lundi 16 mai 2005

Thalès, l'inventeur de l'âme immortelle ?

Thalès, l’inventeur de l’âme immortelle ?

« Il disait que la mort ne diffère en rien de la vie. « Et toi donc, dit quelqu’un, pourquoi ne meurs-tu pas ? » « Parce que ça ne fait aucune différence », dit-il » (I, 35)
Pour Montaigne, cet enseignement, Thalès l’a appris de la Nature elle-même qu’il fait parler ainsi :
« J’appris à Thalès, le premier de voz sages, que le vivre et le mourir était indifférent ; par où, à celuy qui lui demanda pourquoi donc il ne mourait, il répondit très sagement : « Par ce qu’il est indifférent. » (Essais, I, XXIV, Que philosopher, c’est apprendre à mourir)
Ce n’est pas, avant la lettre, la doctrine stoïcienne des indifférents. Pour n’importe quel philosophe du Portique, il y a bel et bien une différence entre passer de vie à trépas : c’est sortir de la scène, une fois le rôle joué.
« Certains disent que ce fut lui également qui le premier prétendit que les âmes étaient immortelles. » (24)
Ce qui éclaire l’indifférence : cela reviendrait en somme à dire que l’âme ne meurt pas à la mort. Mais la réponse que fait Thalès à cet interlocuteur qui veut le prendre en flagrant délit de contradiction met aussi en relief que la vie n’est pas dure à vivre et donc qu’il ne faut pas hâter la mort. Ce n’est pas le climat du Phédon de Platon, où, si le suicide est interdit, la mort est espérée comme délivrance de l’âme et garantie d’une plus complète contemplation du Vrai. J’imagine qu’il associait à l’âme le mouvement du corps :
« Aristote et Hippias disent qu’il attribuait des âmes même aux êtres inanimés, prenant comme indice la pierre magnétique et l’ambre. » (24)
Mais ni Diogène ni aucune autre source ne rapportent quoi que ce soit d’autre sur l’âme vue par Thalès. Je resterai donc sur ma faim.

Commentaires

1. Le vendredi 13 avril 2012, 16:47 par Alex.Mouret
Thalès pour moi est un savant de la Mathématique, Astronomie ... Il a réussi a prévoir l'éclipse du 28 mai -585 !!!
Thalès est fort ! très fort !!

dimanche 15 mai 2005

La solitude de Thalès.

Cet homme qui vient au secours des plus grands est décrit comme vivant dans la solitude :
« Lui-même, selon ce que rapporte Héraclide, dit qu’il vivait solitaire et en reclus. » (I, 25-26)
Montaigne règle la difficulté en l’imaginant choisir la solitude après avoir participé aux affaires publiques, seul type de retrait qu’il approuve d’ailleurs :
« La solitude me semble avoir plus d’apparence, et de raison, à ceux qui ont donné au monde leur âge plus actif et fleurissant, à l’exemple de Thalès. » (Essais I, XXXVIII De la solitude)
Le premier sage ne peut pas être pris seulement par les affaires du monde : je vois cette distance analogue à celle qu’il prend pour regarder le ciel. C’est sans doute une solitude peuplée d’amis :
« Il dit de se souvenir de ses amis, qu’ils soient présents ou absents » (37)
C’est étrange, se souvenir des amis présents ; j’imagine que c’est se rappeler avec gratitude leur amitié ; peut-être s’agirait-il d’éviter de concentrer toute sa reconnaissance sur les amis morts ou éloignés. Epicure institutionnalisera le culte des amis mais seulement des amis disparus. Si amitié et solitude vont ensemble, la relation avec la famille me paraît plus ambiguë à déterminer. Mais malgré l’incertitude, le poids des raisons penche en faveur d’un refus de la famille. Qu’on en juge :
«Certains cependant (disent) qu’il se maria et eut un fils du nom de Kybistos, alors que d’autres (prétendent) qu’il resta célibataire et qu’il adopta le fils de sa sœur. Et lorsqu’on lui demanda pourquoi il n’engendrait pas de fils, il répondit : Par amour des enfants. Quand sa mère, dit-on également, voulait le forcer à se marier, il disait : « le moment n’est pas venu » ; par la suite, ayant passé l’âge, il dit, alors qu’elle le pressait : « Ce n’est plus le moment ». (26) (ajout du 28 Octobre 2016 : " Thales' remarks heralded many centuries of philosophical disdain for marriage. Anyone who makes a list of a dozen really great philosophers is likely to discover that the list consists almost entirely of bachelors. One plausible list, for instance, would include Plato, Augustine, Aquinas, Scotus, Descartes, Locke, Spinoza, Hume, Kant, Hegel and Wittgenstein, none of whom were married. Aristotle is the grand exception that disproves the rule that marriage is incompatible with philosophy." (Anthony Kenny, Ancient Philosophy, Oxford, 2004, p.5))
Ces philosophes antiques n’ont été généralement ni des pères ni des maris ; s’ils l’ont été, ce n’est qu’accidentellement ; ils n’ont rien réussi à faire ni théoriquement ni pratiquement de ces liens. C’est à leur disciple qu’ils sont unis, c’est à eux qu’ils s’adressent, c’est face à eux qu’ils agissent. Les fils de sages ne deviennent pas des sages ; ils existent à peine comme ce Kybistos dont on ne sait s’il est fils réel ou imaginaire de Thalès. Certes dans le Jardin d’Epicure la limite entre la famille et les disciples s’estompe, mais cela me paraît exceptionnel et doit se comprendre en faveur d’une mise au pas philosophique de la famille. C’est la norme philosophique qui règle alors les relations familiales et pas l’inverse ! La raison que donne Thalès pour justifier son refus de procréer n’est pas lumineuse. Veut-il dire que donner la vie, c’est donner la souffrance ? Non, ce pessimisme-là n’est pas du tout en accord avec les autres témoignages. Mais alors comment l’éclairer autrement ? Montaigne rapporte le passage mais ne l’élucide pas :
« Et quand on demande à Thalès pourquoi il ne se marie point, il respond, qu’il n’ayme point à laisser lignée de soy » (I, XL Considération sur Cicéron).
La question est justement de savoir pourquoi il ne veut pas laisser lignée de soi. Concernant la réponse à la mère, si elle paraît le comble de la mauvaise foi, ce n’est pas par cela qu’elle est philosophiquement importante, mais, comme me l’apprend Jean-Paul Dumont dans sa très belle édition des Présocratiques, parce que la réponse s’articule autour du concept de moment, d’occasion, de kairos, qui joue un rôle important autant dans la pensée médicale que sophistique. Néanmoins ce qui caractérise le kairos, c’est que même s’il faut l’attendre et le saisir, il apparaît. La mère de Thalès n’avait sans doute pas les ressources dialectiques nécessaires pour mettre ainsi son fils dans l’embarras !

samedi 14 mai 2005

Thalès, moins riche mais plus malin que Crésus.

Le Thalès platonicien, celui du Théètete, n’est vraiment pas celui de Diogène Laërce. Voici en effet comment Socrate dépeint les hommes à la Thalès dans leur relation à la vie publique :
« L’homme qui dans ses relations privées avec chacun, est ainsi fait, l’est également, c’est bien ce que je disais au commencement, dans la vie publique, quand, au tribunal ou quelque part ailleurs, il a été forcé de parler sur des choses qui sont à ses pieds et de celles qui sont sous ses yeux, prêtant alors à rire, non point souvent à des filles de Thrace mais à n’importe quelle foule, parce que son inexpérience le fait tomber dans des puits et dans toutes sortes de difficultés sans issue. La terrible incongruité de son attitude lui vaut d’être pris pour un être stupide. » (174 c, trad. de Léon Robin)
Déjà Hérodote, qui est la plus ancienne source dont on dispose sur Thalès, lui attribue pour ainsi dire des qualités d’ingénieur au service des armées de Crésus. Certes le conseil n’est pas encore politique mais il sert le politique :
« Après avoir atteint les rives du fleuve Halys, Crésus fit passer, je le présume, son armée sur les ponts qui existaient ; mais, comme on le dit souvent chez les Grecs, c’est Thalès de Milet qui les aurait fait passer. Crésus ne voyait pas du tout comment faire franchir le fleuve à son armée (…) Thalès, présent au camp, aurait, à ce qu’on dit, détourné à son intention le cours du fleuve, faisant en sorte que coulant à la gauche de l’armée, il coulât à sa droite. Voici comment il procéda : il fit creuser en amont du camp un canal profond, en demi-cercle, afin que le fleuve, quittant en partie son ancien lit, contournât par ce canal la position la position occupée par le camp, et, doublant cette position, allât retrouver plus bas son ancien lit ; ainsi une fois le cours du fleuve divisé en deux bras, chacun était devenu guéable. » (Enquête, I, 75 )
Le lien entre les deux temps du récit ne me paraît pas lumineux cependant ce dernier est tout de même assez clair pour me faire comprendre que Thalès est de la taille d’Hercule, sinon du point de vue de la réalisation mais du moins du point de vue de la conception. En plus Hérodote le dépeint aussi en fin politique :
« Avant que l’Ionie fut détruite, Thalès de Milet, qui était d’ascendance phénicienne, exprima un avis fort utile : il ordonna aux Ioniens d’établir un conseil unique dont le siège serait à Téos (Téos occupant en Ionie une position centrale), tandis que les autres cités, ne continuant pas moins à être habitées, seraient considérées comme des dèmes. » (ibid. I, 170 )
Ce que Diogène Laërce, lui, m’apprend, c’est que Thalès a exercé une carrière politique avant de s’intéresser à la science de la nature. J’imagine que c’était en héritier qu’il a eu accès aux affaires publiques car « il était d’authentique naissance milésienne et venait d’une famille illustre » (I, 22). Décidément les servantes thraces n’ont pas compris que s’il a dirigé son regard vers les astres, c’est seulement parce qu’il y a beaucoup mieux à y découvrir que sur une terre trop familière. Connaissant donc ses débuts, je ne suis pas surpris de lire :
« Il semble également avoir été du meilleur conseil dans les affaires publiques. De fait, lorsque Crésus eut envoyé une ambassade aux Milésiens pour requérir une alliance militaire, il empêcha cet accord, mesure qui sauva la cité lors de la victoire de Cyrus » (25)
Certes il est cette fois étrangement opposé à Crésus mais, avec lui ou contre lui, il le dépasse toujours largement en imagination lucide. En fin de compte, quand Calliclès, le brillant sophiste, dans le Gorgias de Platon exclut la possibilité d’une conjonction des deux excellences, la politique et la philosophique, il se trompe auant que les soubrettes incultes:
« C’est un fait que le philosophe perd toute expérience des lois qui sont celles de la cité ; du langage dont il faut user dans les conventions, aussi bien privées que publiques, que comportent les relations humaines ; des plaisirs comme des passions des hommes ; bref, il perd d’une façon générale, toute expérience des mœurs. Aussi lorsqu’il vient à quelque affaire pratique, d’ordre privé ou d’ordre public, prête-t-il à rire à ces dépens, de la même façon, sans doute qu’un homme politique fait rire de lui quand, inversement, il vient se mêler à nos conversations et à nos discussions. » (484 d-e)
En somme, Thalès, c’est, de manière certes assez discrète, le philosophe-roi avant la lettre, même s’il serait plus exact de le cantonner au rôle de sage, conseiller du Prince. Ceci dit, comme on lui demandait ce qui était le plus facile, il répondit :
« Conseiller les autres » (36)
Mais comme le plus difficile est se connaître soi-même, ce n’est pas le conseil qu’il rabaisse mais l’attitude qui consiste à régler la vie des autres au lieu d’ordonner la sienne :
" Comment mener la vie la meilleure et la plus juste ? « En ne faisant pas nous-mêmes ce que nous reprochons aux autres »" (36)
Il y a donc au moins deux politiques : la politique-divertissement (elle détourne de soi) et la politique-accomplissement (on s’applique aux autres parce qu’on s’est déjà trouvé soi-même).

vendredi 13 mai 2005

Thalès, le spéculateur spéculatif.

« Hiéronymos de Rhodes dit aussi, dans le deuxième livre de ses Mémoires dispersés, que, voulant montrer qu’il était facile de s’enrichir, il loua les pressoirs à huile d’olive alors qu’il prévoyait qu’une importante récolte approchait et amassa de grandes richesses. » (I, 26).
Voilà le démenti qu’inflige Thalès à toutes les servantes. Thalès en homme pratique, tirant parti de la connaissance scientifique du ciel pour faire fructifier ses affaires. Mais ne faisant de l’argent que pour clouer le bec aux détracteurs. Qui peut le plus peut le moins ! C’est d’Aristote peut-être que Diogène Laërce reprend l’anecdote :
« Comme on lui faisait des reproches de sa pauvreté, qu’on regardait comme une preuve de l’inutilité de la philosophie, l’histoire raconte qu’à l’aide d’observations astronomiques et, l’hiver durant encore, il avait prévu une abondante récolte d’olives. Disposant d’une petite somme d’argent, il avait alors versé des arrhes pour utiliser tous les pressoirs à huile de Milet et de Chios, dont la location lui était consentie à bas prix, personne ne se portant enchérisseur. Quand le moment favorable fut arrivé, il se produisit une demande soudaine et massive de nombreux pressoirs, et il les sous-loua aux conditions qu’il voulut. Ayant ainsi amassé une somme considérable, il prouva par là qu’il est facile aux philosophes de s’enrichir quand ils le veulent, bien que ce ne soit pas l’objet de leur ambition. » (Politique A 11, 1259a6 sqq, trad. Tricot)
Démentant d’avance toute interprétation réductrice, Thalès met en évidence que le philosophe dédaigneux de l’argent n’est pas l’homme du ressentiment ! Son mépris n’est pas faiblesse transformée en force mais indice de lucidité (la valeur de l’argent est mesurée à l’aune d’une autre valeur : celle de la connaissance à laquelle il a bel et bien accès). Les vraies richesses sont intérieures ; à la question « qui est heureux ? », il répond :
« Celui qui est sain de corps, plein de richesses en son âme, bien éduqué naturellement. » (I, 37).
Montaigne, lui, a bien compris la leçon :
« Thales accusant quelquefois le soing du mesnage et de s'enrichir, on luy reprocha que c'estoit à la mode du renard, pour n'y pouvoir advenir (ces contradicteurs avaient pu lire Esope mais pas encore Phèdre, encore moins La Fontaine !). Il luy print envie par passetemps d'en montrer l'experience, et ayant pour ce coup ravalé son sçavoir au service du proffit et du gain, dressa une trafique, qui dans un an rapporta telles richesses, qu'à peine en toute leur vie, les plus experimentez de ce mestier là, en pouvoient faire de pareilles. » ( Essais Livre I, chap. XXV Du pédantisme)
Il exagère un peu en transformant le très peu affairé Thalès en champion des affairistes. Mais, grand lecteur de Diogène Laërce et ô combien illustre modèle, Montaigne reste tout de même dans le droit fil d’Aristote.

jeudi 12 mai 2005

Thalès mis en fable.

La Fontaine a aussi choisi le parti de la jeunette, mais celle-ci désormais se cache sous la figure anonyme du « on » et la vignette originale de François Chauveau ne représente pas une jeune femme mais deux hommes âgés qui entre eux tirent manifestement la leçon de la chute. Ainsi la condamnation a gagné en maturité et en objectivité. Mais ce n’est pas seulement la « garce milésienne » qui a changé de traits, c’est aussi Thalès lui-même qui perd ceux du philosophe pour se métamorphoser en astrologue :
« Un astrologue un jour se laissa choir Au fonds d’un puits. On lui dit : Pauvre Bête, Tandis qu’à peine à tes pieds tu peux voir, Penses-tu lire au-dessus de ta tête ? » ( Fables II, 13 L’astrologue qui se laisse tomber dans un puits )
Certes Diogène Laërce nous apprend que Thalès était astronome et lui attribue même des découvertes importantes :
« Selon certains, il semble avoir été le premier à s’être adonné à l’astronomie et à avoir prédit les éclipses solaires (et les solstices) comme le dit Eudème dans son Histoire des connaissances astronomiques (…) Le premier aussi il découvrit le passage (du soleil) d’un tropique à l’autre et, selon certains, il fut le premier à dire que la dimension du soleil - par rapport au cercle héliaque, tout comme la dimension de la lune – (le passage entre crochets a été reconstitué par Diels) par rapport au cercle lunaire, représentait un sept-cent-vingtième » (I, 23-24)
Comme l’astrologue donc, il fait des prédictions. Cependant ce que La Fontaine attaque dans cette fable, ce n’est pas le calcul de l’astronome mais la prophétie de l’astrologue :
« Le firmament se meut ; les astres font leur cours, Le soleil nous luit tous les jours, Tous les jours sa clarté succède à l’ombre noire, Sans que nous puissions autre chose inférer Que la nécessité de luire et d’éclairer, D’amener les saisons, de mûrir les semences, De verser sur les corps certaines influences. »
Thalès ne faisait qu’ « inférer la nécessité » de tel ou tel événement céleste. Rien chez lui ne donne prise à la violente condamnation de la Fontaine :
« Charlatans, faiseurs d’horoscopes, Quittez les cours des princes de l’Europe. »
Dans la controverse sur l’astrologie, La Fontaine est donc du côté des adversaires. Certes sa critique n’est guère moderne : c’est l’impénétrabilité de la Providence divine qu’il oppose à la volonté de ceux qui pensent percer les mystères de l’avenir.
« Quant aux volontés souveraines De celui qui fait tout, et rien qu’avec dessein, Qui les sait, que lui seul ? Comment lire en son sein ? Aurait-il imprimé sur le front des étoiles Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles ? A quelle utilité ? Pour exercer l’esprit De ceux qui de la sphère et du globe ont écrit ? Pour nous faire éviter des maux inévitables ? Nous rendre dans les biens de plaisir incapables ? Et causant du dégoût pour ces biens prévenus, Les convertir en maux devant qu’ils soient venus ? C’est erreur, ou plutôt c’est crime de le croire. »
C’est au fond parce que la Providence est très providentielle que la possibilité n’a pas été donnée à l’homme de lire son avenir dans les figures des astres. Mais c’est aussi parce que le hasard existe : fort rationnellement alors, La Fontaine met bien en évidence que par définition le hasard exclut la prévision (la statistique est loin...).
« Or du hasard il n’est point de science : S’il en était, on aurait tort De l’appeler hasard, ni fortune, ni sort, Toutes choses très incertaines. »
Ce hasard, il semble que Thalès ne lui ait guère donné de réalité. En effet Diogène lui attribue une série d’apophtegmes, dont celui-ci :
« Le plus puissant de tous les êtres : la Nécessité, car elle maîtrise toutes choses. » (35)
La liberté humaine semble même avoir été exclue par lui :
« Quelqu’un lui demanda si un homme pouvait commettre une injustice à l’insu des dieux. « Il ne peut même pas en avoir l’idée (à leur insu), dit Thalès. » (36)
Philosophie d’astronome, pensera-t-on. Et certes de l’astronomie à l’astrologie, il y a eu longtemps passage et chez les meilleurs. Mais rien ne suggère pourtant que Thalès ait donné prise aux vitupérations de La Fontaine.

mercredi 11 mai 2005

Thalès à la sauce de Montaigne.

Je vais passer d’Epicure à Thalès, d’une philosophie hellénistique à une sagesse présocratique. Autrement dit, du dernier livre des Vies et doctrines des philosophes illustres au premier. Ce livre I est consacré aux Sages. Leur nombre et leur identité sont discutés, mais malgré les divergences que Diogène rapporte précisément (I, 40-44, trad. de Richard Goulet), le chiffre de sept est retenu et Thalès est présenté comme le premier d’entre eux. L’appeler sage, c’est lui donner un titre qui le met au-dessus des philosophes. Le sage détient la sagesse alors que le philosophe y tend. D’après Diogène Laërce, c’est Pythagore qui aurait le premier fait la distinction :
« (il considérait que) nul (homme) n’est sage, si ce n’est Dieu. La philosophie était trop facilement appelée « sagesse » et « sage » celui qui en fait profession – celui qui aurait atteint la perfection dans la pointe extrême de son âme -, alors qu’il n’est que « philosophe » celui qui chérit la sagesse. » (I, 12)
On sait aujourd’hui qu’en réalité c’est dans les dialogues de Platon qu’on découvre pour la première fois la notion de « philosophie » mais Platon lui-même cite Thalès comme le premier des sept sages ( Protagoras 343a). Mais surtout, à travers une anecdote rapportée aussi par Diogène, il fait de la conduite de Thalès l’emblème de la conduite philosophique. Voici d’abord la version la plus tardive de la chute de Thalès :
« On dit que conduit hors de la maison par une vieille femme pour observer les astres, il tomba dans un trou et que la vieille lui dit, en l’entendant se lamenter. « Eh bien Thalès, tu n’es pas capable de voir où tu mets les pieds et tu prétends connaître les choses du ciel. » (I, 34)
Thalès n’a pas le beau rôle : il se plaint et surtout il est conduit par une vieille femme qui semble donc le guider. Or, « il disait en effet, à ce qu’on rapporte, qu’il était reconnaissant à la Fortune pour les trois motifs suivants: « D’abord parce que je suis né homme et non bête sauvage, ensuite homme et non femme, troisièmement grec et non barbare. » (I, 33) Dans le Théétète de Platon, Thalès se retrouve aussi avec une femme mais celle-ci joue le rôle qui lui revient si l’on se fie à la hiérarchie de Thalès !
« Ainsi Thalès observait les astres, Théodore, et, le regard aux cieux, venait choir dans le puits. Quelque Thrace, accorte et plaisante soubrette ( Léon Robin traduit : « toute mignonne et pleine de bonne humeur », on est très loin de la vieille femme), de le railler, ce dit-on, de son zèle à savoir ce qui se passe au ciel, lui qui ne savait voir ce qu’il avait devant lui, à ses pieds. » (174a, trad. de Diès)
Cette bonne, venue de la campagne, à l’intelligence courte, va symboliser l’incompréhension ordinaire dont est victime le philosophe, représenté ici excellemment par Thalès :
« Cette raillerie vaut contre tous ceux qui passent leur vie à philosopher. C’est que, réellement, un tel être ne connaît ni proche ni voisin, ne sait ni ce que fait celui-ci, ni même s’il est homme ou s’il appartient à quelque autre bétail. Mais qu’est-ce que l’homme, par quoi une telle nature se doit distinguer des autres en son activité ou sa passivité propres, voilà quelle est la recherche et l’investigation à laquelle il consacre ses peines. » (174ab)
En somme le philosophe « dans la lune » est le dernier avatar de Thalès. On comprend certes que "ne pas avoir les pieds su terre" est presque un devoir s’il y a quelque chose à découvrir au Ciel mais si le Ciel est vide ? Faut-il se moquer ou non de Thalès ?

lundi 9 mai 2005

Du dernier des philosophes au premier des sages.

Je vais passer d’Epicure à Thalès, d’une philosophie hellénistique à une sagesse présocratique. Autrement dit, du dernier livre des Vies et doctrines des philosophes illustres au premier. Ce livre I est consacré aux Sages. Leur nombre et leur identité sont discutés, mais malgré les divergences que Diogène rapporte précisément (I, 40-44, trad. de Richard Goulet), le chiffre de sept est retenu et Thalès est présenté comme le premier d’entre eux. L’appeler sage, c’est lui donner un titre qui le met au-dessus des philosophes. Le sage détient la sagesse alors que le philosophe y tend. D’après Diogène Laërce, c’est Pythagore qui aurait le premier fait la distinction :
« (il considérait que) nul (homme) n’est sage, si ce n’est Dieu. La philosophie était trop facilement appelée « sagesse » et « sage » celui qui en fait profession – celui qui aurait atteint la perfection dans la pointe extrême de son âme -, alors qu’il n’est que « philosophe » celui qui chérit la sagesse. » (I, 12)
On sait aujourd’hui qu’en réalité c’est dans les dialogues de Platon qu’on découvre pour la première fois la notion de « philosophie » mais Platon lui-même cite Thalès comme le premier des sept sages ( Protagoras 343a). Mais surtout, à travers une anecdote rapportée aussi par Diogène, il fait de la conduite de Thalès l’emblème de la conduite philosophique. Voici d’abord la version la plus tardive de la chute de Thalès :
« On dit que conduit hors de la maison par une vieille femme pour observer les astres, il tomba dans un trou et que la vieille lui dit, en l’entendant se lamenter. « Eh bien Thalès, tu n’es pas capable de voir où tu mets les pieds et tu prétends connaître les choses du ciel. » (I, 34)
Thalès n’a pas le beau rôle : il se plaint et surtout il est conduit par une vieille femme qui semble donc le guider. Or, « il disait en effet, à ce qu’on rapporte, qu’il était reconnaissant à la Fortune pour les trois motifs suivants: « D’abord parce que je suis né homme et non bête sauvage, ensuite homme et non femme, troisièmement grec et non barbare. » (I, 33) Dans le Théétète de Platon, Thalès se retrouve aussi avec une femme mais celle-ci joue le rôle qui lui revient si l’on se fie à la hiérarchie de Thalès !
« Ainsi Thalès observait les astres, Théodore, et, le regard aux cieux, venait choir dans le puits. Quelque Thrace, accorte et plaisante soubrette ( Léon Robin traduit : « toute mignonne et pleine de bonne humeur », on est très loin de la vieille femme), de le railler, ce dit-on, de son zèle à savoir ce qui se passe au ciel, lui qui ne savait voir ce qu’il avait devant lui, à ses pieds. » (174a, trad. de Diès)
Cette bonne, venue de la campagne, à l’intelligence courte, va symboliser l’incompréhension ordinaire dont est victime le philosophe, représenté ici excellemment par Thalès :
« Cette raillerie vaut contre tous ceux qui passent leur vie à philosopher. C’est que, réellement, un tel être ne connaît ni proche ni voisin, ne sait ni ce que fait celui-ci, ni même s’il est homme ou s’il appartient à quelque autre bétail. Mais qu’est-ce que l’homme, par quoi une telle nature se doit distinguer des autres en son activité ou sa passivité propres, voilà quelle est la recherche et l’investigation à laquelle il consacre ses peines. » (174ab)
En somme le philosophe « dans la lune » est le dernier avatar de Thalès. On comprend certes que "ne pas avoir les pieds su terre" est presque un devoir s’il y a quelque chose à découvrir au Ciel mais si le Ciel est vide ? Faut-il se moquer ou non de Thalès ?

dimanche 8 mai 2005

Diogène Laërce commenté par Nietzsche : Épicure/Platon.

Dans la partie où Diogène présente les calomnies dont Epicure a été l’objet, il écrit :
« Quant aux platoniciens, il les appelait « flatteurs de Denys » (X, 8)
Platon fut en effet l’ami de Dion, beau-frère du tyran Denys de Syracuse, et il tenta de gagner à ses idées politiques le tyran Denys le Jeune. Nietzsche commente précisément ce passage dans Par-delà le bien et le mal en 1886 :
« Que les philosophes peuvent être méchants ! Je ne sais rien de plus venimeux que la plaisanterie que s’est permise Epicure à propos de Platon et des platoniciens : il les appelait « dionysiokolakes », ce qui signifie, au sens premier et littéral du mot : flatteurs de Denys, c’est-à-dire domestiques de tyran et lécheurs de bottes ; mais cela veut dire encore : « ce ne sont tous que des comédiens, sans rien d’authentique » (car dionysiokolax était le sobriquet populaire qu’on donnait au comédien) : et c’est ce dernier sens qui fait à proprement parler la méchanceté du trait d’Epicure contre Platon : il s’irritait de la mise en scène et des airs majestueux auxquels s’entendaient si bien Platon et ses disciples et dont il était incapable, lui, le vieux pédagogue de Samos, qui, tapi dans son jardinet d’Athènes, écrivit trois cents livres, peut-être par colère contre Platon, qui sait ? Et par esprit d’émulation ? Il fallut cent ans pour que la Grèce découvrît enfin qui était en réalité ce dieu des jardins, Epicure. Mais le découvrit-elle vraiment ? » (Des préjugés des philosophes, 7)
Mais ne nous trompons pas, sous cette défense apparente de Platon, Nietzsche est du côté d’Epicure. Ce qu’Epicure et Nietzsche ont eu en commun, c’est le refus de croire dans un autre monde qui justifierait et expliquerait le nôtre. Platon l’a décrit sous le nom de monde des Idées (eidos) et Nietzsche en traque la représentation sous toutes les métamorphoses. Certes il ne traite pas Platon de dionysiokalax mais il écrit en 1885 dans la préface de l’ouvrage déjà cité :
« La plus grave, la plus tenace et la plus dangereuse de toutes les erreurs a été celle d’un dogmatique, de Platon, l’inventeur de l’esprit pur et du Bon en soi. »
Dans les dernières lignes qu’il consacre à Platon, il est encore plus direct et plus dur :
« Platon est lâche devant la réalité – par conséquent il se réfugie dans l’idéal. » (Le crépuscule des idolesCe que je dois aux anciens, 2)
Mais dans cette fin d’œuvre, Epicure lui-même se trouve réduit à être un représentant de la décadence et ainsi étrangement rapproché des chrétiens :
« Ainsi j’ai appris à comprendre Epicure, l’opposé d’un Grec dyonisien, et aussi le chrétien qui, de fait, n’est qu’une sorte d’épicurien et qui avec son principe « la foi sauve » ne fait que suivre le principe de l’hédonisme aussi loin que possible – jusque par-delà toute probité intellectuelle. » (Nietzsche contre Wagner)
Les philosophes ne sont pas méchants entre eux mais toute philosophie se bâtit sur les ruines de plusieurs autres.

samedi 7 mai 2005

Épicure, le dernier verre.

« Il est mort d’une rétention d’urine causée par la pierre, comme le dit Hermarque dans ses lettres, après une maladie qui a duré quatorze jours ; Hermippe raconte qu’alors il entra dans une baignoire de bronze tempérée d’eau chaude, demanda du vin pur et l’avala. Après avoir enjoint à ses amis de se remémorer ses doctrines, ainsi mourut-il » (X, 15)
Jean-François Balaudé a-t-il raison de qualifier la mort d’Epicure de « mort ordinaire comparée à tant d’autres morts de philosophes » ? N’est-ce pas plus une mort épicurienne qu’une mort banale ? D’abord elle partage avec les autres morts philosophiques le fait d’être la dernière leçon. Non seulement le philosophe a toute sa tête mais ses ultimes paroles confirment sa vie entière. Ensuite si cette mort n’est pas une démonstration de la force de la volonté mais bien plutôt l’aboutissement d’une maladie, n’est-ce pas parce l’école épicurienne n’a pas pour héros Hercule ? Enfin cette mort est pleinement philosophique car il n’est pas le premier qui meurt d’avoir bu du vin pur. Par ordre, il y a d’abord Stilpon :
« Hermippe dit que Stilpon mourut âgé, après avoir bu du vin afin de mourir plus vite. » (II, 120 trad. de Marie-Odile Goulet-Cazé)
A la lumière de ce texte, on peut imaginer qu’Epicure, en buvant le vin non coupé d’eau, se suicide. Ce n’est pas l’occasion d’une ultime jouissance mais une douce euthanasie. C’est aussi le signe de la frugalité du philosophe qu’un simple verre de vin pur puisse le tuer, certes c’est tout autant l’indice d’une immense faiblesse physique. Ensuite il y a Arcésilas :
« Il mourut fou, selon Hermippe, pour avoir bu trop de vin pur. » (IV, 44 trad. de Tiziano Dorandi)
Etrange mort que celle-ci : un sage qui finit fou, rien à voir avec celle d’Epicure, sauf l’usage du vin pur, mais ici en excès. Enfin la mort de Chrysippe, déjà commentée (note du 19-04-05). Ici aussi, peu de vin mais un mortel vertige ; reste que c’est dans le cadre d’un sacrifice que Chrysippe boit l’alcool fatal alors qu’Epicure le fait en étant dans sa baignoire. Cette différence illustre magistralement ce qui sépare le stoïcien de l’épicurien : le premier vit au sein de la cité, le second se retire dans ses appartements. A elles quatre, ces morts composent un singulier éloge du mélange et de l’eau ! Aujourd’hui encore, c’est Nietzsche qui aura le dernier mot.
« Je ne saurais conseiller assez énergiquement l’abstention absolue de l’alcool à toutes les natures d’espèce spirituelle. L’eau fait l’affaire… J’ai une prédilection pour les endroits où l’on a partout l’occasion de puiser de l’eau à des fontaines (Nice, Turin, Sils) ; un petit verre d’eau me court après comme un chien. In vino veritas : il semble bien que pour la notion de « vérité » me voilà encore en désaccord avec tout le monde. Chez moi l’esprit plane au-dessus de l’eau… » (Ecce Homo Pourquoi je suis si malin 1)
On se rappelle certes que Socrate philosophe tout en buvant mais cela veut seulement dire qu’il a par la force de la volonté réussi à transformer, à l’inverse du Christ, le vin en eau…

vendredi 6 mai 2005

Épicure, maître des cérémonies.

Dans son testament, Epicure institue une réunion mensuelle, précisément le vingt de chaque mois de Janvier, dans le but de célébrer sa mémoire. Cette auto-commémoration ne me rappelle en rien les mœurs des autres écoles. J’ai plutôt le souvenir de cités érigeant des statues en l’honneur des philosophes disparus. Mais cette impression de culte du chef s’atténue quand on apprend que ce n’est pas seulement en son honneur qu’Epicure organise ce rite mais aussi pour rendre hommage à Métrodore. Diogène Laërce n’est guère éclairant sur Métrodore de Lampsaque ; c’est un disciple « parmi les plus remarquables » (X, 24) ; il meurt sept ans avant Epicure à 53 ans et ce dernier écrit un livre qui porte son nom. C’est aussi à Polyainos, autre disciple, et à ses trois frères qu’il consacre un jour de célébration : pour Polyainos au mois d’août et pour ses frères en décembre. Si Epicure n’a laissé aucun ouvrage sur Polyainos, en revanche il a fait du nom de chacun de ses frères le titre d’une œuvre : AristobuleNéoclésChérédème. Ce n’est pas népotisme mais conversion opérée dans le cadre de la famille.
« Ses trois frères pratiquaient la philosophie avec lui, sur ses injonctions » ( 3)
Moins esprit de famille qu’esprit philosophique partagé par les membres d’une même famille. En somme, Epicure institue un rite d’hommage aux philosophes les plus véridiques : ni culte des amis, ni culte de la Vérité mais culte des amis en tant qu’ils sont porteurs de la Vérité. L’année est ainsi ponctuée de tendres rappels à l’ordre. A travers le souvenir de l’ami se réaffirme l’adhésion au Vrai. Une clause du testament met nettement en relief qu’il ne faut s’attacher aux membres de la famille que dans la mesure où ceux-ci s’attachent à Epicure :
« Qu’Amynomaque et Timocrate prennent soin du fils de Métrodore, Epicure, et du fils de Polyainos, pourvu qu’ils philosophent et vivent dans la compagnie d’Hermarque. » (19)
La fille de Métrodore ne devra pas sortir du cercle mais prendre comme mari un disciple remarqué par Hermarque :
« De même, qu’ils accordent leur soin à la fille de Métrodore, et qu’une fois en âge, ils la donnent en mariage à celui qu’Hermarque, parmi ceux qui philosophent avec lui, aura choisi, pourvu qu’elle soit disciplinée et obéisse à Hermarque. »
C’est la reproduction, au sens bourdieusien du terme ! Ce qui se constitue dans ce souci de régler les relations à l’intérieur du Jardin, à travers ces mesures autant philosophiques que familiales et amicales, c’est un espace privé qui ,avec ses lois et sa perpétuation dans le temps, double l’espace public et en constitue comme un envers rassurant. Le Jardin m’apparaît comme un espace autonome qui garantit à chacun la possibilité de vivre sagement sans crainte des étrangers. Ouvert aux prostituées (Mammarion, Hédéia, Erotion, Nikidion) et aux esclaves ( Mys, Phidias, Lycon, Phaidrion), il est fermé aux événements de l’agora. Il ne correspond pas à une expérience dont les promoteurs viseraient l’extension à l’échelle de la polis tout entière. Il est institué explicitement sur fond de rejet de la politique et de mépris de la foule :
« Ses dispositions (Diogène parle d’Epicure) aussi bien de piété pour les dieux que d’amour pour sa patrie ne peuvent se décrire ; en effet, par excès d’honnêteté, il s’est même gardé de tout contact avec la vie politique. » (10)
L’honnêteté n’étant qu’une des vertus dont cette sagesse attend la tranquillité de l’esprit, ce n’est pas par éthique qu’Epicure et les siens s’enferment entre quatre murs mais par prudence, dans le seul but d’être heureux. Et je pense à ces lignes de Nietzsche, écho déformé mais séduisant de ce que je viens de lire :
« Restez plutôt à l’écart ! Fuyez dans une retraite cachée ! Mettez vos masques et usez de votre subtilité pour qu’on vous prenne pour d’autres ! – ou qu’on vous craigne un peu ! Et surtout n’oubliez pas le jardin, je vous prie le jardin aux grilles dorées ! Et entourez-vous d’hommes qui soient comme un jardin, - ou comme une musique sur l’eau, quand tombe le soir et que bientôt le jour ne sera qu’un souvenir ; choisissez la bonne solitude, la solitude libre, enjouée, légère qui vous donne le droit de rester bons en quelque manière. » (Par-delà le bien et le mal II, 25 trad. de Henri Albert, révisée par Jean Lacoste)
Epicure, seul dans son Jardin avec tous ces faux autres et ces vrais lui-mêmes que sont ses amis. Epicure, seul avec les multiples reflets de son excellence.