vendredi 10 mai 2019

Greguería n° 33

" Las teclas negras son el luto que guarda el piano por los pianistas muertos."
" Les touches noires, c'est le deuil des pianistes morts, que porte le piano."

jeudi 9 mai 2019

Greguería n° 32

C'est une greguería tardive, écrite entre 1952 et 1955, publiée dans le Diario póstumo (Barcelona, Plaza y Janés, 1972) :
" La vida es asi : "¿Se ha acomodado bien ? Pues entonces ¡fuera!" "
" La vie est comme ça : " Vous vous êtes mis à l'aise ? Bon, alors dehors ! "

mercredi 8 mai 2019

Greguería n° 31

" La pelicula comienza : la vanidad humana se oculta un rato en el túnel de la sala."
" Le film commence : la vanité humaine se cache un moment dans le tunnel de la salle."

mardi 7 mai 2019

Ombre réelle ou ombre imaginaire ? Sur la gallina ciega de Goya.

San Francisco y el moribundo est un tableau de Goya peint en 1787, on peut le voir dans la cathédrale de Valencia.
Jean Starobinski dans Goya et 1789 m'apprend que cette oeuvre " est la première apparition de monstres et de personnages hallucinés dans l'oeuvre de Goya." (La beauté du monde, Quarto, 2016, p.1035). Dans cet article publié en 1984 dans La Revista de Occidente, il est attentif à trouver des signes avant-coureurs de la période noire dans l'oeuvre lumineuse de Goya. L'oeuvre qu'il choisit principalement comme exemple est La gallina ciega (Le jeu de collin-maillard), peinte en 1788.
Voici le commentaire de Starobinski :
" Dans La gallina ciega, au rythme si séduisant, nous découvrons la transposition ludique d'un supplice, et il semble que la femme agenouillée qui s'incline en arrière pour ne pas être touchée, fuie sa propre identité. Un autre supplice simulé est celui qu'endure le pantin : pendant que les jeunes filles souriantes - de charmantes sorcières -
forment une guirlande de leurs bras, le pantin oblique, projeté vers le haut, offre l'aspect du désespoir. Les torsions, la maladresse, la douloureuse inertie du pantin, nous révèlent l'étrange vie de la matière, son aspect comique et son pouvoir d'épouvante. Par l'animation qui s'empare de toute la créature rendue à sa fatalité d'objet, la scène frivole implique une secrète frayeur. " (p. 1036)
Est-ce moi, l' aveugle ? Pas moyen de voir dans cette oeuvre, qui devait servir de carton de tapisserie, l' " ombre ", l' " élément inquiétant dissimulé ", l' " impalpable atmosphère " qui deviendra " un peuple de monstres "... Je ne comprends vraiment pas pourquoi Starobinski évoque " les ténèbres métaphysiques de La Gallina Ciega ".
Ne dois-je pas sur ce point plutôt me rapporter à ce que Ramón Gomez de la Serna écrit à propos des cartons de tapisserie dans son Goya (1928) :
" Un tapiz es una primavera que se perpetúa engarzada a una bandera." (" Une tapisserie est un printemps qui se perpétue, inséré dans un drapeau.") ?
Ce qu'écrit Ramón sur La gallina ciega me paraît, bien que léger, plus fidèle à l'oeuvre que les lignes exagérément inquiétantes de Starobinski :
" Goya representa el juego de la gallina ciega en un meandro circular frente al Guadarrama en uno de sus espirituales valles, todos sus personajes en movimiento de corro alrededor del que se ha quedado en el centro tocando y eligiendo con una cuchara de palo al que ha de adivinar quién es y que entonces no podía agarrar con la mano por pudicia, no fuese a ser una dama, porque asi era difícil adivinar quién era el cogido o la cogida y el juego era mas juego de azar. " (Goya in Obras selectas, Carrogio, Barcelona, 1970, p. 612)
" Goya représente le jeu de colin-maillard, au bord d'un méandre circulaire du Guadarrama, dans une de ses spirituelles vallées, tous les personnages en ronde autour de celui qui, resté au centre, touche et choisit avec une cuillère en bois quelqu'un dont il doit deviner l'identité et qu'il ne pouvait alors pas saisir par la main par pudeur, au cas où ça aurait été une dame, aussi c'était difficile de deviner qui était le prisonnier ou la prisonnière et le jeu était plutôt un jeu de hasard."

Commentaires

1. Le mercredi 8 mai 2019, 21:46 par gerardgrig
Starobinski semble être dans le vrai pour "Le Pantin", qui a inspiré "La Femme et le Pantin" a Pierre Louÿs, à une époque où les Décadents français lisaient Sacher-Masoch sous le manteau. Pour le colin-maillard, jeu mondain égrillard où l'on se touche par hasard pour provoquer des rencontres entre adultes, mais qui est teinté de cruauté chez les enfants, l'interprétation de Starobinski est assez étrange. Elle est trop culturelle, car elle se réfère à la fin terrible du guerrier Colin-Maillard au combat, aveuglé par un archer et sadisé par ses ennemis, qui a donné son nom au jeu. Ou au jeu de la poule aveugle (gallina ciega), jeu à base de cruauté sur les animaux, comme la corrida. Starobinski, sage psychocritique resté fidèle à Charles Mauron, avait aussi publié les "Anagrammes" de Saussure. Il profitait de Goya pour rendre surtout hommage au signifiant.
2. Le jeudi 9 mai 2019, 03:19 par Philalethe
Starobinski nous a-t-il offert un symptôme de cécité culturelle ( aveuglement causé par un excès de culture ) ?
Comme vous le dites généreusement  : " rendre hommage au signifiant " ! 
On peut presque en tirer cette question : une interprétation poétique peut-elle être vraie ?

lundi 6 mai 2019

Greguería n° 30, dadaïste.

" En resumidas cuentas, el Pensador de Rodin será el hombre que más tiempo ha estado sentado en el retrete."
" Tout compte fait, le Penseur de Rodin sera l'homme qui a été le plus longtemps assis sur les toilettes."

Commentaires

1. Le mercredi 8 mai 2019, 18:46 par gerardgrig
On admire l'insoutenable légèreté et la désinvolture de Ramón, dans la tradition du baroque espagnol. On pense aussi à la satire des philosophes dans l'Antiquité : Socrate assis dans une corbeille suspendue chez Aristophane, Thalès chutant dans un puits. Il était louable de ramener, avec le simple bon sens, les philosophes à la réalité. En langue vulgaire, on dit qu'ils ne se sentent plus pisser. Ramón ramène le penseur de Rodin à la posture de l'homme aux toilettes. Il y a peut-être une allusion à Duchamp. Mais Ramón va plus loin, en se payant le luxe d'être apolitique, et de passer objectivement pour un homme de droite, pour le plaisir scandaleux d'un bon mot. Il ne pouvait pas ignorer que le Penseur de Rodin avait été une affaire politique, et bien française. Le Penseur avait été installé devant le Panthéon, comme symbole de la démocratie. C'est un homme du peuple qui va changer la société par la puissance de sa pensée. La République était encore fragile, et l'intelligentsia allait se donner Charles Maurras comme penseur politique, si bien que le Penseur a vite été dégagé. Néanmoins, la plaisanterie de Ramón a le mérite de sortir le Penseur du cadre étroit de la politique française, et de rappeler que l'Art est universel. Il est vrai qu'en matière de politique, Ramón a cherché un modus vivendi avec le franquisme comme Dali, autre apolitique. Mais les apolitiques de l'époque avaient le mérite de ne pas choisir entre la peste et le choléra.
2. Le samedi 11 mai 2019, 14:31 par Arnaud
Game of trônes ?
Encore une occasion de recaser l'une des plus célèbres citations de Montaigne:
"Et au plus eslevé throne du monde, si ne sommes assis que sus nostre cul." Essais, III, XIII.
3. Le dimanche 12 mai 2019, 12:42 par gerardgrig
Certes, mais Ramón a toujours l'art de nous dérouter. Il semble reprendre les critiques des monarchistes français adressé au Penseur de Rodin trônant devant le Panthéon : il est lourd, laid, gros, prolétaire, il fait caca. Or Ramón loue le Penseur pour son record absolu de longévité sur le trou des toilettes. Il lui adresse un compliment vache, ce qui est une forme subtile de valorisation, dans une vision carnavalesque du monde, où la seule règle du jeu est d'être le meilleur dans son genre.

dimanche 5 mai 2019

Pourquoi il est difficile d'être stoïcien.

“ Dans la culture moderne, l’ordre social et institutionnel n’est plus, comme dans l’ Antiquité ou au Moyen-Âge, le fait d’ une volonté divine ou l’oeuvre de l’esprit ; dans leurs actions quotidiennes, les sujets modernes ne se vivent plus comme faisant partie d’un ordre cohérent de l’existence (“ the great chain of being “) avec lequel ils entretiendraient une relation responsive intérieure et à partir duquel ils pourraient se définir. Les conditions collectives dans lesquelles ils agissent leur semblent le résultat, en partie contingent, de processus de construction et de négociation historiques et, en particulier, d’innombrables conflits de valeurs et d’intérêts. Dans la mesure où ces conditions limitent les marges d’action et de liberté des individus, elles sont perçues par eux comme une chose extérieure, prédonnée, imposée, comme faisant partie d’un monde “ aliéné “qui leur fait face. À travers notre pratique quotidienne, nous faisons l’expérience de cette forme de relation à l’égard de la sphère publique chaque fois que nous sommes aux prises avec les administrations ou les autorités, du fisc à Pôle emploi en passant par la préfecture de police ou les administrations scolaires ; mais elle se manifeste aussi partout où “ Bruxelles “ est rendu comptable des réglementations de la vie quotidienne. “ ( Hartmut Rosa, Résonance, une sociologie de la relation au monde, La Découverte, 2018)
Les Stoïciens ont souvent été confrontés à des tyrans bien plus terribles que les nôtres, mais par chance ils pouvaient les englober dans le Logos. Vu que la Raison a déserté le terrain, le stoïcisme d’aujourd’hui se réduit à n’être qu’une pratique psychologique à des fins eudémonistes. Ou alors, contre vents et marées, on redore le blason du monde en le rendant rationnel, ce qui est sans doute plus facile à faire pour les agnostiques et les anciens croyants que pour les athées.

Greguería n° 29, ornithologie négative.

" El ruiseñor... No, del ruiseñor no se puede ni se debe decir nada. "
" Le rossignol... Non, du rossignol, on ne peut et on ne doit rien dire."

samedi 4 mai 2019

Greguería n° 28

" Lee y piensa, que para no pensar tienes siglos."
" Lis et pense ! Pour ne pas penser, tu as des siècles."

jeudi 2 mai 2019

Greguería n° 27

" Lo que más le duele al náufrago, indudablemente, es no poder contar cómo pasó "aquello", cómo se ahogó."
" Ce qui fait le plus souffrir le naufragé, indubitablement, c'est de ne pas pouvoir raconter comment s'est passé "ça", comment il s'est noyé."
À la différence des autres greguerías, toutes tirées de l'édition qu'en a donnée Rodolfo Cardona (Cathedra, 1980), cette dernière vient des Greguerías selectas publiées en 1919 par la Casa Editorial Calleja.

mercredi 1 mai 2019

Greguería n° 26

"Tomó tan en serio eso de "ahogar las penas" que se tiró al río."
" Il prit tant au sérieux cette idée de " noyer ses peines " qu'il s'est jeté dans la rivière."