lundi 17 janvier 2005

Il faut aussi écouter Malebranche

Je lis dans la Recherche de la Vérité de Malebranche cet avertissement:
" On ne considère pas qu'Aristote, Platon, Epicure étaient hommes comme nous; et de plus, qu'au temps où nous sommes, le monde est plus âgé de deux mille ans, qu'il a plus d'expérience, qu'il doit être plus éclairé; et que c'est la vieillesse du monde, et l'expérience qui font découvrir la vérité." Livre II Chap.III
Moi, Philalèthe, amoureux de la vérité, ai-je bien raison d'aller la chercher chez les Anciens et non chez les Modernes ? Certes je me rappelle de Lucrèce commençant ainsi le de Natura rerum:
" Au temps où, spectacle honteux, la vie humaine traînait à terre les chaînes d'une religion qui, des régions du ciel, montrait sa tête aux mortels et les effrayait de son horrible aspect, le premier, un homme de la Grèce, un mortel, osa lever contre le monstre ses regards, le premier il engagea la lutte. Ni les fables divines, ni le ciel avec ses grondements ne purent le réduire; son courage ardent n'en fut que plus animé du désir de briser les verrous de la porte étroitement fermée de la nature. Mais la force de son intelligence l'a entraîné bien au-delà des murs enflammés du monde. il a parcouru par la pensée l'espace immense du grand Tout, et de là, il nous rapporte vainqueur la connaissance de ce qui peut ou ne peut pas naître, de la puissance départie à chaque être et de ses bornes inflexibles. Ainsi la superstition est à son tour terrassée, foulée aux pieds, et cette victoire nous élève jusqu'aux cieux."
C'est bien sûr d'Epicure le Grec dont parle Lucrèce dans son poème écrit en latin. Alors, entre l'homme d'autrefois, qui appartient à la jeunesse du monde, et ce héros dont on vient de lire le portrait, qui choisir ? Je vais faire la chose suivante: le lire comme si sa vérité était divine, le juger comme si elle n'était qu'humaine.

dimanche 16 janvier 2005

Comment être heureux sachant qu'on va mourir ?

Comment vivre heureux si on est inquiet à l’idée de mourir ?
Épicure dans la lettre qu’il écrit au jeune Ménécée pense pouvoir dissiper la peur : il l'assure, nous ne vivrons pas notre mort, elle n’est pas du tout un objet d’expérience ni pour l'homme vivant ni pour le mort. Car Le mort, c’est l’homme totalement détruit, ensemble désorganisé d’atomes qui du fait de son désordre ne rend plus possibles l’esprit et ses expériences.
Nous pouvons certes objecter à Épicure que nous serons témoin de la mort des autres. Mais ce n’est pas cette mort-là, indirecte et au fond seule réelle pour nous, qui est censée gâcher la vie ; c'est la mienne, la mort propre, comme disent les philosophes, celle que j’attends à tort comme un événement et qui n’est que le nom désignant le passage instantané de la sensibilité à l’insensibilité.
Exit ma mort, reste pourtant la pensée de la vie menacée par elle à chaque instant. Comment alors ne pas identifier la vie mortelle à une vie malheureuse ? La souffrance ne vient-elle pas de l’impossibilité de satisfaire notre désir d’immortalité ? Platon dans Le Banquet a fait de ce désir une tendance essentielle : il la satisfait en faisant des enfants de chair ou, s'il est hors du commun, des œuvres qui lui survivront. Épicure, lui, pense que ce désir est un de ceux qui disparaissent quand les opinions fausses, qui les engendrent, ont été dissipées. En effet, pour qui a compris que le bonheur n’est que la disparition de la douleur physique et de la souffrance morale, la paix de l'esprit et du corps est accessible ici et maintenant. L’état heureux n’est donc pas au sommet d’une longue paroi dont l’escalade n’est jamais finie ; il est à la portée de quiconque satisfait simplement tous ses désirs naturels. Mourir à 40 ans plutôt qu’ à 80 ans c’est certes avoir une vie plus courte mais le bonheur ne prend pas de temps, on l’atteint dès qu’on ne souffre plus ; aussi l’homme bienheureux qui meurt ne perd-il rien d’autre que la répétition de la réjouissance qui déjà le comble et l'a comblé.
Vient alors à l’esprit l’objection de la douleur. Non certes la douleur mentale qui ne va guère avec l'effort de  sagesse mais celle des muscles, des entrailles, des os. En effet même si l’aspirant à la sagesse multiplie par son régime simple ses chances de conserver la santé, il n’est pas à l’abri d’une maladie ou d’un accident. Peut-on alors rester heureux ? Si la mort n’est pas à craindre, la douleur physique, elle, ne l’est-elle pas bel et bien ?

lundi 10 janvier 2005

Qu'attendre des philosophes antiques ?

dépassée

Les philosophes antiques sont-ils loin de nous ?
Il faut trouver la juste distance: si nous les voyons de trop loin , ils ne seront que des témoins d'une époque dépassée; si nous les voyons de trop près, nous penserons à tort qu'ils ont eu nos problèmes et que finalement ils sont comme nous. Entre l'historicisme et l'anachronisme, une voie du milieu donc.
Mais qu'attendre d'eux ? Des manières de voir et de faire qui nous aident à mieux voir et à mieux faire. Cela ne veut pas dire qu' à coup sûr on verra plus juste ou qu'on agira mieux mais au moins, dans certains cas, après les avoir lus, on ne se posera plus le problème de savoir comment voir ou comment faire - mais n'est-ce pas alors manque de lucidité ?-
Par qui commencer ? Par apparemment les plus souriants, les Épicuriens et d'abord Épicure. Nous verrons qu'ils ne sont guère épicuristes mais il nous suffira de comprendre en quoi ils sont épicuriens.
Pour compenser cette première facilité, nous choisirons de les voir à l'oeuvre face à ce qui n'est guère souriant: la mort.
Il faut trouver la juste distance: si nous les voyons de trop loin , ils ne seront que des témoins d'une époque dépassée; si nous les voyons de trop près, nous penserons à tort qu'ils ont eu nos problèmes et que finalement ils sont comme nous. Entre l'historicisme et l'anachronisme, une voie du milieu donc.
Mais qu'attendre d'eux ? Des manières de voir et de faire qui nous aident à mieux voir et à mieux faire. Cela ne veut pas dire qu' à coup sûr on verra plus juste ou qu'on agira mieux mais au moins, dans certains cas, après les avoir lus, on ne se posera plus le problème de savoir comment voir ou comment faire - mais n'est-ce pas alors manque de lucidité ?-
Par qui commencer ? Par apparemment les plus souriants, les Épicuriens et d'abord Épicure. Nous verrons qu'ils ne sont guère épicuristes mais il nous suffira de comprendre en quoi ils sont épicuriens.
Pour compenser cette première facilité, nous choisirons de les voir à l'oeuvre face à ce qui n'est guère souriant: la mort. d'eux ? Des manières de voir et de faire qui nous aident à mieux voir et à mieux faire. Cela ne veut pas dire qu' à coup sûr on verra plus juste ou qu'on agira mieux mais au moins, dans certains cas, après les avoir lus, on ne se posera plus le problème de savoir comment voir ou comment faire - mais n'est-ce pas alors manque de lucidité ?-

Par qui commencer ? Par apparemment les plus souriants, les Épicuriens et d'abord Épicure. Nous verrons qu'ils ne sont guère épicuristes mais il nous suffira de comprendre en quoi ils sont épicuriens.
Pour compenser cette première facilité, nous choisirons de les voir à l'oeuvre face à ce qui n'est guère souriant: la mort.