que c’était à l’élève à venir chercher les leçons du maître. »
Alexandre n’ira pas mais enverra le paradoxalement fidèle Onésicrite. C’est précisément cette rencontre que narre Strabon. Le cynique rencontre le sage Calanos et reçoit une leçon de philosophie :
« Quand Calanos vit le manteau, le large chapeau et les bottes qu’Onésicrite portait, il se mit à rire de lui. »
Mauvais signe : c’est ordinairement le cynique qui rit. Il est vrai que ce cynique-là ne porte pas l’uniforme de la secte.
« Il lui enjoignit de se débarrasser de ses vêtements, s’il voulait apprendre, de s’étendre nu sur les mêmes pierres que lui, et d’écouter ainsi ses enseignements. »
Dépouilleur extrême, ce Calanos : au diable le manteau de bure ! Foin du tonneau ! Nu sur la pierre : c’est la nouvelle figure de la sagesse. Cet Onésicrite, déjà fort peu diogénien, a dû se rappeler longtemps l’entretien. Platon a dit de Diogène que c’était Socrate devenu fou, Onésicrite a peut-être pensé que Calanos, c’était Diogène devenu fou ! A fou, fou et demi ! Mais c’est surtout avec Mandanis qu’Onésicrite va apprendre ce qu’est le gymnosophisme. Mandanis lui explique qu’on doit par l’effort libérer l’âme du plaisir et de la douleur. Il s’agit d’entraîner le corps pour donner un surcroît de force aux idées (c’est clair: autant chez les gymnosophistes que chez les cyniques, la gymnastique est spirituelle). Mais Mandanis interroge Onésicrite pour savoir si cette doctrine a cours aussi chez les Grecs et celui-ci met en relief l’importance de la tradition végétarienne :
« Onésicrite lui répondit que Pythagore enseignait ces doctrines, qu’il invitait les gens à s’abstenir de viande, tout comme l’avaient fait aussi Socrate et Diogène, ce Diogène dont lui-même avait été disciple. »
Au moins, Onésicrite, à défaut de briller dans l’exercice du cynisme, a des idées justes. Le cynisme ne tombe pas du ciel. C’est alors que Mandanis donne son avis sur les Grecs :
« Il reprit alors qu’il considérait en général les Grecs comme des gens sensés, mais qu’ils se trompaient sur un point : le fait de mettre la loi au-dessus de la nature. Autrement, ils ne rougiraient pas de se promener tout nus, comme lui, et de mener une vie frugale : le meilleur gîte, à son avis, est celui qui exige le minimum de réparations. »
Au fond, ce que reçoit Onésicrite de Mandalis, c’est une leçon de radicalisme, sans pour autant tout le côté exhibitionniste et agressif du cynisme. Mais il semble qu’Onésicrite ne s’est pas moins intéressé aux gymnosophistes qu’aux animaux, aux plantes et à la géographie des lieux visités par Alexandre. Surprenant courtisan, à la fois militaire, ethnologue et philosophe. Nous le devinons un peu à travers ces textes de Strabon mais celui-ci ne lui faisait guère confiance :
« Plutôt que le pilote en chef, on ferait mieux d’appeler Onésicrite le fantaisiste en chef d’Alexandre. »
C’est peut-être Voltaire qui avait raison : les gymnosophistes ont juste été appréhendés manu militari.

Commentaires

1. Le jeudi 29 juin 2006, 10:48 par Exeko
merci beaucoup pour ce texte, il m'éclaire sur ce sujet peu connu, peu traité (sûrement car nous connaissant peu...) : les gymnosophistes...

vendredi 4 mars 2005

Monime le cynique.

Glorifions le temps d’une note éphémère ce disciple obscur de Diogène ! Il le mérite car il se convertit à la philosophie d’une étrange manière :
« Selon Sosicrate, il était le domestique d’un certain banquier de Corinthe. » (D.L. VI, 82)
S’il n’est pas comme Diogène fils de banquier, esclave, il sert un serviteur de l’argent. Les deux donc sont familiers des grosses sommes.
« Xéniade, qui avait acheté Diogène, descendait fréquemment chez ce banquier et il l’entretenait de l’excellence des paroles et des actes du philosophe, à tel point qu’il inspira à Monime une admiration passionnée pour Diogène. » (ibid.)
Vous êtes peut-être surpris ici que Diogène l’indépendant ait été aussi un esclave. On ne sait rien sur les circonstances qui ont permis à Ménippe d' écrire un livre au titre inattendu Diogène à vendre mais ce qui est rapporté dans cet ouvrage est bien clair. Si Diogène n’a pas pu échapper à l’esclavage, en revanche il s’est vendu de manière magistrale, au sens littéral du mot :
« Diogène se vit demander ce qu’il savait faire. « Diriger les hommes », répondit-il. Et il ajouta, en parlant au crieur : « Annonce donc : quelqu’un veut-il se procurer un maître ? (…) Il dit à Xéniade qui venait de l’acheter. « Tu devras m’obéir, même si je suis ton esclave, car même esclaves, un médecin ou un pilote doivent se faire obéir. » (VI, 28)
Je reviens à mon histoire : un maître Xéniade parle à un autre maître de son esclave qui est en fait son Maître. Monime est alors transporté par les paroles du maître maîtrisé et devient en somme cynique par ouï-dire. Voici comment :
« Simulant une subite démence, Monime se mit à lancer de tous côtés la menue monnaie et tout l’argent amassé sur la table du banquier, tant et si bien qu’à la fin son maître le congédia. » (VI, 82)
Ce n’est pas une falsification à l’image de Diogène (et/ou de son père), encore moins un hold-up, mais une dispersion, un dérangement, une « mise en désordre ». En un sens, Monime jette l’argent par les fenêtres. Mais, comme il brigue le statut de cynique, son geste est encore celui d’un imitateur timide qui certes transgresse mais à l’abri de l’irresponsabilité. Un coup de folie et voici Monime devenu sage ! Pour être en mesure un jour de se posséder, il faut jouer la possession. Je n’ai malheureusement pas d’autres faits et gestes à attribuer à Monime. Je sais seulement qu’il a écrit des « divertissements truffés d’un secret sérieux » (VI, 83). Est-ce au niveau de l’écrit l’analogue de sa scène inaugurale ? Des thèses dissimulées sous des foutaises ? Qui sait ? Il a écrit cependant deux études dont l’une porte le titre fort convenu d’Exhortation à la philosophie et dont l’autre a un intitulé un peu moins attendu, Les instincts. J’imagine qu’il ne devait pas en faire des éloges, tant la maîtrise de soi est au programme de l’école cynique ; même si le philosophe singe l’instinctif, il est à mille lieues de se laisser aller (note 1) Ce qui m’intéresse particulièrement chez Monime à vrai dire, c’est qu’il semble représenter une version sceptique du cynisme. Sextus Empiricus, le tardif théoricien du scepticisme, le cite dans son Contre les mathématiciens(VI, 48) :
« Il comparait les êtres à des peintures de théâtre, tout en supposant qu’ils ressemblaient aux impressions qui surviennent durant le sommeil ou la démence. »
Trois arguments clés du scepticisme sont ici étonnamment condensés et reviennent tous à faire douter de la réalité de la réalité : qu’il s’agisse du décor, du songe ou du délire, ces topoï seront abondamment repris dans la tradition postérieure. Qu’on se rappelle, entre autres, l’usage qu’en fera, environ deux mille ans plus tard, Descartes dans la première des six Méditations métaphysiques. Certes une telle mise en question de la réalité pose quelques problèmes. Les cyniques étaient jusqu’à présent des dogmatiques : c’est sur un fond de certitudes inébranlables qu’est adossée leur arrogance. Mais si « toute entreprise humaine n’est que fumée » (note 2), comme Ménandre l’a fait dire à Monime dans l’Ecuyer , pourquoi donc se donner la peine de se conduire cyniquement ? Je me plais à penser que son scepticisme n’était pas tout à fait systématique et visait seulement le renversement des entreprises ordinaires. Je me rappelle alors soudainement Diogène :
« Il admirait les gens qui, sur le point de se marier, ne se mariaient pas ; ceux qui, prêts à partir en voyage, ne partaient pas ; les gens qui s’apprêtaient à se lancer en politique, et ne s’y lançaient pas ; ceux qui avaient en vue d’élever des enfants, et n’en faisaient rien, et ceux enfin qui se disposaient à vivre dans la compagnie des puissants et ne s’en approchaient point. » (D.L. VI, 29)
Dois-je donc penser que, de bonne guerre, comme tout fondateur, désireux de trouver de lointains annonciateurs de la doctrine qu’il défend, Sextus Empiricus a enrôlé Monime dans une guerre qui n’est pas la sienne ? Je ne sais. Je laisse à Stobée et à son Florilège le mot de la fin :
« La richesse, disait-il, est le vomissement de la Fortune. »
Note 1 (ajout du 28-09-14) : une perspective complètement distincte est ouverte par quelques lignes de la notice consacrée à Monime par Odile Goulet-Cazé dans le Dictionnaire des philosophes antiques : " La personnalité de Monime est brièvement esquissée par Diogène Laërce selon qui il était d'une gravité extrême (ἐμβριθέστατος) au point de mépriser l'opinion et de s'élancer vers la vérité (παρομάν) (D.L. VI 83). Dudley dans A history of cynicism(p.41) suggère, à cause du verbe παρομάν, que pour Monime la vérité venait peut-être des impulsions (cf le titre περι ὁρμῶν d'un de ses ouvrages), ce qui s'accorderait bien avec la conception diogénienne de la vie selon la nature." (IV, p.550)
Note 2 (ajout du 28-09-14) : ce que semble condamner Monime est le rôle de l'orgueil (τῦφος) dans les conduites humaines. Marie-Odile Goulet-Cazé traduit ainsi : "tout ce que l'homme a conçu est fumée de l'orgueil". Mais il ne faut pas en conclure trop logiquement et radicalement que le cynisme lui aussi est le produit de l'orgueil. La portée de la dénonciation cynique est générale, pas universelle. Du moins cette restriction préserve-t-elle la cohérence du point de vue de Monime.

mercredi 2 mars 2005

Les deux morts de Diogène.

Diogène est mort très vieux, à 90 ans. Je rêve à ces si longues décennies de pédagogie cynique… Car s’il n’est peut-être pas très difficile d’être cynique une fois ou deux, comment rester un exemple de cynisme, tout en vivant si longtemps ? En plus Diogène, s’il est bien l’exilé de Sinope, est resté à Athènes jusqu'à la fin de sa vie. A la différence de ces sophistes ambulants qui vendent leurs charmes rhétoriques de ville en ville à un public toujours renouvelé, Diogène a dû être bien vite familier aux Athéniens. A moins qu’il n’ait été le cynisme fait homme, une institution en somme, dont chacun attendait les provocations rodées et répétitives. Je préfère l’imaginer à l’affût de la trouvaille, s’acharnant à présenter l’enseignement de la vertu à travers une action inédite ou une parole inouïe. En tout cas, il n’a pas raté ses morts.
1)Première version, les morts bestiales : Une mort de chien, au sens sale du terme. Le mordeur mordu en somme.
« Voulant partager un poulpe avec des chiens, il fut à ce point mordu au tendon du pied qu’il en mourut. » (D.L. VI, 75)
Cette mort animale a une version euphémisée, moins illustrative, plus discrète :
« Il fut saisi de coliques et mourut ainsi après avoir dévoré un poulpe cru. » (ibid.)
Ce Chien nonagénaire, dévoreur insatiable de chair crue, je l’interprète comme le contestataire inflexible de la culture et du cuit. Défenseur de la nature jusqu' à en mourir. Je n’oublie pas cet autre texte qui nous a appris que Diogène ne digérait pas cette viande non cuite qu’il se faisait un honneur de manger. Dernière figure du virtuose déguisé en homme grossier. Qu’il faut être surhumain pour vivre comme un animal, quand l’animalité n’est pas ce à quoi on est réduit par le pouvoir sadique des oppresseurs mais ce à quoi on s’oblige pour montrer de quoi un homme est capable ! Dans ces conditions, la deuxième version de la mort est porteuse de la même leçon.
2)La mort héroïque :
« D’autres prétendent qu’il retint volontairement sa respiration. » (ibid.)
C’est la version retenue par les amis:
« Selon leur habitude, ses amis vinrent le voir et ils le trouvèrent enveloppé dans son manteau, ce qui leur fit croire qu’il dormait. Mais il n’était pas ordinairement un endormi ni très enclin au sommeil. Ils déployèrent son manteau et s’aperçurent qu’il était inanimé. Ils interprétèrent alors ce geste comme un acte volontaire en vue d’échapper définitivement à la fuite. » (ibid.)
Qu’on ne s’y trompe pas ! Ce suicide est purement affirmatif. C’est la dernière leçon, pas l’ultime lâcheté ! Manifestation hyperbolique de la maîtrise de soi : l’asphyxie volontaire (non, pas s’enfermer la tête dans un sac en plastique à l’image de Bruno Bettelheim, mais ne plus respirer parce qu’on en a décidé ainsi.) Il faudrait être un dieu pour mourir ainsi. Diogène a donc choisi de ne pas mourir comme un homme, mais comme un surhomme ou une bête. Cependant les deux morts sont identiques car il faut être plus qu’un homme pour vivre aussi simplement qu’une bête !

Commentaires

1. Le jeudi 1 juin 2006, 22:51 par Val580
« D’autres prétendent qu’il retint volontairement sa respiration. »

J'ai vraiment des doutes la dessus , qui peut résister aux réflexes ? Les personnes meurent noyées parcequ'elles gardent leur respiration et puis finalement elles inspirent (de l'eau) parce c'est un réflexe végétatif !
Alors cet homme est un surhomme.
2. Le vendredi 2 juin 2006, 07:19 par philalethe
Vous avez raison d'avoir des doutes, mais l'anecdote ne doit pas être prise au pied de la lettre, elle illustre seulement un idéal de maîtrise totale de soi.

mardi 1 mars 2005

Travaux pratiques de cynisme (fin)

1)Choisissez un chanteur particulièrement mauvais et saluez-le ainsi : « Bonjour, Chantecler ! » S’il vous demande pourquoi : « Quand tu chantes, tout le monde se lève ! » (VI, 48)
2)Demandez l’aumône à une statue et dites à ceux qui s’interrogent : « Je m’habitue au refus » (VI, 49)
3)Si l’on vous demande quel vin vous buvez avec le plus de plaisir, répondez : « Celui des autres » (VI, 54). Vous noterez que les exercices pour devenir cynique ressemblent quelquefois à ceux recommandés pour devenir mufle.
4)Si on vous surprend en train de manger un gâteau, précisez : « Les philosophes goûtent à tout, mais pas comme le reste des hommes. » (VI, 55). Cet exercice permet aussi de garder bonne conscience en commettant des manquements à la règle cynique.
5)A l’occasion d’un gros déménagement, dites à celui qui change de domicile : « N’est-ce pas une honte de posséder tant de choses et de ne pas se posséder soi-même ? » (Maximus De Divitiis et Paupertate 758)
6)Si vous demandez l’aumône et qu’on vous dit : « Je vous donnerai si vous pouvez me convaincre que vous avez raison de mendier », dites : « Si je pouvais vous convaincre, je vous convaincrais d’aller vous pendre. » (VI, 59)
7)Si on vous reproche de fréquenter des endroits mal famés, dites : « Le soleil pénètre bien dans les latrines sans en être souillé. » (VI, 63)
8)Si on vous demande pourquoi vous allez au bordel, répondez : « On y apprend qu’il n’y a pas de différence entre ce qui coûte quelque chose et ce qui ne coûte rien. » (VI, 105)
9)Quand vous allez au cinéma ou au théâtre, entrez par la porte où l’on sort et si l’on s’étonne, dites: « C’est ce que j’ai essayé de faire toute ma vie. » (VI, 64)
10)Si vous voyez un jeune homme qui se donne des airs efféminés, faites-lui la leçon suivante : « N’avez-vous pas honte de vouloir empirer en vous-même l’œuvre de la nature ? Elle a déjà fait de vous un homme, et vous travaillez maintenant à vous changer en femme ! » (VI, 65). Il faut moins voir dans cet exercice un entraînement au machisme qu’une affirmation de l’absence d’humanité des hommes.

lundi 28 février 2005

Travaux pratiques de cynisme (3)

1)Choisissez un chanteur particulièrement mauvais et saluez-le ainsi : « Bonjour, Chantecler ! » S’il vous demande pourquoi : « Quand tu chantes, tout le monde se lève ! » (VI, 48)
2)Demandez l’aumône à une statue et dites à ceux qui s’interrogent : « Je m’habitue au refus » (VI, 49)
3)Si l’on vous demande quel vin vous buvez avec le plus de plaisir, répondez : « Celui des autres » (VI, 54). Vous noterez que les exercices pour devenir cynique ressemblent quelquefois à ceux recommandés pour devenir mufle.
4)Si on vous surprend en train de manger un gâteau, précisez : « Les philosophes goûtent à tout, mais pas comme le reste des hommes. » (VI, 55). Cet exercice permet aussi de garder bonne conscience en commettant des manquements à la règle cynique.
5)A l’occasion d’un gros déménagement, dites à celui qui change de domicile : « N’est-ce pas une honte de posséder tant de choses et de ne pas se posséder soi-même ? » (Maximus De Divitiis et Paupertate 758)
6)Si vous demandez l’aumône et qu’on vous dit : « Je vous donnerai si vous pouvez me convaincre que vous avez raison de mendier », dites : « Si je pouvais vous convaincre, je vous convaincrais d’aller vous pendre. » (VI, 59)
7)Si on vous reproche de fréquenter des endroits mal famés, dites : « Le soleil pénètre bien dans les latrines sans en être souillé. » (VI, 63)
8)Si on vous demande pourquoi vous allez au bordel, répondez : « On y apprend qu’il n’y a pas de différence entre ce qui coûte quelque chose et ce qui ne coûte rien. » (VI, 105)
9)Quand vous allez au cinéma ou au théâtre, entrez par la porte où l’on sort et si l’on s’étonne, dites: « C’est ce que j’ai essayé de faire toute ma vie. » (VI, 64)
10)Si vous voyez un jeune homme qui se donne des airs efféminés, faites-lui la leçon suivante : « N’avez-vous pas honte de vouloir empirer en vous-même l’œuvre de la nature ? Elle a déjà fait de vous un homme, et vous travaillez maintenant à vous changer en femme ! » (VI, 65). Il faut moins voir dans cet exercice un entraînement au machisme qu’une affirmation de l’absence d’humanité des hommes.

dimanche 27 février 2005

Travaux pratiques de cynisme (2)

Que ceux qui ont le culte du "politiquement correct" sautent les exercices nº3 et nº4 !
1)Attachez à une ficelle un objet ordinaire et traînez-le dans la rue. Si l’on vous interroge, répondez : « J’imite les maîtres de chœur : ils donnent le ton au-dessus de la normale de façon à ce que tous les autres puissent tomber sur la note juste ». Le but de l’exercice est de vous permettre un jour de faire ce que vous devez faire sans crainte d’être jugé ridicule (D.L.VI, 35)
2)Buvez dans vos mains et cassez vos assiettes (VI, 37)
3)Entrez dans une mosquée, approchez-vous d’un musulman qui prie et dites-lui : « Ne craignez-vous pas que Dieu ne se tienne par hasard derrière vous – tout est plein de sa présence en effet – et alors, ne manqueriez-vous pas de tenue ? » (VI, 32)
4)Louez les services d’un gorille et chargez-le d’aller dans l’église la plus proche casser la figure à tous les fidèles qui s’agenouillent (ce 4ème exercice est destiné à faire comprendre que dans le 3ème exercice la religion musulmane n’est pas visée en tant que musulmane mais en tant que religion !) (VI, 38)
5)A la garden-party de l’Elysée, prenez le soleil dans le jardin; quand le Président arrive vers vous et, pour vous obliger, vous dit « Vous savez, vous pouvez me demander ce que vous voulez ! », répondez-lui : « Arrêtez de me faire de l’ombre ! » (VI, 38)
6)Nouvelle version d’un exercice antérieur : vous sortez d’un endroit bondé ; on vous demande si à l’intérieur il y a beaucoup de personnes, vous répondez : « non » ; en revanche quand on vous demande s’il y a foule, répondez par l’affirmative ! (VI, 40)
7)Version, facile à réaliser, de l’exercice précédent : vous allez en plein jour sur les Champs-Elysées avec une torche électrique allumée et vous la braquez sur les passants. A ceux qui vous demandent ce que vous faites, vous répondez : « Je cherche un être humain ! » (VI, 41)
8)A vos amis, soucieux d’interpréter psychanalytiquement leurs rêves, dites : « Vous ne prenez aucune attention à ce que vous faites en état de veille, mais vous examinez avec soin les fantaisies qui vous viennent en dormant. » (VI, 43)
9)L’exercice suivant est d’une extrême difficulté : au marché masturbez-vous en disant : « Si seulement on pouvait apaiser sa faim en se frottant l’estomac ! » (VI, 46)
10)Si votre réputation de cynique est établie, il vous arrivera qu’on vous lance des os ; allez donc pisser sur ceux qui le font. (VI, 46)

samedi 26 février 2005

Travaux pratiques de cynisme (1)

1)Renoncez à acheter une maison ou un appartement mais établissez votre demeure dans un tonneau (D.L. VI, 23). Bien sûr ne soyez pas naïf au point de croire qu’un SDF est un cynique, même si un cynique pourrait jouer au SDF !
2)N’allez pas aux sports d’hiver mais, en petite tenue, roulez-vous dans la neige (VI, 23)
3)Installez-vous dans une rue passante et tenez un discours sérieux et réfléchi : je suppose que la foule ne s’amassera pas autour de vous. Alors, faites des singeries et quand les gens commencent à s’attrouper, demandez-leur pourquoi il « se mettent à accourir pour des niaiseries tandis qu’ils tardent avec indifférence pour les choses importantes. » (VI, 27)
4)Allez à un concert et demandez aux musiciens pourquoi ils sont plus soucieux d’accorder leur instrument que leur âme (VI 27)
5)Rendez-vous à n’importe quel meeting politique et demandez aux orateurs pourquoi « ils mettent un tel sérieux à parler de justice sans la pratiquer en aucune façon. » (VI, 27)
6)Si votre santé décline malheureusement et que vous envisagez vos funérailles, demandez d’être enterré face contre terre. Comme le responsable des Pompes Funèbres s’étonnera, répondez : « Parce que dans peu de temps ce qui est en bas sera en haut » (VI, 31)
7)Si un nouveau riche vous fait les honneurs de sa maison, crachez-lui au visage, en précisant que c’est le seul endroit sale que vous trouvez en sa demeure (VI, 31)
8)Retournez dans la rue passante et dites à la cantonade que vous avez besoin de quelques personnes ; quelques-unes au moins s’approcheront et dites leur alors : « J’ai demandé des personnes, pas des déchets » (VI, 31)
9)Prenez un rendez-vous avec un champion olympique et quand il vous rappellera ses médailles, dites-lui : « Moi, oui, j’ai vaincu des hommes ; toi, des esclaves » (VI, 26) Vous comprenez aisément que vous ne pouvez pas commencer par cet exercice car il vous faut déjà plusieurs victoires cyniques à votre actif !
10)Si vous êtes très âgé et que vos proches vous conseillent de vous reposer, dites-leur : « Si je faisais une course, devrais-je me relâcher juste avant la ligne d’arrivée ? Ne devrais-je pas plutôt accélérer ? » (VI, 34)