samedi 6 avril 2019

Greguería n° 8, pythagoricienne.


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" Las parejas de cisnes parecen que señalan siempre una misma cifra, el 22 ; pero a veces, cuando uno de ellos está entrado en el agua y el otro está en pie, a la orilla, señalan el 24."
" Les couples de cygnes semblent indiquer toujours un même chiffre, le 22 ; mais quelquefois, quand l'un d'eux est entré dans l'eau et que l'autre est debout, sur la rive, ils indiquent le 24."

vendredi 5 avril 2019

Greguería n° 7


" La arquitectura árabe es el agrandamiento del ojo de la cerradura. "
" L'architecture arabe est l'agrandissement du trou de la serrure. "

jeudi 4 avril 2019

mercredi 3 avril 2019

Greguería n° 5

" No gozamos bien el canto del ruiseñor, porque siempre dudamos de que sea el ruiseñor."
" Nous ne jouissons pas bien du chant du rossignol, parce que nous ne sommes jamais sûrs que ce soit le rossignol."

Commentaires

1. Le vendredi 5 avril 2019, 11:47 par Arnaud
Écho de Kant, §42 de La critique de la faculté de juger (De l'intérêt intellectuel concernant le beau) : cf. le jeune espiègle caché dans un buisson qui imite à la perfection le chant d'un rossignol...
Ah ! ces maudits imitateurs qui vous gâchent le plaisir !
2. Le vendredi 5 avril 2019, 16:29 par Philalethe
Judicieux rapprochement ! Vous enrichissez ma lecture de ce texte car, en lisant cette greguería, j'ai pensé à autre chose : que l'incertitude vient de ce qu'on ne sait pas si c'est vraiment un rossignol ou un autre oiseau. Inquiet de bien classer ce chant éphémère, on ne peut pas se concentrer sur sa beauté. Peut-être qu'en termes kantiens on peut dire que, soucieux de la beauté adhérente, on perd de vue la beauté libre...
3. Le dimanche 7 avril 2019, 22:45 par gerardgrig
Il me semble que le livre célèbre de Marcel Moré, "Le dieu Mozart et le monde des oiseaux" abonde dans ce sens. Quand on a entendu les chants d'oiseaux dans la musique de Mozart, qui fait plus que les imiter, en les "transfigurant" et en leur donnant des "âmes", on se demande si l'oiseau que l'on entend dans la nature ne chante pas du Mozart.
4. Le lundi 8 avril 2019, 21:01 par Philalethe
Dans le cas que vous évoquez, celui de l'esthète qui perçoit la nature à travers les oeuvres qu'elle a inspirées, l'incertitude est vraiment feinte. Mais pourquoi pas ? Ces greguerías invitent souvent à la pluralité des interprétations.

mardi 2 avril 2019

Greguería n° 4, proustienne.

" El que está en Venecia es el engañado que cree estar en Venecia. El que sueña con Venecia es el que está en Venecia. "
" Celui qui est à Venise, il se trompe, du fait de croire être à Venise. C'est celui qui rêve à Venise qui est à Venise."

lundi 1 avril 2019

Un fait n'est pas un agneau.

Le journal espagnol El Pais a publié le 29 Mars un entretien avec Bruno Latour. J'en extrais un passage :
" P. ¿Los hechos no existen independientemente de estos mundos ?
R. Los hechos hay que sostenerlos, no viven solos. Un hecho solo es un cordero frente a los lobos.
P. ¿Quiénes son los lobos?
R. Los que devoran los hechos. Un hecho debe estar instalado en un paisaje, sostenido por costumbres de pensamiento, hacen falta instrumentos e instituciones."
Selon ma traduction, au risque de ne pas rendre exactement la formulation originale :
" Question : les faits n'existent-ils pas indépendamment de ces mondes (Latour a dit avant que désormais les gens vivent sur des planètes différentes et que le monde commun, réel est perdu) ?
Réponse : les faits, il faut les soutenir, ils ne vivent pas seuls. Un fait seul est un agneau face aux loups.
Q. : qui sont les loups ?
R. : ceux qui dévorent les faits. Un fait doit être installé dans un paysage, soutenu par des habitudes de pensée, il faut des instruments et des institutions."
On se rappelle que dans La généalogie de la morale (I, 13), Nietzsche prend l'agneau comme symbole de l'homme du ressentiment. Ce sont les oiseaux de proie qui y tiennent le rôle du loup. Certes dans le texte nietzschéen l'agneau va gagner mais au mépris de la vérité, séparant la force de ses manifestations, inventant le libre-arbitre et la culpabilité imaginaire des oiseaux de proie. Le fait a donc tout à craindre pour sa force à lui de se retrouver, dans la bouche de Latour, incarné dans la peau de l'agneau...
En effet comparer le fait à un vivant fragile pousse à le voir, sinon comme une création, du moins comme le produit d'une culture. Manifestement Latour regrette la disparition d'une culture commune (à mon avis il a bien contribué à cette disparition en jetant le doute sur la réalité de la réalité...), mais les hommes peuvent-ils parvenir à reconnaître des vérités factuelles objectives si les faits ont réellement la fragilité du vivant ? S'il faut choisir une métaphore, alors je prendrai plutôt le rocher, car les faits résistent au temps, on se heurte à eux, etc. Ce qui dépend de la culture n'est pas le fait, mais la connaissance du fait. Si la culture ne donne pas de bonnes habitudes épistémiques, on peut passer à côté des faits, ne pas les comprendre, les défigurer etc.
C'est un fait que Bruno Latour a eu un entretien avec un journaliste de El Pais. Je ne sais pas si c'est un fait important ; certes on pourra l'oublier, mais le faire disparaître est absolument impossible.

dimanche 31 mars 2019

Greguería n° 3

Le journal espagnol El Pais a publié le 29 Mars un entretien avec Bruno Latour. J'en extrais un passage :
" P. ¿Los hechos no existen independientemente de estos mundos ?
R. Los hechos hay que sostenerlos, no viven solos. Un hecho solo es un cordero frente a los lobos.
P. ¿Quiénes son los lobos?
R. Los que devoran los hechos. Un hecho debe estar instalado en un paisaje, sostenido por costumbres de pensamiento, hacen falta instrumentos e instituciones."
Selon ma traduction, au risque de ne pas rendre exactement la formulation originale :
" Question : les faits n'existent-ils pas indépendamment de ces mondes (Latour a dit avant que désormais les gens vivent sur des planètes différentes et que le monde commun, réel est perdu) ?
Réponse : les faits, il faut les soutenir, ils ne vivent pas seuls. Un fait seul est un agneau face aux loups.
Q. : qui sont les loups ?
R. : ceux qui dévorent les faits. Un fait doit être installé dans un paysage, soutenu par des habitudes de pensée, il faut des instruments et des institutions."
On se rappelle que dans La généalogie de la morale (I, 13), Nietzsche prend l'agneau comme symbole de l'homme du ressentiment. Ce sont les oiseaux de proie qui y tiennent le rôle du loup. Certes dans le texte nietzschéen l'agneau va gagner mais au mépris de la vérité, séparant la force de ses manifestations, inventant le libre-arbitre et la culpabilité imaginaire des oiseaux de proie. Le fait a donc tout à craindre pour sa force à lui de se retrouver, dans la bouche de Latour, incarné dans la peau de l'agneau...
En effet comparer le fait à un vivant fragile pousse à le voir, sinon comme une création, du moins comme le produit d'une culture. Manifestement Latour regrette la disparition d'une culture commune (à mon avis il a bien contribué à cette disparition en jetant le doute sur la réalité de la réalité...), mais les hommes peuvent-ils parvenir à reconnaître des vérités factuelles objectives si les faits ont réellement la fragilité du vivant ? S'il faut choisir une métaphore, alors je prendrai plutôt le rocher, car les faits résistent au temps, on se heurte à eux, etc. Ce qui dépend de la culture n'est pas le fait, mais la connaissance du fait. Si la culture ne donne pas de bonnes habitudes épistémiques, on peut passer à côté des faits, ne pas les comprendre, les défigurer etc.
C'est un fait que Bruno Latour a eu un entretien avec un journaliste de El Pais. Je ne sais pas si c'est un fait important ; certes on pourra l'oublier, mais le faire disparaître est absolument impossible.

samedi 30 mars 2019

Greguería n° 2

" Un paquete de sal parece que va a durar mucho, pero se gasta en seguida porque la sosería de la vida est atroz."
" Un paquet de sel semble pouvoir durer longtemps, mais on le consomme tout de suite car la fadeur de la vie est atroce."

vendredi 29 mars 2019

Multitasking : caprice n°29

C'est cela qui s'appelle lire ?
" Le peinan, le calzan, duerme, y estudia. Nadie dira que desaprovecha el tiempo - on le coiffe, on le chausse, il dort, et il étudie. Personne ne dira qu'il perd son temps - " (Manuscrit du Musée du Prado)

Commentaires

1. Le mardi 26 mars 2019, 11:07 par gerardgrig
C'est le ministre qui lit en diagonale ses dossiers pendant sa toilette, avant d'aller en réunion. Personne n'imagine avec quelle légèreté les gens sont gouvernés. Ce n'est pas nécessairement dû à l'incompétence et au favoritisme. Sous la Vème République en France, quand Giscard était ministre des finances au Louvre, il passait son temps chez les antiquaires de la Rue de Rivoli. En conseil des ministres, Pompidou lui reprochait de lire ses dossiers en diagonale. C'est le problème de la spécialisation. Mieux vaut un généraliste, un littéraire qui bûche tard ses austères dossiers d'économie, parce que cela l'intéresse paradoxalement, qu'un spécialiste polytechnicien qui s'ennuie dans son bureau, parce qu'il sait tout dans son domaine d'expertise, et qui rêve d'art.
2. Le mercredi 27 mars 2019, 11:44 par lena galpesc
alors vous aimerez Macron , le Giscard
de l'an 2017. On ne lit pas les dossiers
car on sait d'avance ce qu'il y a dedans.
sauf le jour où il y a un truc inédit, et où on approuve, ou donne son paraphe, à ses dépends, car la presse n'attend, comme Lendl face à McEnroe (pardon pour la ringardise des souvenirs tennistiques), que la faute pour faire un revers.
3. Le samedi 30 mars 2019, 21:14 par Philalèthe
Vous avez raison d'identifier une allusion politique dans ce Capricho. D'ailleurs les trois autres explications manuscrites mentionnent explicitement  les moeurs des ministres. Celle de Ayala est claire : " Les ministres attendent la dernière minute pour prendre connaissance des affaires de leur charge (...)" Il semble que la gravure est à clef et que soit visé le Duc de Parque. Cela dit, les commentateurs sont divisés : pour l' un  (E. Piot, 1842), le duc avait à coeur de montrer qu'il ne passait pas plus de temps à cultiver son esprit que celui qu' on prenait à le coiffer. Mais d'après Lefort (1867), le duc avait acquis grâce à ce temps de lecture une culture immense qu'il mettait à profit au cours de missions diplomatiques. E. Helman (1963) cite un journal satirique de 1789 L'inoculation de la raison : " Nous nous ne regardons rien, mais nous jugeons de tout. D'un coup nous gouvernons un royaume et pendant qu'on nous peigne, on rédige un code."

Greguería n° 1

" "Ídem", buen seudónimo par un plagiario."
" "Idem", bon pseudonyme pour un plagiaire."
Il y a peu, un élève m'a demandé qui exactement était le philosophe Ibidem.
Ajout du 07/07/19 :
" Boda de primos hermanos : señores de Idem de Idem."
" Noce de cousins germains : Monsieur et Madame Idem-Idem. "

Commentaires

1. Le lundi 1 avril 2019, 09:23 par gerardgrig
A mon avis, "Idem" est peut-être différent d'une perle de cancre sur "Ibidem". Gomez de la Serna avait lu Lautréamont. "Idem" serait un bon pseudonyme pour plagiaire assumé, qui pratique le pastiche, l'intertextualité ou encore le copié-collé dans sa forme hypernumérique, comme Kenneth Goldsmith. D'ailleurs, dans le domaine des Lettres, la notion de plagiat devient de plus en plus floue. Le plagiat a des doubles très ressemblants, comme le démarquage, la citation erronée, l'auto-plagiat ou recyclage. Il y aurait même un plagiat par anticipation. En philosophie, y eut-il jamais plagiat ? Les idées sont un bien commun, depuis l'Antiquité. Dans le domaine musical, le "sampling", venu de la musique expérimentale, se généralise, malgré des querelles d'auteurs qui défendent des intérêts très personnels. Il n'y a que le travail strictement universitaire qui peut encore poser un problème de plagiat, ainsi que l'essai, qui est sa forme vulgarisé. Néanmoins, les auteurs d'écrits scientifiques se défendent en disant que la paraphrase est nuisible pour les théories, et qu'il faut recopier leur formulation telle quelle. D'autre part, peut-on se plaindre que de grands passeurs d'idées comme Jacques Attali ou Alain Minc recopient des passages de livres qui ont des idées neuves, mais que nous ignorerions sans cela ? Néanmoins, on pourra trouver surprenant que ces auteurs conquis au néolibéralisme très axé sur la propriété, utilisent ce procédé.
2. Le lundi 1 avril 2019, 11:24 par Philalèthe
Merci ! Mais, voyez, j'avais tiré seul la juste leçon de votre remarque : dès la greguería 2, je me suis fixé un silence respectueux et donc fidèle à la richesse de la citation !