" Quand on dit que le chaud n'est que le mouvement de quelques globules (Littré : Terme de physiologie. Nom donné à des corpuscules plus ou moins arrondis, qui existent dans beaucoup de liquides et dans quelques tissus animaux ), et la lumière le conatus recedendi (Brunschvicg : le conatus recendendi est la force centrifuge dont sont animés "tous les corps qui se meuvent en rond pour s'éloigner des corps autour desquels ils se meuvent" Descartes, Les principes de la philosophie, III, 54) que nous sentons, cela nous étonne (étonner a un sens fort dans la langue de Pascal, Littré donnant pour étonner : causer un ébranlement moral) . Quoi ! que le plaisir ne soit autre chose que le ballet des esprits (les esprits animaux sont "des parties du sang très subtiles et qui se meuvent très vite, car ce que je nomme ici des esprits ne sont que des corps" Descartes, Traité des passions, I, 10) Nous en avons conçu une si différente idée ! et ces sentiments-là nous semblent si éloignés de ces autres que nous disons être les mêmes que ceux que nous leur comparons ! Le sentiment du feu, cette chaleur qui nous affecte d'une manière tout autre que l'attouchement, la réception du son et de la lumière, tout cela nous semble mystérieux, et cependant cela est grossier comme un coup de pierre. Il est vrai que la petitesse des esprits qui entrent dans les pores touche d'autres nerfs, mais ce sont toujours des nerfs touchés." (Pensée 580 édition Le Guern, 368 édition Brunschvicg)
Dans une note - qui date aujourd'hui d'à peu près un siècle -, Brunschvicg commente ainsi la pensée :
" La science moderne semble avoir confirmé cette vue cartésienne suivant laquelle les différents sens seraient des modifications et des raffinements du toucher primitif ; en revanche, le passage des conditions physiologiques de la sensation au sentiment que nous en prenons et qui la constitue en tant que fait de conscience, semble être demeurée tout à fait mystérieux malgré l'affirmation de Pascal. Du point de vue scientifique au moins, le progrès aurait consisté à considérer comme une énigme ce que Descartes croyait pouvoir poser comme une solution " ( Pensées et opuscules, p.407-408, Hachette, 1922).
Comme Brunschvicg est perspicace ! En effet, David Chalmers dans L'esprit conscient (1996) voit encore dans ce rapport entre le côté physique du fait et son côté vécu, ressenti, le mystère central de ce qu'on appelle aujourd'hui la philosophie de l'esprit :
" La partie la plus difficile des rapports du corps et de l'esprit consiste en la question suivante : comment un système physique peut-il donner lieu à une expérience consciente ?" (p. 49, Ithaque, 2010)
Certes une lecture rapide de la pensée de Pascal pourrait faire croire que le mystère auquel Chalmers se réfère est précisément celui que mentionne Pascal. Mais il n'en est rien : ce qui étonne l'auteur des Pensées, c'est que toutes les perceptions soient contre toute apparence causées par des contacts.
Commentaires
On m´a dit que oui, mais je ne saurais les reconnaître. La question serait alors différente. Pourquoi ne l´aprrent-on à
l´école ? Pourquoi est-ce qu´on le cache ?
Pour quelle raison veut-on qu´il y ait des gens, comme moi, par exemple , qui ne l´ont pas su, et qui ne l´ont pas cru non plus, qui ont cru à une plaisanterie, quand on leur a dit qu´ils existaient. Pourquoi cacher ce fait ?
À partir de là, on comprend qu' Hollywood n'ait pas représenté les zombis, au sens que j'ai défini. Chalmers expose bien la distinction :
" Ce genre de zombi est tout à fait différent des zombis des films d' Hollywood qui ont tendance à avoir des infirmités fonctionnelles importantes (Chalmers veut dire que leur esprit ne fonctionne pas normalement). Ce dont les zombis hollywoodiens sont le plus manifestement dépourvus, c'est d'une version psychologique de la conscience : en général, ils ont une faible capacité d'introspection et n'ont pas une aptitude raffinée de contrôler leur comportement. Ils peuvent être ou non dépourvus de conscience phénoménale (Chalmers désigne ainsi le ressenti) ; comme Block l'indique, il est raisonnable de supposer que consommer leurs victimes leur fait un certain effet - gustatif. Appelons-les des zombis psychologiques ; je m'intéresse aux zombis phénoménaux, physiquement et fonctionnellement identiques (Chalmers veut dire identiques du point de vue des fonctions de l'esprit), mais dénués d'expérience (l'impopularité des zombis phénoménaux à Hollywood s'explique par les problèmes évidents que pose leur représentation)" (p.146).
1. Nous ne pouvons en aucune façon (et par hypothèse) les distinguer des autres humains. Mais à ce compte, puis-je savoir moi-même si je suis un humain ou un zombie (au sens de Chalmers) ? À vrai dire, je ne vois vraiment pas quelle différence cela ferait si j'étais un zombie.
2. Quoi qu'il en soit, ce concept ne servirait à rien, puisque de toute façon les humains et les zombies sont par hypothèse indiscernables. On ne peut donc même pas "suspecter" quelqu'un d'être un zombie, puisque la définition même du zombie implique l'impossibilité d'un indice ou d'une preuve.
— soit il n'y a vraiment aucun moyen de reconnaître un zombie, et dans ce cas le zombie lui-même ne le saurait pas non plus. (Comment saurais-je si je suis un zombie au sens de Chalmers ?)
— soit il y a une différence, même minime : par exemple, tous les zombies (et seulement eux) seraient capables d'entendre certaines fréquences sonores inaudibles pour les humains. Dans ce cas, il y a bien une différence objective, et on pourra dire que les zombies sont définis par cette capacité unique. Mais ce serait, justement, une différence objective, vérifiable par tous ; et je ne crois pas que ce soit ce que veut dire Chalmers.
Ceci dit, le concept de zombi n'est pas identique au concept d'homme puisque c'est le concept d' un homme doté d'une vie psychologique (vous diriez de lui qu'il réfléchit, juge etc) mais sans vécu correspondant, sans conscience de soi.
Quant au critère permettant de les distinguer, il ne manque pas à Chalmers pour une raison simple, c'est que dès le début il sait que le zombi est le produit d'une abstraction, abstraction cohérente mais abstraction quand même : on abstrait de l'homme réel sa capacité de sentir ce que cela fait de réfléchir, sentir, boire, etc.
Ça va de soi aussi que vous ne pouvez pas identifier le zombi par une propriété physique puisqu'il est par définition postulé comme identique organiquement et psychologiquement à l'homme. Il n'a juste pas de conscience de soi. En termes techniques, il n' pas de qualia.
Et à quoi servirait-il, quelle serait sa fonction, quelle serait la tâche que ceux qui l´ont fabriqué (ou bien est-ce une modification de quelque chose ?) lui ont octroyé ?
S'il ne peut pas (parce que ces mots ne font pas sens à ses yeux), alors nous tenons notre différence :D
Mais s'il peut, comment le peut-il ? Et serait-ce un mensonge ? (c.-à-d. le zombie pourrait-il dire : "j'ai dit cela, mais c'était un mensonge ?")
j’ai l’impression qu’on pourrait donner une autre interprétation du texte de Nietzsche. La pensée animale fonctionne sans conscience de soi. L’animal sent sans en avoir conscience, désire sans en avoir conscience, et agit sans en avoir conscience. La référence à Leibniz pourrait montrer que Nietzsche envisage des phénomènes du type de la perception, ou plus globalement de l’intentionnalité. Le texte de Chalmers, en niant la conscience, paraît nier toute intentionnalité. J’aurais beaucoup de réticence à attribuer une conscience de soi aux chauves-souris, mais il me paraît facile de leur reconnaître la perception et le désir. Aussi me paraît-il possible d’imaginer pour une chauve-souris donnée sa sœur jumelle zombie. La fiction du zombie pourrait alors se retourner aussi bien contre la conscience de soi, que contre toute forme d’intentionnalité.
Bien entendu, soutenir que ma jumelle zombie se débrouillerait aussi bien que moi dans la vie quotidienne revient à supposer que le traitement de l’information rendu possible par la conscience que j’ai de moi-même est absolument inutile, ce qui discutable (voire vexant si ça signifie que je devrais me servir davantage de ma tête).
1) Existe-t-il des états de conscience sans des manifestations physiques, comportementales, appropriées? Il me semble qu'à cette question on peut répondre non, avec assez de certitude.
2) Ces manifestations physiques, comportementales, peuvent-elles se concevoir ou se produire dans leur intégralité sans l'état de conscience correspondant? Croire à la possibilité, théorique (elles peuvent se concevoir) ou naturelle (elles peuvent se produire), du Zombi, suppose qu'on répond oui. Dans les deux cas, c'est admettre qu'un "état de conscience" ne répond pas à une définition physique. C'est du dualisme à la Descartes.
Finalement, les deux Zombis, celui de Chalmers et celui de Nietzsche, me paraissent incohérents. De fait, le comportement quotidien des humains implique qu'il ne croient pas aux Zombis, même s'ils sont capables de s'échauffer l'esprit sur ce mythe.
Je cite votre propre commentaire au texte de François Loth, à l'appui de l'idée que le concept de Zombi est incohérent:
"Concevoir un monde matériellement identique au nôtre, n’est-ce pas y inclure aussi les écrits, et donc parmi les écrits, ceux portant sur l’esprit ? Dans ces conditions, comment ne pas voir de contradiction entre les zombies et leurs livres qui parlent de leur esprit ?"
Question naïve: s'il paraît possible de concevoir deux organismes différents ayant même fonction(nement)—et encore!— est-il possible de concevoir deux organismes parfaitement identiques, mais fonctionnant différemment?
Oui, j'ai posé cette question mais je crois qu'il faudrait distinguer parmi les livres ceux qui parlent de l'esprit entendu en un sens fonctionnel et ceux qui parlent des qualia. Dans les deux cas, est-ce contradictoire de rendre compte de l'écriture de ces deux types de livres sans attribuer aux auteurs une intériorité ? Je crois que non. Un esprit qui ne ressent rien peut produire des textes sur le ressenti. Ça ne paraît pas contradictoire : par exemple, il répète ce qu'il a compris (et on peut rendre compte de comprendre en termes fonctionnalistes). Tout cela écrit avec moult prudence. Interrogez donc les experts en la question.
Il m'a fait penser que s'il n'y a pas de Zombi humain à 100%, en fait nous sommes tous des Zombis partiels, car notre comportement est (le plus) souvent inconscient. Les experts en sont même venus à inventer des expériences (pas seulement de pensée) pour mettre en lumière "les corrélats neuronaux de la conscience", la petite différence neuronale qui distingue le même acte selon qu'il est conscient ou inconscient (il y aurait même, paraît-il, trois niveaux).
Oui, vous avez raison concernant l'inconscience relativement à beaucoup de nos conduites. C'est précisément un point que Leibniz avait clairement souligné. Maintenant concernant l'emploi du concept de zombi partiel, il y a à redire car par définition est zombi un être privé de toute conscience de soi (donc on est dans une logique du tout ou rien, pas de la graduation). Mais c'est un détail, j'en conviens !
Apprendre ou comprendre "en termes fonctionnels" me semblent être apprendre ou comprendre comme apprendrait ou comprendrait ce qu'on appelle une machine intelligente. Mais il me semble que souvent notre comportement échappe à ce que serait une simple "adaptation aux stimulations environnementales". Un zombi pourrait-il être parfois dépressif, parfois suicidaire, parfois exubérant, excessif, parfois être inventif...? Pourrait-il avoir un sale caractère?
Je reviens d'autre part à mon soupçon de dualisme. Vous dites en effet : "un zombi au sens d'être privé de l'effet que cela fait d'avoir un esprit est extérieurement totalement identique à nous".
Si nous pouvons être privé de quelque chose en restant extérieurement totalement identique ce que nous sommes avec ce quelque chose, c'est que ce quelque chose est tout intérieur, est indépendant de l'extérieur. Ce n'est pas seulement la face intérieure d'une chose ayant aussi une face extérieure. C'est autre chose...
Ce quelque chose dont est privé le zombi est en effet tout intérieur ; ce n'est pas en effet seulement la face intérieure d'une chose ayant aussi une face extérieure puisque dans ce dernier cas la face intérieure peut toujours en fait être présentée à ce qui est extérieur à cette chose. C'est autre chose qui peut en effet être compris dans le cadre du dualisme : c'est d'ailleurs la position de Chalmers qui refuse d'identifier la conscience phénoménale à quelque chose de matériel et qui pour cette raison défend une position bel et bien dualiste.
Il me semble justement qu'avoir un sale caractère, c'est avoir souvent une conduite désagréable sans cause observable. Un état de conscience, en corrélation avec une activité neuronale spécifique, n'a pas besoin d'un stimulus extérieur pour apparaître. Inversement, la présence d'un stimulus (un bon repas) ne déclenche pas nécessairement l'état de conscience qui lui habituellement associé (sentiment de plaisir gustatif). On peut en effet penser à autre chose).
Je crois que je distingue ces deux conceptions, mais ce sont pour moi deux façons de concevoir le même événement-objet qu'on appelle esprit. Comme le côté pile et le côté face d'une pièce de monnaie.
Je ne vois pas comment on peut voir correctement l'intérieur d'une chose quand on est à l'extérieur. Même si la chose en question est transparente au regard extérieur, l'angle de vue fausse nécessairement l'observation.
Concernant l'état de conscience, Chalmers défend qu'il dépend de causes neuronales sans être réductible à lui. C'est au niveau de ces causes neuronales qu'on fait référence à une causalité physique (= matérielle). Concernant le bon repas, sauf à penser qu'il est pris par un zombi, il est nécessairement accompagné d'une conscience phénoménale même si en effet l'effet que ça fait peut être celui que ça fait de causer avec un ami, de rêvasser etc.
L'être humain a le sentiment d'être libre. C'est une conscience de liberté, que le Zombi n'a pas, puisque par définition, il n'a pas de conscience du tout.
Avoir une conscience de liberté n'implique pas nécessairement qu'on est objectivement libre. Mais comment pourrait-on être objectivement libre (liberté de choix) sans avoir une conscience de liberté?
Donc le Zombi, n'ayant pas une conscience de liberté, n'est pas non plus objectivement libre (de plus, dans l'enchaînement des causes physiques, il ne peut être cause initiale, il est entièrement conditionné).
Un comportement qui laisse place à la liberté n'est pas identique à un comportement entièrement conditionné.
Si le comportement du Zombi ne peut pas être distingué de celui de l'être humain, ne faut-il pas que l'être humain aussi ne soit pas objectivement libre, en contradiction avec sa conscience de liberté?
N'est-ce pas pas là le fonds de mon débat avec la thèse de Chalmers, dont vous avez bien voulu vous faire le porte-parole?
Mais votre avant-dernière question peut tranquillement recevoir une réponse positive puisque vous accordez plus haut que la conscience du libre-arbitre n'implique pas nécessairement le libre-arbitre.
Donc mon jumeau zombi : pas de conscience phénoménale, pas de libre-arbitre
Moi : une conscience phénoménale, pas de libre-arbitre.
Ce qui ne veut pas dire que je ne sois pas libre en un autre sens (par exemple est libre un agent en mesure de se maîtriser). À ce niveau, on pourrait dire que mon jumeau zombi est libre aussi, sauf que ça ne lui fait aucun effet d'être libre.
Quant à "décadent", je ne crois pas qu'il ait un sens bien déterminé en philosophie. Pour moi, le mot ne veut rien dire, c'est une dépréciation confuse qui suggère l'idée bien douteuse d'un sens de la philosophie.
Quant à vos connaissances sur Plotin, elles sont certes intéressantes mais le système plotinien n'est d'aucun recours en philosophie de l'esprit aujourd'hui.
Quant aux philosophes antiques, je ne les ai jamais pris comme indépassables. Quand je lis Sénèque ou médite sur les cyniques, ce n'est pas pour y trouver des vérités primordiales, mais pour reconstruire minutieusement leur position et ainsi la donner à juger.
En effet, pourriez-vous justement nous éclairer sur la façon dont on conçoit ou créer un "zombi"? y'a t il plusieurs façons ? les pratiques de "sorcellerie" peuvent elle y contribuer ?
Et de quelle manière pouvons nous procéder au processus inverse, c'est-à-dire, donner, redonner, recréer ou ré-activer (si on le lui a enlever, par exemple par annihilation de l'EGO) la "conscience de soi" qui fait défaut au zombi psychologique?
Ensuite :
1) le zombi est un produit de l'esprit : c'est vous sans votre vie intérieure, votre ressenti, vos qualia, comme on dit. On peut dire que le zombi est une abstraction en somme (on abstrait de l'homme réel tout le côté psychologique vécu).
2) il n'est donc pas question de créer des zombis. Avec ou sans sorcellerie.
3) il n'est pas non plus question de dézombifier, si vous me permettez l'expression, le zombi comme on pourrait redonner conscience à un malade en coma végétatif chronique.
Mais votre affirmation, Philalèthe, sans aucune preuve, que les zombies n´existent pas, équivaut à dire, sans aucune preuve non plus, que les zombies existent. Moi je crois que c´est Eluard qui a raison quand il disait qu´il ya d´autres mondes , mais qu´ils sont dans celui-ci.
Le problème alors serait ainsi: ceux qui sont bien informés et savent qu´il ya d´autres mondes (d´autres hommes, entre autres) dans celui ci et la forme qu´ils ont; ont l´ énorme avantage de savoir (mais aussi d´action, si ces autres mondes et/ou hommes ont été creés, dans le but (fort probable) d´agir pour quelque chose, dans un certain but (que je méconnais)) ce que d´autres ne savent pas et de pouvoir d´action (action provoquée par ceux qui les contrôlent).
l´instant dans la guerre kodama Bergès qui me paraît être une guerre d´un tout autre niveau que littéraire, sans en savoir plus ni les avoir rencontré.