C’est dans la première phrase de la lettre 7 que la foule (turba) fait son entrée dans la correspondance de Sénèque avec Lucilius. Jusqu’alors c’était souvent autrui sous une forme individuelle (certes anonyme) qui était présenté comme obstacle pour celui qui veut s’améliorer : il en va ainsi, dans la première lettre, de celui qui me prend mon temps. L' autre n’est pas nécessairement un danger à éviter mais il doit être maintenu à l’extérieur du cercle du philosophe et de ses proches : c'est le cas, dans la lettre 3, de celui qui ne mérite pas le nom d’ami. Néanmoins dans la même lettre, il prend franchement la figure de l’ennemi (inimicus). Quand Sénèque envisage un groupe de personnes individuées partageant le même trait, il emploie le mot quidam (certains) ou ei que (ceux qui).
Certes dans la lettre 5, Sénèque se réfère déjà à un sujet collectif, le peuple (populus), le vulgus (le commun des hommes) mais l’entité qu’il désigne alors par ces termes n’a pas la franche négativité qu’il attribue dans la lettre 7 à la foule. Le populus incarne l’usage commun que le cynique est porté à transgresser et auquel Sénèque conseille Lucilius de se conformer extérieurement. Vue ce jour, la masse des hommes incarne des normes qu’il faut respecter, les cyniques se trompent alors de cible en montrant par leur manière de vivre qu’ils la condamnent.
Certes dans la lettre 5, Sénèque se réfère déjà à un sujet collectif, le peuple (populus), le vulgus (le commun des hommes) mais l’entité qu’il désigne alors par ces termes n’a pas la franche négativité qu’il attribue dans la lettre 7 à la foule. Le populus incarne l’usage commun que le cynique est porté à transgresser et auquel Sénèque conseille Lucilius de se conformer extérieurement. Vue ce jour, la masse des hommes incarne des normes qu’il faut respecter, les cyniques se trompent alors de cible en montrant par leur manière de vivre qu’ils la condamnent.
Il y a certainement chez Sénèque une tension entre cette représentation de la masse et celle qu’il associe à la foule, car il va de soi que ce sont les mêmes hommes qui peuvent être vus comme le peuple qu’il n’est pas raisonnable de choquer et comme la foule qu’il faut fuir (d’ailleurs, comme on le vérifiera dans le texte qui suit, Sénèque se sert aussi du mot populus pour désigner la masse en tant qu’elle est nocive):
“ Quid tibi vitandum praecipue existimem, quaeris : turbam. Nondum illi tuto committeris. Ego certe confitebor imbecillitatem meam : nunquam mores, quos extuli, refero. Aliquid ex eo, quod composui, turbatur; aliqui ex is, quae fugavit, redit. Quod aegris evenit, quos longa imbecillitas usque eo adfecit, ut nusquam sine offensa proferantur, hoc accidit nobis, quorum animi ex longo morbo reficiuntur. Inimica est multorum conversatio : nemo non aliquod nobis vitium aut commendat aut inprimit ou nescientibus adlinit. Utique quo major est populus, cui miscemur, hoc periculi plus est. » ( = Tu me demandes ce qu’à mon avis tu dois éviter avant tout : la foule. Tu ne te commettrais pas avec elle sans danger. Moi en tout cas je t’avouerai ma faiblesse : jamais je ne reviens avec le caractère avec lequel je suis sorti. Quelque chose dans ce que j’ai arrangé est bouleversé ; quelque chose de ce que j’ai fui revient. Ce qui arrive aux malades qu’une longue faiblesse a affecté au point qu’ils ne sont amenés nulle part sans malaise, cela nous arrive à nous dont les esprits se remettent d’une longue maladie. La fréquentation de la multitude est nuisible: il y a toujours quelqu’un ou pour faire valoir quelque vice ou pour l’imprimer en nous ou pour nous en imprégner à notre insu. En tout cas plus grand est le peuple auquel nous sommes mêlés, plus il y a de danger.)
La foule, c’est la masse des hommes non plus vue de l’extérieur mais vue de l’intérieur, ce qui donne une masse de vices. Or, autant il faut extérieurement imiter ce qu’elle montre à l’extérieur, autant il est fatal pour le philosophe d’intérieurement imiter ce qu’elle est à l’intérieur. A dire vrai, dans ce passage, la foule n’a pas une identité collective psychologique ; sa dangerosité vient seulement de ce qu’elle est composée d’une multitude d’individus dont chacun est dangereux. Il ne me semble pas que Sénèque se réfère ici à quelque chose comme le poids de la société sur l’individu ; s’il rend le danger proportionnel au nombre, ça me paraît être parce que croît avec la quantité de gens le nombre d’homme vicieux.
Pour rendre compte de l’effet de la foule sur celui qui veut se réformer, il faut se référer au mimétisme : même avancé dans la réforme de soi, le sujet reste fragile du fait d’un mimétisme qui échappe à la volonté. Sénèque est toujours très attentif à mettre le doigt sur sa propre vulnérabilité, ce qui le rend proche du lecteur moderne, très conscient du fait que la barre stoïcienne est placée vraiment très haut. On peut même se demander si l’idéal, loin d’être héroïque, n’est pas tout simplement imaginaire. En effet, dans ce passage, Sénèque identifie la dimension relationnelle de l’être humain (pour dire vite, je ne suis pas dans une foule comme je suis chez moi ou avec un ami) à une pathologie dont il faudrait guérir. C’est clair que si on conçoit la perfection de soi comme une composition de soi sous le contrôle constant d’une volonté efficace, on perçoit toutes les relations avec des autres qui ne sont pas les doubles de soi comme des risques de décomposition.
Pour rendre compte de l’effet de la foule sur celui qui veut se réformer, il faut se référer au mimétisme : même avancé dans la réforme de soi, le sujet reste fragile du fait d’un mimétisme qui échappe à la volonté. Sénèque est toujours très attentif à mettre le doigt sur sa propre vulnérabilité, ce qui le rend proche du lecteur moderne, très conscient du fait que la barre stoïcienne est placée vraiment très haut. On peut même se demander si l’idéal, loin d’être héroïque, n’est pas tout simplement imaginaire. En effet, dans ce passage, Sénèque identifie la dimension relationnelle de l’être humain (pour dire vite, je ne suis pas dans une foule comme je suis chez moi ou avec un ami) à une pathologie dont il faudrait guérir. C’est clair que si on conçoit la perfection de soi comme une composition de soi sous le contrôle constant d’une volonté efficace, on perçoit toutes les relations avec des autres qui ne sont pas les doubles de soi comme des risques de décomposition.
Ce passage traduit le rêve d’une identité fixée une fois pour toutes et inaltérable, quelles que soient les circonstances. Dans ces conditions sortir dans le monde extérieur tient de l’engagement militaire risqué (commitere est d’ailleurs un mot du vocabulaire militaire) : tant que la victoire n’est pas possible (on appellera victoire ici l’invulnérabilité mentale), il faut se retirer au plus tôt de façon à ne pas augmenter la gravité des pertes.
Commentaires
dira-t-on, que peut la philosophie ? Ses pouvoirs sont limités, mais ils
sont réels. Ce que la philosophie sait faire, c'est dénouer des difficultés
purement intellectuelles, des manières de noeuds qui se sont formés dans
l'esprit des gens, à la suite d'interférences entre les diverses et
multiples "lignes" conceptuelles que chacun doit tirer et tisser dans son
esprit afin de comprendre où il en est et ce qu'il fait." (op. cit. p. 432)
2) moi non plus je ne trouve aucune profondeur à la formule en question mais cela ne fait précisément qu'illustrer l'idée qu'une formule creuse pour l'un est une pensée profonde pour l'autre. Maintenant à quelles conditions cette formule peut-elle être une pensée profonde ? Par exemple si elle sert vraiment à apaiser: si je suis inquiété par le souci de définir en vérité ce qui est bon, la phrase me détourne de la recherche de généralisations dont j'ai douloureusement constaté l'insuffisance; la fin de ce souci me donne alors une attention à ce qui se présente, plus complète. Bien sûr on peut imaginer quelqu'un qui s'appuie sur la phrase par incapacité à différer ses désirs, dans une sorte d'indifférence aux conséquences. Mais alors ce n'est pas une pensée profonde au sens où j'ai cherché dans le billet à le définir car la phrase n'est pas un élément motivant dans une délibération, c'est juste la rationalisation de quelque chose comme une compulsion.
Je ne suis donc pas tout à fait d'accord avec votre première critique, car, vue sous le jour que je viens de présenter, la phrase guide dans une certaine mesure l'action: je ne multiplie pas les actions à la recherche d'une action qui me donnerait accès à ce qui est Bon.
Quant à la deuxième critique, elle suppose que la phrase est prise comme une vérité alors que je comprends plutôt ces "pensées profondes" comme des outils qui font varier la perspective, l'angle de vue. Je zoome sur quelque chose ou choisis le grand angle pas dans le but de décrire ce qui est le cas mais dans celui de modifier la réalité en fonction de mes voeux. La question que je posais dans le billet était: à quelles conditions une phrase creuse fait effectivement varier la vue ? Qu'est-ce qui fait qu'avec des phrases le fer cesse d'être froid et puisse être forgé ?
Je suis certain qu'il n'y a pas que Hegel qui puisse soutenir que deux pensées peuvent toutes les deux êtres vraies tout en se contredisant, et qu'on peut le penser sans le penser au sens où Hegel l'a pensé. Ici aussi je pense à la pensée de Platon.
Vous dites que l'on peut avoir une "connaissance théorique de la philosophie morale" sans être pour autant en mesure de connaître la réponse à la question "que penser du plaisir ?". C'est vrai, mais pas au sens où Platon entendait la théorie, le savoir, et le savoir du Bien. En ce sens là, et il se pourrait bien que ce soit le sens véritable, ou du moins un sens plus véritable (et plus profond si j'ose le clin d'oeil) que le sens dans lequel nous les entendons d'une oreille moderne, ce n'est plus vrai, c'est faux.
Mais même si vous n'acceptiez pas de renverser la relation et la question, je crois que ça rejoint ce que vous écrivez lorsque vous parlez de "maîtrise" : en effet, de toute manière, là aussi, la question est bien de savoir ce que l'on maîtrise (ou ce que l'on s'efforce de maîtriser) lorsque ce que l'on pratique est la philosophie. Même si c'est contre toute apparence, il n'est pas exclu que ce soit "se rendre meilleur".
Ce n'était pas une condition suffisante mais une condition sine qua non, qui est déjà suffisamment difficile et exigeante à satisfaire - notamment parce qu'elle est si facile à esquiver, comme vous le dites avec humour.
une attention plus complète à ce qui se présente et une rationalisation d'une impulsion, donc de deux choses l'une :
1. je dirais que la profondeur est dans l'usage et j'ai essayé de caractériser les critères d'un usage profond d'une phrase.
2. certes hors contexte c'est une affirmation qui implique sa vérité mais on peut dire la phrase pour se transformer; c'est à cet usage que je pensais. Ceci dit, est-ce une vérité contradictoire ? Quand je dis "ceci est bon, pour moi, maintenant", l'identité du "ceci" doit être précisée par le contexte (si c'est un livre ou une promenade, ce n'est pas contradictoire). Si je dis "cette phrase est bonne, pour moi, maintenant", ce n'est pas contradictoire non plus. Ça exclut juste qu'elle soit absolument bonne. Mais une telle exclusion n'est pas incompatible logiquement avec le fait qu'à une autre occasion je la répète.
3. Cette dernière remarque me laisse donc penser que vous donnez à la phrase creuse le caractère d'être essentiellement creuse. Moi, je cherchais à comprendre comment une phrase creuse peut être une pensée profonde vraiment (je veux dire du point de vue de quelqu'un qui n'est pas lui aussi creux !).
J'aurais tendance à suivre la même logique que pour la liaison entre la puissance de la philosophie et le Bien (d'ailleurs cela me fait songer que dans notre manière de poser la question de leur liaison nous avons surtout envisager, ou plutôt dénié, une puissance à la philosophie, sans même nous poser la puissance du Bien lui-même, qui est pourtant tout aussi importante sinon plus), c'est de deux choses l'une : soit la relation de soi à soi en est une, auquel cas c'est vraiment avec moi-même que je suis en relation et c'est une véritable relation, soit ce n'est pas vraiment avec moi-même mais alors il n'y a tout simplement pas, à parler vrai, de relation "de soi à soi", mais une "relation de soi à un autre".
Vous semblez envisager deux solutions elles-mêmes contradictoires pour justifier l’idée que les philosophies sont toutes vraies : soit on respecte tous les plans – c’est « le point de vue » de Dieu, non ? - soit on est sur un autre plan – mais alors on n’accède pas à la pensée de la philosophie comme totalité sans contradiction. Il faudrait mettre ce que vous dites à l’épreuve par exemple d’une contradiction incontestable : par exemple le dualisme corps-esprit cartésien / le matérialisme. Ou bien l’opposition kantisme / utilitarisme etc.
Quant à la différence entre savoir ce qu’est l’excellence et agir excellemment, vous avez raison de pointer qu’elle n’est pas platonicienne. Mais Platon a-t-il raison ? L’acrasie n’est-elle pas justement de ne pas agir excellemment malgré la connaissance des raisons d’agir excellemment ? Vous me répondrez peut-être que la connaissance est alors insuffisante.
Vous êtes étonné que je ne reprenne pas certains mots d’ordre antiques (vivre conformément à la vérité etc). C’est que je ne prône pas dans mon blog un retour aux Anciens. Je ne lis pas non plus leurs textes comme des documents historiques. Quelquefois je pense que ce sont des philosophies de rêve – avec l’ambiguïté du dernier terme…-
Vous invoquez ensuite la Philosophie (certes vous ne mettez pas de majuscule). Là j’ai dû mal à vous suivre ; ce n’est pas que je refuse les essences (il y a une essence du carré par exemple), mais philosophie comme art, comme religion, sont des notions qui regroupent des pratiques qui ont entre elles un air de famille et on échouerait bien à vouloir trouver un point commun substantiel à toutes ces pratiques (même pas l’amour de la vérité…).
Tout à fait d'accord, on est maintenant sur la même longueur d'onde. J'ai essayé en effet de clarifier la réponse à la dernière question que vous posez.
Ou, comme le dit Ricoeur, que l'on se considère soi-même _comme_ un autre ?
Dans mon esprit, on ne peut pas pour autant tirer de ces distinction ou de ces différences la conclusion qu'il n'y aurait pas "la philosophie" mais "des philosophies". Cela signifie par contre que c'est une question (qui ne cesse de reposer à toute pensée et qu'elle ne cesse de reposer) de savoir quel est le sens de la philosophie - au double sens du terme "sens" : signification et direction, les deux sens étant liés en ce que penser la signification de la philosophie c'est, toujours, repenser sa direction, c'est-à-dire la nature et le sens de sa provenance et ceux de sa destination ou de sa destinée. Raison pour laquelle la philosophie est quelque chose d'essentiellement historial.
Toute réponse n'est de toute manière jamais quelque chose que l'on "a", vis-à-vis de quoi la relation serait aussi extérieure ou extrinsèque que l'est la relation de possession.
Kant dit vrai lorsqu'il dit que l'espace est l'une des deux conditions de possibilités transcendantales. Cela n'empêche pas tel ou tel autre penseur de dire que l'espace est, aussi, par ailleurs, autre chose et même tout autre chose, et de dire vrai. C'est seulement la confusion des plans, seulement pour l'aplatissement ou pour une lecture superficielle de l'histoire de la philosophie qu'elle se réduit à être une longue somme de contradictions et d'avis irréconciliables.
C'est du reste un paradoxe (une contradiction ?) de cette position qui consisterait à s'en tenir aux contradictions, donc à l'idée qu'elles ne peuvent pas se rejoindre et se penser et se TENIR ensembles, puisque dire cela c'est bien une certaine manière de tenir ensemble les pensées, fût-ce de manière contradictoire.
Les deux phénomènes sont aussi véritable l'un que l'autre. Les deux pensées aussi vraies l'une que l'autre.
Or il se trouve que le "soi", et en l'occurrence la pensée, n'est pas une chose comme une autre. Ce n'est pas une chose mais un mouvement, une liaison qui est une certaine puissance. Elle n'A pas une relation avec elle-même, elle EST cette relation elle-même - ce qui la distingue absolument -, et c'est cette relation, et les manières dont elle se noue, qui lui donnent ses visages et font d'elle ce qu'elle est : un soi-même, ou pour dire les choses dans les termes de la pensée, ce qui est à elle-même sa propre question.
L’opposition Husserl /Galilée n’est pas une opposition entre deux croyances philosophiques sur un objet philosophique mais entre une croyance commune et une croyance scientifique concernant un objet physique. Certes on est en mesure d’expliquer la cause de la croyance commune par les connaissances scientifiques. Mais la fonction de rendre intelligible les contradictions est accomplie par la science, pas par la philosophie. Ce qui fait précisément défaut en philosophie, c’est une connaissance philosophique qui rende compte de toutes les contradictions intra-philosophiques.
Merci à vous d’avoir participé à la discussion.
Concernant Wittgenstein, je crois aussi que dans le sens que vous indiquez, on pourrait aussi se rapporter entre autres aux Remarques mêlées 1947, par exemple p. 132:
Je vous remercie en tout cas de votre patience dans la défense de votre argumentation.
Pour tenter une réponse à votre question sur la différence entre les Evangiles et Tolstoï, je pense qu'il préférait les façons de montrer plutôt que de dire fréquemment utilisées par Jésus ; cf à ce sujet le récit du bon Samaritain en Luc 10, 29-37 qui détourne la question "Qui est mon prochain ?" en figurant le prochain, en lui donnant un visage, en montrant comment le Samaritain s'approche de quelqu'un que plusieurs bien-pensants laissent à son sort.
Et cela vient au fond, en toute logique, d'un présupposé sur l'être : celui selon lequel il serait impossible que l'homme soit (et soit pensable en vérité en tant que) ceci, et en un autre sens, en tant que cela, et soit en un autre sens encore telle autre chose, etc. Or l'être se dit bel et bien en plusieurs sens.
Concernant Tolstoï, ma question était la suivante: pourquoi ne pas accorder aux oeuvres d’art et précisément aux récits romanesques le même type de fonction que celle accordée aux textes religieux quand on cesse de les voir comme décrivant ce qui est ?
L’être peut certes se dire de multiples manières mais en restant dans le cadre de la non-contradiction; de même une action peut être décrite de plusieurs manières correctes et distinctes mais si deux descriptions se contredisent, l’une au moins est nécessairement fausse.
Certes, si on prive certaines philosophies de leur dimension dogmatique, il est plus facile de les conserver toutes, mais est-ce justifié par les textes ?
J'ai du mal à imaginer sérieusement un esprit de la profondeur de celui de Descartes se dire ou venir nous dire, sans rire, que sa vérité nous permet d'être quitte de toutes les autres vérités les plus essentielles et que ceux qui l'ont précédé et ceux qui le suivront se sont, pour l'essentiel, mis le doigt dans l'oeil :)
C'est quelque chose dont on fait soi-même l'expérience lorsque l'on pense - et qui doit donc être encore encore plus prononcé chez des penseurs de la taille d'un Épicure ou d'un Descartes - que, par principe, on ne peut jamais s'imaginer être parvenu à découvrir "LA" vérité mais seulement, aussi essentielles et profondes soient-elles, DES vérités et qu'il faut toujours continuer à penser, que la pensée c'est justement cet appel là qui ne cesse pas, à moins de s'arrêter de penser - ce qui n'est pas votre cas bien sûr, mais il est si fréquent de rencontrer quelqu'un qui pense qu'on peut être "cartésien" ou "épicurien" ou "spinoziste" ou "nietzschéen" et qu'il a trouvé, lui à la différence d'un autre, le fin mot de la philosophie ou de la vérité...
Si la lecture des auteurs m'a appris une chose, c'est bien qu'il soit nécessaire de faire preuve du principe selon lequel les auteurs et les textes sont, sans exception, infiniment moins grossiers que les lectures que nous en faisons. Et que l'on n'en a jamais fini d'apprendre à lire, à mieux lire.
Il faut distinguer:
"ce que je connais de la réalité ne me permet pas de la connaître dans son integralite clairement et distinctement"
de
" ce que je connais de la réalité est une philosophie sujette à révision "
Le fait que Descartes soutient que ce qui est contradictoire pour la raison humaine ne l'est pas pour Dieu ne veut pas dire que les thèses contradictoires aux siennes sont possiblement vraies. Les theses cartesiennes sont absolument vraies même si Dieu aurait pu créer d'autres vérités éternelles.
C'est incontestablement une vraie question, mais elle présuppose ce qui est en question, à savoir qu'il y a, dans tel ou tel cas précis, contradiction, ou pas. C'est certainement à vos yeux une évidence ou un fait bien établi, mais pas aux miens. Souffrez ma faible vue et la lenteur de mon pas cher Philalethe, afin que je parvienne à la conclusion dont vous partez, comme le dirait ironiquement le vieux Socrate :)