" Se amaban tanto, que hasta sus sueños eran idénticos, Por eso se separaron locos de celos, no pudiendo ella aguantar los sueños de él ni él los de ella."
" Ils s'aimaient tant que même leurs rêves étaient identiques. Aussi se séparèrent-ils fous de jalousie, elle ne pouvant pas plus supporter ses rêves à lui que lui, ses rêves à elle."
" A Victor Hugo su esposa lo llamaba Víctor ; su amante : Hugo."
" Victor Hugo était appelé par sa femme, Victor et par sa maîtresse, Hugo."
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1. Le vendredi 25 octobre 2019, 17:40 par gerardgrig
Ramón aborde le problème de la familiarité avec les grands hommes. Il adopte un registre boulevardier classique. En réalité, Hugo avait une foule de maîtresses, mais le boulevard moderne a intégré la pluralité des maîtresses. Néanmoins, Ramón est ironiste plus qu'humoriste, et il aborde le problème analytique du nom propre. La maîtresse d'Hugo donnait raison à Kripke. Le nom d'Hugo n'était pas une grappe de conditions, mais le maillon d'une chaîne historique affecté par le risque d'altération. On peut supposer que dans l'intimité la maitresse d'Hugo devait parfois l'appeler "Huguette". Derrida disait que le nom propre n'était possible que par son fonctionnement, dans une écriture retenant les traces de différence. Mais on peut surtout imaginer qu'en appelant Hugo par son nom, sa maîtresse lui infligeait une petite souffrance morale, en lui rappelant sa condition cruelle de femme vouée à occuper un backstreet dans sa vie, puisqu'il ne divorçait pas.
2. Le dimanche 27 octobre 2019, 19:06 par Philalethe
L'épouse a peut-être la vue du valet de chambre hegelien ! La maîtresse, tenue à distance, n'a pas cette vue rapprochée, mais en fin de compte, des deux, elle est la moins éloignée de la réalité : Hugo, c'est Hugo !
" Las aves son más animales que las fieras porque son animales y pico."
J'avoue ne pas pouvoir traduire cette greguería. Voici pourquoi : l'expression y pico veut dire et quelques ( son las diez y pico : il est dix heures et quelques ) mais el pico est aussi le bec de l'oiseau. D'où ce jeu de mots qu'on ne peut pas rendre :
" Les oiseaux sont plus animaux que les fauves parce qu'ils sont animaux et bec (et quelque chose en plus) "
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1. Le jeudi 7 novembre 2019, 02:22 par angela cleps
pourquoi ne pas mettre en français une gregueria dans une une autre :
Les oiseaux sont plus animaux que les fauves parce qu'ils sont animaux becs et ongles
mais je conviens que cela marche mal car becs et ongles veut dire " à fond" , "complètement"
" Disculpa del insomnio : ¿Qué más da tener los ojos abiertos o cerrados en la oscuridad? "
" C'est l'insomnie qui s'excuse : qu' importe d' avoir les yeux ouverts ou fermés, vu qu'il fait noir ? "
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1. Le samedi 26 octobre 2019, 16:40 par gerardgrig
Dans cette gregueria, Ramón énonce un paradoxe à la manière de certains petits socratiques, si l'on retire la touche un peu surréaliste de l'excuse de l'insomnie. Ramón semble avoir ici un tropisme mégarique. Par contre, la gregueria 155 sur le paradoxe du réveil dans l'illusion en voyage, par une sorte de boucle temporelle dans le mental paresseux, évoque plutôt l'humour fumiste d'un "Pied nickelé" comme Alphonse Allais, dans la tradition lointaine du cynisme.
2. Le dimanche 27 octobre 2019, 19:26 par Philalethe
En prenant de l'âge, Ramón a beaucoup voyagé sur l'océan entre l'Espagne et l'Argentine. Il est très humain de projeter comme lui son vieillissement sur le monde, en le personnifiant.
2. Le dimanche 27 octobre 2019, 19:29 par Philalethe
Certes mais la conscience de la genèse d'une métaphore tend à affaiblir son pouvoir...
" Nada se pierde : en el más alto del cielo hay una torre hecha con el humo de todos los cigarrillos consumidos en el mundo."
" Rien ne se perd : au plus haut du ciel il y a une tour faite de la fumée de toutes les cigarettes consumées dans le monde."
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1. Le samedi 12 octobre 2019, 15:38 par gerardgrig
Ramón faisait preuve d'une surprenante sensibilité environnementale en son temps. Actuellement, il est intéressant d'étudier sous cet angle des auteurs inattendus. La nouvelle génération des chercheurs hegeliens examine ainsi ce que Hegel peut apporter à l'écologie, dans sa Philosophie de la Nature. Pour lui, la Nature était le déchet de l'Esprit.
2. Le dimanche 27 octobre 2019, 19:33 par Philalethe
À moins que ce ne soit une illustration de l'idée que le passé ne passe jamais. Quant à l'anthropocène, s'il est une oeuvre de l'Esprit, quelle joie !
" Cuando levantamos los brazos en el desperezo es que nos entregamos al destino que nos apunta."
" Quand nous levons les bras en nous étirant, c'est que nous nous livrons au destin qui nous vise."
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1. Le mercredi 30 octobre 2019, 15:12 par gerardgrig
On sait au moins que d'un certain point de vue Ramón n'était pas stoïcien. L'enchaînement des causes et des conséquences, appelé le Destin, n'est pas compatible avec la superstition envahissante des gestes quotidiens.
Cette greguería est à première vue étrange par le fait de comparer une attitude nonchalante de détente et de confiance à une posture tendue de peur et de défense, peut-être comme si les manifestations du bien-être appelaient sur soi des causes de malheur (d'où votre référence peut-être à la supersitition). Mais on peut aussi lire la greguería comme une manière confiante et exceptionnelle de se donner à un destin dont on sait qu'il nous vise toujours. Lue ainsi, la greguería n'est pas tant opposée à l'esprit du stoïcisme qu'on peut le croire : sachant que le destin nous englobe, on arrête de lui résister, on se rend à lui, sachant qu'il est irrésistible.
" Una de la pirámides más inquietantes que se ven al pasar es la pirámide de valijas, desde la que ya tiene algo de baúl hasta la que es como cabás par ir al colegio el párvulo."
" Une des pyramides les plus inquiétantes qu'on voit en passant est la pyramide des valises, depuis celle qui tient de la malle jusqu'à celle qui est comme une sacoche pour enfant allant à l'école."
Ramón nous gratifie d'une belle illustration pour parler de ce geste machinal que nous faisons tous, assis comme une pointe de compas sur un banc, pour dessiner un demi-cercle devant nous, quand nous avons un bâton dans la main. C'est un geste un peu mystérieux, que Ramón explique par la biologie, en nous animalisant. On dessinerait la limite de son espace vital. Stendhal faisait mieux sur le sable en Italie. Il disposait des numéros sur le demi-cercle, pour chaque femme qu'il avait aimée d'un amour platonique et impossible. Romantique impénitent, il dessinait des constellations sur la ligne d'une voûte céleste. Le cercle que l'on dessine a aussi quelque chose de magique dans l'inconscient collectif, comme pour faire jaillir un génie de terre.
2. Le dimanche 27 octobre 2019, 19:39 par Philalethe
Le dessin pourrait servir d'allégorie du solipsisme : aussi loin qu'on perçoive, aussi profondément qu'on pense, aussi efficacement qu' on agisse, on ne sort pas de soi.
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