Chamfort a écrit dans ses Maximes et pensées :
" Vivre est une maladie, dont le sommeil nous soulage toutes les seize heures. C'est un palliatif. La mort est le remède."
Ce qui m'a rappelé un dit de Démocrite, rapporté par Stobée (Florilège, III, V, 25)
"Celui qui suffit à ses besoins en nourriture ne trouve jamais la nuit courte" (Les Présocratiques, La Pléiade, p. 897)
Spontanément je ne doute pas du sens de la phrase : le sommeil console de la dureté de la vie, à la différence que Démocrite est moins sombre que Chamfort. Je pense aux dernières lignes de la première Méditation métaphysique de Descartes :
" Et tout de même qu'un esclave qui jouissait dans le sommeil d'une liberté imaginaire, lorsqu'il commence à soupçonner que sa liberté n'est qu'un songe, craint d'être réveillé, et conspire avec ces illusions agréables pour en être plus longuement abusé, ainsi je retombe insensiblement de moi-même dans mes anciennes opinions, de peur que les veilles laborieuses qui succéderaient à la tranquillité de ce repos, au lieu de m'apporter quelque jour et quelque lumière dans la connaissance de la vérité, ne fussent pas suffisantes pour éclaircir les ténèbres des difficultés qui viennent d'être agitées."
Or, la note qui correspond au passage de Démocrite met en évidence que Jean-Paul Dumont ne comprend pas du tout le passage comme je le fais :
" Interprétations possibles : "Le sommeil du prolétaire n'est pas gâté d'insomnies" ; ou " Le sommeil de l'homme à l'abri du besoin n'est pas gâté d'insomnies" ; ou " La nuit n'est jamais trop longue pour le prolétaire" ; ou " La nuit est brève pour le philosophe qui se nourrit lui-même de spéculation."" (ibid.p.1491)
Impossible de mettre la main sur le texte grec. Mais d'abord pourquoi traduire par prolétaire (proletarius en latin = citoyen pauvre) "celui qui suffit à ses besoins en nourriture" ? En effet prolétaire convient plutôt pour désigner celui n'ayant que de quoi satisfaire ses besoins en nourriture.Ensuite pourquoi comprendre "nuit courte" comme "nuit d'insomniaque" et non pas comme "nuit de brève durée ? Ce que fait la quatrième mais au prix de l'intervention très arbitraire du philosophe (celui qui satisfait à ses besoins en nourriture de l'esprit ?). Quant à la 3ème, elle devrait être plutôt rectifiée en "la nuit est toujours assez longue pour le prolétaire" ! Faute de mieux, je choisis la deuxième mais en laissant de côté la référence aux insomnies.
Dans le doute, je fais appel à un démocritéen (ça ne court pas les rues aujourd'hui), à défaut à un spécialiste de Démocrite, ou alors simplement à quiconque capable de me fournir le texte grec de Stobée.
Dans le doute, je fais appel à un démocritéen (ça ne court pas les rues aujourd'hui), à défaut à un spécialiste de Démocrite, ou alors simplement à quiconque capable de me fournir le texte grec de Stobée.