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mercredi 14 novembre 2007

Sarkozy, l'anti-Périclès !

" Devant le peuple également, Périclès voulait éviter d'être constamment présent et de saturer les gens de sa vue. Il ne se montrait à ses concitoyens que de manière intermittente, pourrait-on dire; il ne s'adressait pas à eux à tout propos et ne se présentait pas sans cesse devant eux (...) Il se réservait pour les grandes occasions. Le reste du temps, il traitait les affaires par l'intermédiaire de ses amis et d'orateurs de son parti." (Vie de Périclès Plutarque Quarto p. 329)
Ou bien:
" Un jour, par exemple, un individu particulièrement vulgaire et grossier l'insulta et l'accabla d'outrages. Périclès le supporta en silence, toute la journée, en pleine agora, en continuant à régler les affaires urgentes. Le soir, il s'en alla tranquillement tandis que l'autre le suivait et lui lançait toutes les injures possibles. Avant d'entrer chez lui, comme il faisait déjà nuit, il ordonna à l'un de ses serviteurs de prendre une lampe pour raccompagner l'homme et le reconduire chez lui." (ibid.)

Commentaires

1. Le dimanche 2 décembre 2007, 20:36 par EPI
...et l'on pourrait proposer à Poutine ou à Chavez l'exemple de Quinctius Cincinnatus !

mardi 27 septembre 2005

Anaxagore et Périclès : le philosophe en lampe sans carburant.

Dans l'Apologie de Socrate, dialogue reconstituant le procès de son maître, Platon présente Mélétos formulant une des deux accusations dont Socrate est la cible:
"Tu ne crois pas du tout aux Dieux !" (26 c)
Socrate alors proteste:
"Qu'est-ce qui te fait dire cela, ô prodigieux Mélètos ? Est-ce donc que je ne crois pas, comme le croit le reste des hommes, que le Soleil est un Dieu et aussi la Lune ?" (26 d)
A cela Mélètos réplique en justifiant son affirmation:
"Par Zeus ! il ne le croit pas, Juges, puisqu'il dit du Soleil que c'est une pierre, de la Lune, que c'est une terre." (ibid.)
Socrate ne peut accepter l'identification erronée:
"C'est Anaxagore, cher Mélètos, que tu te figures accuser ! Et, ce faisant, tu méprises les juges qui nous écoutent, et tu les figures assez inexpérimentés en lecture pour ignorer que les livres d'Anaxagore de Clazomènes regorgent de telles conceptions; et ce serait de moi que la jeunesse les aurait apprises, alors qu'il lui est possible de faire à l'orchestre (partie de l'agora où se tient le marché aux livres, explique J.P. Dumont) acquisition de ces livres, quelquefois pour une drachme quand ils se vendent très cher ! C'est de Socrate qu'elle se gausserait, la jeunesse, s'il feignait que ces conceptions sont de lui, étant donné surtout leur éminente singularité." (ibid.)
La critique adressée à Anaxagore est sévère: sa philosophie est susceptible d'être objet de moqueries, ce qui explique que les livres qui la présentent ne valent pas un sou. Il n'en reste pas moins que c'est seulement du point de vue de Socrate qu'Anaxagore est ainsi évalué. En effet Mélètos juge ses positions dangereuses et dignes d'être combattues. Ce qui était déjà le cas de certains des contemporains d'Anaxagore, d'où le procès pour impiété. Le chef d'accusation principal semble avoir été sa conception du soleil, réduit par lui à une "masse métallique incandescente" comme le rapporte Diogène ou à une "pierre de meule embrasée" selon le témoignage antérieur de l' historien Flavius Josèphe. Peu importent les divergences: Anaxagore refuse la divinisation des corps célestes. Il n'en reste pas moins que, comme plus tard pour Socrate, cette mise en accusation exprime aussi un rapport de forces politique, dans ce cas précis défavorable à Périclès, même si le détail de l'affaire semble encore échapper aux historiens. Quant à l'issue du procès, même en ne s'en tenant qu'à Diogène Laërce, les versions sont nombreuses mais dans toutes Périclès vient à son secours et le fait échapper à la mort . Dans aucune Anaxagore ne fait belle figure, à la différence de Socrate qui, se considérant digne d'être récompensé et non puni, ne donne pas à ses juges d'autre alternative que la condamnation à mort. S'appuyant d'abord sur Sotion, aristotélicien du 3ème siècle av. JC, Diogène fait de Périclès le plaideur capable de transformer la peine de mort en banissement et en amende. Se référant ensuite à Hermippe de Smyrne, source aussi ancienne que la première, Diogène donne à Périclès un rôle moins conventionnel. Alors que son maître attend d'être exécuté, se présentant comme son élève, il le fait relâcher en mettant en relief l'exemplarité de sa vie et le rôle des calomnies. Enfin tirant cette fois son savoir de Hiéronymos de Rhodes, élève d'Aristote, Laërce réduit la fonction de Périclès à bien peu: il se contente de présenter au tribunal son maître "ravagé et affaibli par la maladie", ce qui suffit à éveiller la compassion des juges et à annuler toute peine. Pour rendre justice à Anaxagore, il faut tout de même mentionner l'indifférence pré-stoïcienne avec laquelle selon Satyros, historien grec contemporain de Sotion, il accueille la nouvelle de sa condamnation à mort par les juges:
"Contre eux et contre moi, il y a bien longtemps que la nature a rendu son verdict" (II, 13)
Heureux homme, qui pouvait se consoler avec une simple métaphore...

dimanche 25 septembre 2005

Anaxagore et Périclès : tout n'est pas à interpréter.

Plutarque avait-il lu le Phèdre quand il rapporte dans sa Vie de Périclès l'ascendant positif exercé par Anaxagore sur l'homme politique ? Si c'est le cas, il n'a pas repris la condamnation ironique formulée par Socrate:
"Celui qui fréquenta le plus Périclès, et qui lui donna cette gravité et cette dignité qu'il gardait en tous ses faits et ses dits, plus seigneuriale que ne comporte la condition et l'état de ceux qui ont à haranguer devant un peuple libre, et qui bref lui éleva ses moeurs jusqu'à une certaine majesté qu'il avait en toutes ses façons de faire, fut Anaxagore de Clazomènes." (4, trad. de Amyot-1559-) Ricard dans sa traduction de 1830 met aussi nettement en évidence le décalage entre le régime et la hauteur de Périclès:
" L’ami le plus intime de Périclès, celui qui contribua le plus à lui donner cette élévation, cette fierté de sentiments peu appropriées, il est vrai, à un gouvernement populaire, celui enfin qui lui inspira cette grandeur d’âme qui le distinguait, cette dignité qu’il faisait éclater dans toute sa conduite, ce fut Anaxagore de Clazomènes".
Cicéron dans De l'orateur avait également ouvert à Plutarque la voie de l'éloge en opposant "le fameux Anaxagore, un homme exceptionnel, versé dans la science des choses les plus importantes" à "un quelconque aboyeur à la clepsydre" (III, 138). La référence un peu elliptique à l'aboyeur est éclairée par le texte original: "At hunc non declamator aliqui ad clepsydram latrare docuerat (...) ". Il s'agirait donc d'un déclamateur qui apprendrait non à parler mais à brailler, en minutant soigneusement le temps passé à donner ses fort mauvaises leçons, la clepsydre étant une horloge à eau. Sur la qualité de l'enseignement donné par Anaxagore à Périclès, à part ces généralités un peu contradictoires, on dispose d'un texte lumineux de Plutarque où sur un point précis Anaxagore ouvre magistralement la voie à l'explication scientifique :
"L'on dit que l'on apporta un jour à Périclès de l'une de ses terres la tête d'un bélier (ce n'est pas n'importe quelle bête mais un animal qui a symbolisé autant Hermès qu'Apollon) qui n'avait qu'une seule corne, et que le devin Lampon, ayant considéré cette tête qui n'avait qu'une corne forte et donc au milieu du front, interpréta que cela voulait dire, qu'y ayant deux ligues et deux partis en la ville d'Athènes touchant le gouvernement, celle de Périclès et celle de Thucydide, la puissance des deux serait toute réduite en une, et notamment en celle de celui en la maison duquel ce signe était advenu ( Lampon cherche le sens, la raison et dans le même mouvement conseille et flatte); mais qu'Anaxagore qui se trouvait là présent fit fendre la tête en deux, et montra aux assistants comme le cerveau du bélier n'emplissait pas la capacité de son lieu naturel, mais se resserrait de toutes parts, et allait aboutissant en pointe comme un oeuf, à l'endroit où la corne prenait le commencement de sa racine; si en fut Anaxagore fort estimé sur l'heure par tous les assistants, mais Lampon le fut aussi bientôt après, quand Thucydide fut chassé, et que toutes les affaires de la répùblique tombèrent entre les mains de Périclès." (9, trad. Ricard).
Doit-je voir dans ces lignes une présage (sic) ? Aujourd'hui, même si les Anaxagore s'acharnent à expliquer la nature en évacuant les raisons, donc la supersition, les Lampon prolifèrent et font des affaires. Et je crains que ceux qui donnent du sens à ce qui n'a que des causes n'aient malheureusement encore de beaux jours devant eux...

samedi 24 septembre 2005

Anaxagore vu par Platon (2) : la clé du succès de Périclés.

Dans le Phèdre de Platon, Socrate ne parle plus d'Anaxagore comme l'auteur d'un ouvrage qui ne tient pas ses promesses mais comme le maître de Périclès. Ce dernier est d'après Socrate "parvenu au plus haut degré du talent oratoire" (269 e); cependant, curieusement, il ne le doit pas à une maîtrise incomparable de la rhétorique mais à l'apport d'Anaxagore. Le texte vaut pour son ambiguïté d'être cité in extenso selon la traduction de Jean-Paul Dumont (1988):
" Tous ceux des arts qui ont du prix réclament un complément de subtilité (Robin (1950) avait choisi "complément de bavardage"...) et de rêverie spéculative concernant la nature; car c'est bien de là que s'introduisent en eux la sublimité de pensée (pas de divergence cette fois avec la traduction de Robin) qui les caractérise, et la perfection de la mise en oeuvre. C'est justement de ce complément que Périclès a bénéficié, outre ses qualités naturelles. La raison en est, je crois, que, étant tombé sur quelqu'un comme Anaxagore, il se gorgea de rêveries spéculatives (c'est mot à mot la traduction de Robin) et en vint à considérer la nature à la fois de l'Intellect (qu'on n'oublie pas que l'Intellect ou l'Intelligence, traduction habituelle du nous grec, est le fondement du monde) et de l'absence d'intelligence, choses dont Anaxagore faisait grand cas; d'où il tira, pour l'appliquer à l'art de la parole, ce qui s'y rapportait." (ibid.)
Ni Périclès ni Anaxagore ne sortent grandis de ce passage. Le fameux homme politique tirerait son ascendant d'une connaissance douteuse et le philosophe ne serait au fond qu'un exceptionnel imaginatif (non, pas un délirant tout de même...). "Rêverie spéculative concernant la nature" traduit le grec meteorologia que Bailly dans son dictionnaire rend par "recherche concernant les corps célestes". Mais Robin dans une note justifie sa traduction en associant à ce même mot grec l'"étude des choses qui sont en l'air", d'où une double connotation selon que l'air rapproche du divin ou du vent ! Il semble donc ici que Platon fait le même usage ironique de l'expression qu'Aristophane dans les Nuées quand il place Socrate dans une nacelle au-dessus de la scène pour manifester à quel point les philosophes n'ont pas de contact avec la réalité. Aucun autre passage de Platon ne reprend cette charge contre Anaxagore, mais en revanche dans les Mémorables, Xénophon, disciple aussi de Socrate, attribue à son maître des propos sévères contre Anaxagore:
"En général, Socrate dissuadait (ses disciples) de s'adonner à l'étude de la manière dont Dieu règle les phénomènes célestes (...): "On courait, disait-il, en se consacrant à cette étude, le risque de divaguer rien moins qu'Anaxagore, qui eut l'extrême orgueil d'expliquer les mécanismes divins. Car quand il dit que le Soleil est de feu (on verra plus tard que la thèse a failli pour lui être mortelle), il oublie que les hommes peuvent facilement regarder le feu en face, alors qu'il est impossible de fixer le Soleil et que les rayons du Soleil font un teint bronzé, ce que ne fait pas le feu." (IV, 7, 6, trad. de Dumont)
Le sens de la critique est clair: la physique anaxagoréenne n'est pas à l'échelle de ce qu'elle vise à connaître. Prise au piège d'une métaphore (comme le feu, le soleil brille), elle manque la grandeur des choses célestes. Le regard en l'air, Anaxagore ne voit pourtant pas plus loin que le bout de son nez.