" S'il y avait n hommes de talent dans une population de x millions, il y aura vraisemblablement 2 n hommes de talent dans une population de 2 x millions."
À cette affirmation de Huxley, deux morts dialoguant, Montaigne et Socrate, me font penser :
" Montaigne : J'aurois cru que tout étoit en mouvement , que tout changeoit, et que les siècles différents avaient leurs différents caractères, comme les hommes. En effet, ne voit-on pas des siècles savans, et d'autres qui sont ignorans ? N'en voit-on pas de sérieux et de badins, de polis et de grossiers ?
Socrate : Il est vrai.
Montaigne : Et pourquoi donc n'y auroit-il pas des siècles plus vertueux, et d'autres plus méchants ?
Socrate : Ce n'est pas une conséquence. Les habits changent, mais ce n'est pas dire que la figure des corps change aussi. La politesse ou la grossièreté, la science ou l'ignorance, le plus ou le moins d'une certaine naïveté, le genre sérieux ou badin, ce ne sont là que des dehors de l'homme, et tout cela change : mais le coeur ne change point, et tout l'homme est dans le coeur. On est ignorant dans un siècle, mais la mode d'être désintéressé ne viendra point. Sur ce nombre prodigieux d'hommes assez déraisonnables qui naissent en cent ans, la nature en a peut-être deux ou trois douzaines de raisonnables, qu'il faut qu'elle répande par toute la terre ; et vous jugez bien qu'ils ne se trouvent jamais nulle art en assez grande quantité pour y faire mode de vertu et de droiture.
Montaigne : Cette distribution d'hommes raisonnables se fait-elle également ? Il pourroit bien y avoir des siècles mieux partagés les uns que les autres.
Socrate : Tout au plus, il y auroit quelqu'inégalité imperceptible. L'ordre général de la nature a l'air bien constant."
C'est le troisième dialogue des dialogues des morts anciens avec des modernes. Devançant Pascal Engel qui a pris pour modèle de son Épistémologie pour une marquise les Entretiens sur la pluralité des mondes habités de Fontenelle, ce dernier avait déjà dans ses Nouveaux dialogues de morts (1683) imité à sa manière les Dialogues des morts de Lucien.