mercredi 31 mai 2023
Ça commence mal (11)
mercredi 23 mars 2022
Spinoza et le solipsisme méthodologique de Descartes.
On sait que Spinoza n'a pas fondé sa philosophie, à la différence de Descartes, sur le cogito. Dans l'Éthique, le Je pense du sujet cartésien se métamorphose en un axiome, le premier de la deuxième partie : " L'homme pense ". Vu que Spinoza n'accorde pas de réalité à l'Humanité et donc non plus à l' Homme, l'homme de l'axiome n'est pas Spinoza mais n'importe quel individu singulier, faisant ce que peut faire n'importe quel autre, comme lui, désigné par la notion universelle d' Homme (cf II, p. 40, sc.).
Or, l'homme du cogito est aussi un individu singulier mais dans l'oeuvre de Descartes, il ne peut être que René Descartes. Bien sûr chacun de nous peut refaire le raisonnement cartésien, mais s'il est fidèle à Descartes, il ne peut même pas en conclure qu'il reproduit la pensée cartésienne, comme n'importe qui d'autre pourrait le faire, vu que cette pensée naît d'un doute qui met en question la réalité de tout, donc des autres, ceux-ci étant toujours seulement des corps dont j'ai des représentations (visuelles, auditives, etc.).
On est donc surpris de ce qu'écrit Spinoza dans le livre où il présente pour son élève Casearius la philosophie de Descartes :
" Après un examen très attentif, il reconnut qu'aucune des raisons précitées ne pouvait ici justifier le doute : qu'il pense en rêve ou éveillé, encore est-il vrai qu'il pense et qu'il est ; d'autres ou lui-même ; d'autres ou lui-même pouvaient se tromper sur d'autres points, ils n'en existaient pas moins puisqu'ils se trompaient." (La Pléiade, p. 156)
Bien sûr Descartes n'a jamais tenu pour vraie l'hypothèse solipsiste précédant la sortie définitive du doute. Mais elle est, dans sa logique, méthodologiquement exigée. Spinoza en revanche l'a si peu prise au sérieux, a si peu mis en doute la réalité de la réalité, si on peut dire, qu'il la passe sous silence au moment même où il a pour souci de reconstituer la démarche de Descartes. Or, une telle erreur spinoziste devrait rendre incompréhensible la suite du raisonnement cartésien, car, si les autres existent et pensent (et en existent d'autant plus), point n'est besoin de la garantie divine pour justifier le bien-fondé de la perception.
mercredi 11 novembre 2020
Le doute cartésien comme métaphore d'un bombardement, certes libérateur.
Dans De la littérature considérée comme une tauromachie, préface que Michel Leiris en 1946 écrit pour une réédition de L'âge d'homme, on trouve une référence inattendue au doute cartésien dans le cadre d'une description du Havre détruit par les bombardements de 1944 :
" Le Havre est actuellement en grande partie détruit et j'aperçois cela de mon balcon, qui domine le port d'assez loin et d'assez haut pour qu'on puisse estimer à sa juste valeur l'effarante table rase que les bombes ont faite du centre de la ville comme s'il s'était agit de renouveler, dans le monde le plus réel, sur un terrain peuplé d'êtres vivants, la fameuse opération cartésienne." (Gallimard, 1946, p. 11)
Leiris aurait-il risqué la comparaison si les bombardements, au lieu d'être alliés, avaient été allemands ? En tout cas, la comparaison incline à remettre en mémoire ce que, selon le même Descartes, peut gagner une ville à être, on ne dira pas reconstruite, mais du moins construite selon les plans d'un seul architecte :
" Ainsi ces anciennes cités, qui, n'ayant été au commencement que des bourgades, sont devenues, par succession de temps, de grandes villes, sont ordinairement si mal compassées, au prix de ces places régulières qu'un ingénieur trace à sa fantaisie dans une plaine, qu'encore que, considérant leurs édifices chacun à part, on y trouve souvent autant ou plus d'art qu'en ceux des autres ; toutefois, à voir comme ils sont arrangés, ici un grand, là un petit, et comme ils rendent les rues courbées et inégales, on dirait que c'est plutôt la fortune, que la volonté de quelques hommes usant de raison, qui les a ainsi disposés." (Discours de la méthode, deuxième partie).
Certes c'est Descartes qui lui-même a choisi de comparer ses opinions à une maison qu'il faut détruire pour la rebâtir à neuf sur des fondations inébranlables. Mais ce n'est pas la destruction d'une ville entière : en effet douter de ses opinions est une entreprise individuelle sans retentissement sur le collectif et sans même d'impact sur les actions de celui qui doute. D'où le malaise face à cette métaphore qui a sa part de justesse certes mais est aussi en partie inconvenante, ce qui en fait, il est vrai, le sel. L'autre limite de la métaphore est qu'elle évoque une destruction quasi instantanée. Or, on le sait, le doute cartésien ne foudroie en rien les opinions établies dans l'esprit : il est un lent travail de sape, difficile pour le sapeur et progressif dans ses effets : rien ne s'effondre d'un coup. Enfin on dira qu'un bombardement peut tout liquider, alors que le doute cartésien, loin de pouvoir tout raser, fait apparaître l'éternel indestructible, la pensée du cogito.
samedi 15 décembre 2018
Pour se consoler du déclin possible de l'école, écoutons Eudoxe, avatar approximatif de Descartes.
dimanche 21 octobre 2018
Du risque de trop admirer et faire admirer.
Mais, encore fort aristotélicien sur ce point, Descartes souligne que l'excès d'admiration est aussi bien défavorable au développement de la connaissance. Si l'aptitude à la surprise n'est pas mise au service de la connaissance des phénomènes normaux, le risque est que l'esprit cherche sans fin et comme une fin en soi la répétition de la surprise :
Mais nous-mêmes, leurs professeurs, comme nous devons nous méfier de toutes les entreprises visant à nous surprendre... La passion de l'admiration est devenu un fonds de commerce.
Et quel blog ne se nourrit pas d'elle ?
Commentaires
- 1. Le dimanche 28 octobre 2018, 15:28 par gerardgrig
- C' est le philonéisme qui fait que l'on admire toujours trop. Mais comment ne pas admirer aujourd'hui les undergrounds littéraires, qui continuent de produire, alors qu' en principe le XXème siècle avait tout enterré ? On peut encore être acharniste (sic), pré-apocalyptique, post-industriel, collapsnik, ou performeur mainstreaming.
C'est vrai aussi pour la peinture ou la philosophie. Avec les paradoxes, il y aurait à faire une philosophie de l'effondrement, qui provoquerait l'admiration. - 2. Le mercredi 31 octobre 2018, 18:53 par Philalethe
- Le philonéisme est à défendre si le néo qu'on aime est vraiment nouveau. Mais les traditions et les généalogies étant mal connues, ce qui est aimé est souvent ce qui est pris pour du nouveau... Comme l'a bien vu Nietzsche dans les Considérations inactuelles, une des fonctions de l'histoire est de démystifier en faisant disparaître les bonnes impressions, ici celle de nouveauté, par la connaissance vraie des genèses.
J'imagine que la philosophie de l'effondrement à laquelle vous pensez est paradoxalement vitale du fait d'annoncer sa mort prochaine. Il lasse celui qui crie au loup pour rien, mais il peut tout de même un jour être mangé. Je vois moins une fin par manque de matière que par la destruction ou du moins la dégradation des conditions institutionnelles qui rendent l'activité philosophique rémunérée possible. Petitement mais sûrement la fin de la classe de philosophie ne va pas arranger les choses...
samedi 4 juillet 2015
Descartes et Musil : comment sortir du doute ?
Je dirai donc : notre réalité n'est en grande partie, pour autant qu'elle dépend de nous, que l'expression d'une opinion, bien que nous lui imaginions Dieu sait quelle importance. Nous avons beau donner une certaine expression à notre vie dans la pierre des maisons, c'est toujours pour l'amour d'une opinion. Nous pouvons tuer ou nous sacrifier, nous n'agissons que sur la foi d'une conjecture. Je dirais presque que toutes nos passions ne sont que conjectures ; très souvent nous faisons erreur sur leur compte ; il nous arrive d'y céder par simple nostalgie d'une résolution ! Faire quelque chose de sa libre volonté suppose, au fond, que cela n'est possible qu'à l'occasion d'une opinion. Depuis quelque temps, Agathe et moi sommes sensibles à une sorte de mouvement d'esprits au sein du réel. Le moindre détail dans l'expression de ce qui nous entoure nous parle, veut dire quelque chose, proclame qu'il est issu d'une intention tout autre que passagère. Il n'est sans doute qu'une opinion, mais il se présente comme une conviction. Les temps et les siècles se tiennent là debout sur leurs jambes bien plantées, mais une voix derrière eux chuchote : absurdité ! Jamais encore l'heure n'a sonné, le temps n'est venu.
Je paraîtrai peut-être obstiné, mais seule cette remarque me permet de comprendre ce que je vois : cette opposition entre la ferveur pour soi-même qui permet à nos oeuvres, imbues de leur magnificence, de bomber le torse, et cette nuance cachée d'abandon, de délaissement qui apparaît à la première minute, cette opposition s'accorde parfaitement avec l'idée que tout n'est qu'opinion. De là que nous nous découvrons dans une situation singulière. Toute opinion, en effet, présente un double caractère : tant qu'elle est nouvelle, elle rend intolérant à l'égard de toutes les opinions qui la contredisent (quand les ombrelles rouges sont à la mode, les bleues sont impossibles, et c'est un peu la même chose pour nos convictions) ; la seconde caractéristique de l'opinion est d'être abandonnée non moins automatiquement avec le temps, dès qu'elle cesse d'être nouvelle. J'ai dit un jour que la réalité s'abolissait elle-même. On pourrait exprimer la même idée encore autrement : quand l'homme ne manifeste essentiellement que des opinions, il ne se manifeste jamais tout entier ni durablement ; mais, quand il ne peut jamais s'exprimer tout entier, il essaie de toutes les manières possibles, et c'est ainsi qu'il peut avoir une histoire. Il n'en a donc, apparemment, qu'à la suite d'une faiblesse : bien que les historiens, assez naturellement, tiennent le pouvoir de faire l'histoire pour une qualité particulière !"
Notre sentiment cherche dans ce qu'il forme sa consistance, et la trouve toujours pour un temps. Mais Agathe et moi sentons dans ce qui nous entoure l'étrangeté peu rassurante, le rêve d'éclatement des éléments associés, la révocation au sein de l'évocation, le déplacement des murs prétendus solides : nous voyons et nous entendons cela tout d'un coup. Etre situés dans une époque nous semble une aventure, comme si nous étions tombés dans une assemblée douteuse. Nous nous trouvons dans la forêt magique. Et bien que nous n'ayons pas encore fait le tour de notre sentiment, de ce sentiment d'une autre espèce, que nous le connaissions à peine, nous sommes inquiets pour lui et nous aimerions le retenir. Mais comment retient-on un sentiment ? Comment pourrait-on s'attarder au plus haut degré de la béatitude, supposé qu'on puisse y atteindre ? Au fond, c'est la seule question qui nous préoccupe. Nous devinons un sentiment qui échappe à la caducité des autres.Il est devant nous comme une merveilleuse ombre immobile dans le mouvant. Mais pour pouvoir durer, ne devrait-il pas arrêter dans sa route ? J'en arrive à la conclusion que ce ne peut pas être un sentiment dans le même sens que les autres."
La note s'arrêtait là." (ibidem p. 562-566)
vendredi 12 septembre 2014
L'oeuvre philosophique doit ressembler non à un gratte-ciel mais au Parthénon.
Instead of the tottering tower, I suggest that our model be the Parthenon. First we emplace our separate philosophical insights, column by column ; afterwards, we unite and unify them under an overarching roof of general principles or themes. When the philosophical structure crumbles somewhat, as we should expect on inductive grounds, something of interest and beauty remains standing. Still preserved are some insights, the separate columns, some balanced relations, and the wistful look of a grander unity eroded by misfortunes or natural processes. We need go so far as to hope that the philosophical ruin, like some other, will be even more beautiful than the original. Yet, unlike the philosophical tower, this structure will remain as more than a heap of stones." (Philosophical explanations, Belknap Harvard, 1981, p.3)
En tout cas, les lignes du philosophe américain mettent en relief que, si la comparaison avec l'architecte est un lieu commun de la philosophie fondationnaliste (1), on peut néanmoins continuer de prendre l'architecte comme modèle du philosophe tout en cessant d'exiger de ce dernier qu'il "pose la première pierre".
Commentaires
- 1. Le dimanche 14 septembre 2014, 18:43 par nage le scalp
- et pourquoi pas une oeuvre qui ressemblerait à cela :
- 2. Le dimanche 14 septembre 2014, 20:06 par Philalèthe
- Ah oui, ça m'est familier...Oui, bien sûr ! Sectarisme religieux, capitalisme agressif et audace architecturale font bon ménage... Dit autrement, fondationalisme et fondamentalisme ne s'excluent pas du tout (ils se confondent même dans l'esprit de certains élèves).Mais face à la photo de l'article que vous m'envoyez, ne faut-il pas se rappeler ces lignes ?"Je peux aussi, dans le plus pur style Rousseau, récriminer contre la vanité des Grands qui font servir la sueur du peuple à des choses si superflues (...) mais là n'est pas le problème"
" Rather than begin with (...) first principles, I prefer to let linkages emerge. Philosophers often seek to deduce their total view from a few basic principles, showing how all follows from their intuitively based axioms. The rest of the philosophy then strikes readers as depending upon these principles. One brick is piled upon another to produce a tall philosophical tower, one brick wide. When the bottom brick crumbles or is removed, all topples, burying even those insights that were independent of the starting point. Instead of the tottering tower, I suggest that our model be the Parthenon. First we emplace our separate philosophical insights, column by column ; afterwards, we unite and unify them under an overarching roof of general principles or themes. When the philosophical structure crumbles somewhat, as we should expect on inductive grounds, something of interest and beauty remains standing. Still preserved are some insights, the separate columns, some balanced relations, and the wistful look of a grander unity eroded by misfortunes or natural processes. We need go so far as to hope that the philosophical ruin, like some other, will be even more beautiful than the original. Yet, unlike the philosophical tower, this structure will remain as more than a heap of stones." (Philosophical explanations, Belknap Harvard, 1981, p.3) Dans ce cadre, le travail philosophique aurait entre autres la fonction de préserver, ou restaurer ou réparer les choses "of interest and beauty" qui auront résisté à un temps ruinant toutes les constructions philosophiques. Nozick ne paraît pas appeler en tout cas à la reconstitution, mêlée de nostalgie et de mélancolie, d'une philosophie, aussi impressionnante qu'elle ait pu être de son temps ( encore qu'il mentionne "the wistful look of a grander unity"... ). Reste que dans une telle perspective, les philosophes les plus novateurs pourraient construire leur Parthénon en mêlant aux copies des restes précieux des autres monuments leurs propres productions (certes la métaphore de la construction ne doit pas égarer au point de faire oublier que les philosophes ont généralement en vue la connaissance de la réalité et non l'élaboration d'une fiction ou d'un artefact). En tout cas, les lignes du philosophe américain mettent en relief que, si la comparaison avec l'architecte est un lieu commun de la philosophie fondationnaliste (1), on peut néanmoins continuer de prendre l'architecte comme modèle du philosophe tout en cessant d'exiger de ce dernier qu'il "pose la première pierre". (1) Descartes écrivait dans les Réponses aux septièmes objections : " J’ai déclaré, en plusieurs de mes écrits, que je tâchais partout d’imiter les architectes, qui, pour élever de grands édifices aux lieux où le roc, l’argile et la terre ferme est couverte de sable et de gravier, creusent premièrement de profondes fosses, et rejettent de là non seulement le gravier, mais tout ce qui se trouve appuyé sur lui, ou qui est mêlé et confondu ensemble, afin de poser par après leurs fondements sur le roc et la terre ferme ” Commentaires 1. Le dimanche 14 septembre 2014, 18:43 par nage le scalp et pourquoi pas une oeuvre qui ressemblerait à cela : http://www.nytimes.com/2014/09/08/w... 2. Le dimanche 14 septembre 2014, 20:06 par Philalèthe Ah oui, ça m'est familier... Oui, bien sûr ! Sectarisme religieux, capitalisme agressif et audace architecturale font bon ménage... Dit autrement, fondationalisme et fondamentalisme ne s'excluent pas du tout (ils se confondent même dans l'esprit de certains élèves). Mais face à la photo de l'article que vous m'envoyez, ne faut-il pas se rappeler ces lignes ? "Je peux aussi, dans le plus pur style Rousseau, récriminer contre la vanité des Grands qui font servir la sueur du peuple à des choses si superflues (...) mais là n'est pas le problème"
Instead of the tottering tower, I suggest that our model be the Parthenon. First we emplace our separate philosophical insights, column by column ; afterwards, we unite and unify them under an overarching roof of general principles or themes. When the philosophical structure crumbles somewhat, as we should expect on inductive grounds, something of interest and beauty remains standing. Still preserved are some insights, the separate columns, some balanced relations, and the wistful look of a grander unity eroded by misfortunes or natural processes. We need go so far as to hope that the philosophical ruin, like some other, will be even more beautiful than the original. Yet, unlike the philosophical tower, this structure will remain as more than a heap of stones." (Philosophical explanations, Belknap Harvard, 1981, p.3)
En tout cas, les lignes du philosophe américain mettent en relief que, si la comparaison avec l'architecte est un lieu commun de la philosophie fondationnaliste (1), on peut néanmoins continuer de prendre l'architecte comme modèle du philosophe tout en cessant d'exiger de ce dernier qu'il "pose la première pierre".
Commentaires
- 1. Le dimanche 14 septembre 2014, 18:43 par nage le scalp
- et pourquoi pas une oeuvre qui ressemblerait à cela :
- 2. Le dimanche 14 septembre 2014, 20:06 par Philalèthe
- Ah oui, ça m'est familier...Oui, bien sûr ! Sectarisme religieux, capitalisme agressif et audace architecturale font bon ménage... Dit autrement, fondationalisme et fondamentalisme ne s'excluent pas du tout (ils se confondent même dans l'esprit de certains élèves).Mais face à la photo de l'article que vous m'envoyez, ne faut-il pas se rappeler ces lignes ?"Je peux aussi, dans le plus pur style Rousseau, récriminer contre la vanité des Grands qui font servir la sueur du peuple à des choses si superflues (...) mais là n'est pas le problème"
lundi 10 février 2014
Ortega y Gasset : le fou comme zombie.
Cependant gardons à l'esprit que " grand philosophe qui a dit quelques bêtises " n'est pas un oxymore.
Sans oublier qu'un grand pays philosophique commencera quelques années après cette conférence à priver les fous de la vie, au sens non philosophique du terme, bien sûr.
Commentaires
- 1. Le mardi 11 février 2014, 21:10 par Please Glance
- Mais ce que di Ortega ne me semble pas idiot . Reproduit il le soi-disant geste cartésien dont Foucault soutient ( à tort, voir l'article de JM Beyssade sur la querelle Foucault-Derrida autour de ce passage ) qu'il "exclut" le fou?
Non. Il dit simplement qu' 'il manque au fou la conscience de lui-même, et donc la vie - non pas biologique, mais mentale. Il n'exclut pas le fou, mais dit qu'il lui manque la conscience de soi. C'est contestable , mais il y a un sens dans lequel ce n'est pas absurde de dire cela. Après tout, la folie est une pathologie réelle, et non pas comme le soutenait Foucault, une sorte d'invention. - 2. Le mardi 11 février 2014, 21:29 par Philalethe
- Je vous accorde que la folie est une pathologie réelle et non une construction sociale mais allez-vous dire que c'est une pathologie qui prive de la conscience de soi et que le fou n'a pas de vie mentale ? Ça ne suffirait pas de dire que la conscience du fou n'a pas la part de vérité qu'elle pourrait avoir, que sa conscience de soi n'est pas une connaissance de soi ? Et encore il faudrait voir de quels "fous" on parle. Mais de là à supprimer la vie mentale et à réduire le fou à son masque, ça me semble un peu fort de café, non ? Et si dire que le fou n'est qu'un masque alors que les hommes sains d'esprit ont eux une intériorité, ce n'est pas l'exclure de l'humanité, alors que faut-il faire de plus pour le séparer radicalement des hommes normaux ?
Il me semble qu'on peut être choqué par la présentation que fait Ortega du fou sans pour autant tomber dans une révision à la hausse délirante (sic) de la maladie mentale. - 3. Le mercredi 12 février 2014, 18:40 par Please Glance
- Allons donc ! Il dit que le fou est aliéné, étranger à soi. C'est bien vague , j'en conviens, mais cela ne lui interdit pas d'avoir la vie ou la vie mentale au sens des fonctions de la vie. Mais au sens où la vie mentale signifie la pleine responsabilité de ses actions, le fou ne l'a pas. Ortega ne dit pas plus, mais c'est vrai qu'il n dit pas moins
- 4. Le mercredi 12 février 2014, 18:59 par Philalèthe
- Jarnicoton ! Vous avez quelquefois la dent si dure et ici vous faites une lecture tellement généreuse de Don Ortega ! Il dit textuellement qu'il n'y a pas de vie de l'esprit chez le fou ! En plus, dans la suite de sa conférence, je crains qu'il ne se contredise car il ne définit plus la vie de l'esprit par la connaissance du vrai mais plutôt parce qu'on appellerait l'intentionnalité , ce qui reviendrait à dire que le fou est strictement vide, d'où mon allusion au zombie...Merci quand même et ne croyez pas une seconde que mon insistance sur ce paragraphe ( qui prête donc à polémique ) traduise mon manque de respect pour l'auteur, qui, je pense, a infiniment à m'apprendre. Simplement le paragraphe me reste à travers de la gorge ; visiblement vous le digérez bien, mais bon vous enlevez les arêtes...Si par hasard un lecteur systématique d'Ortega se perdait sur cette page, il pourrait nous éclairer sur tout ce que Don José a écrit sur les malades mentaux ! Et on aurait un arrière-plan ! Mais qui sait ? j'ai peut-être bien tort de supposer que vous n'êtes pas ce lecteur-là...
dimanche 9 février 2014
Aristote, fidèle à l'extériorité et Descartes, infidèle mais libéré ! Du réalisme à l'idéalisme via une comparaison souriante...
En tout cas, cette femme infidèle représente plus profondément, plus historiquement René Descartes et quand elle était absorbée par son premier amour, c'étaient tous les philosophes antiques, et éminemment Aristote, dont elle était la plaisante image. Mais quand on élabore le sens historico-philosophique de cette comparaison, elle perd en réalité de son exactitude car Ortega fait du christianisme comme du scepticisme ancien les deux médiations qui ont rendu possible le passage de l'extérieur à l'intérieur ( plus précisément le scepticisme détache du monde en faisant douter de la possibilité de sa connaissance et le christianisme, à travers Saint- Augustin attache à l'intériorité, seul interlocutrice possible face à un Dieu nouveau car totalement extra-mondain ).
Bien sûr, que se passera-t-il si la femme n'est pas dotée de cette espèce d'appeau qu'est ici la beauté ?
jeudi 6 février 2014
Le cogito aristotélicien ou la conscience de soi, moins le doute hyperbolique, donc avec plaisir de vivre et reconnaissance d'autrui !
Et le sentiment qu'on vit pour sa part fait partie des choses agréables par soi, puisque la vie est par nature un bien et que le sentiment d'avoir ce bien en soi-même est agréable." (Éthique à Nicomaque, 1170a 30)
mardi 11 juin 2013
Dieu et la liberté humaine, de Descartes à Peter van Inwagen : révision à la hausse de l'homme, révision à la baisse de Dieu ?
(...) notre pensée est finie, et (...) la toute-puissance de Dieu, par laquelle il a non seulement connu de toute éternité ce qui est ou qui peut être, mais il l'a aussi voulu, est infinie. Ce qui fait que nous avons bien assez d'intelligence pour connaître clairement et distinctement que cette puissance est en Dieu ; mais que nous n'en avons pas assez pour comprendre tellement son étendue que nous puissions savoir comment elle laisse les actions des hommes entièrement libres et indéterminées ; et que d'autre côté nous sommes aussi tellement assurés de la liberté et de l'indifférence qui est en nous, qu'il n'y a rien que nous connaissions plus clairement ; de façon que la toute-puissance de Dieu ne nous doit point empêcher de la croire. Car nous aurions tort de douter de ce que nous apercevons intérieurement et que nous savons par expérience être en nous, parce que nous ne comprenons pas une autre chose que nous savons être incompréhensible de sa nature."
dimanche 5 mai 2013
Fondations sans palais et palais sans fondations.
Les mathématiciens, eux, ont des connaissances basiques vraies mais elles ne servent qu'aux applications pratiques. Certes Descartes ne s'est pas proposé de tirer une éthique des mathématiques mais, en donnant aux maths la fonction d'un savoir que doit prendre comme modèle la connaissance des objets autres que mathématiques, comme Dieu par exemple, il établit d'une certaine façon une relation entre les mathématiques et les vertus.
vendredi 3 mai 2013
Les professeurs de philosophie : mieux que rien.
À mes yeux, le jugement reste vrai : il faut sans doute faire le deuil en philosophie de la détention de la vérité, tout en se donnant comme règle absolue de la rechercher : la philosophie est définitivement un champ de bataille et c'est seulement à l'intérieur d'un camp, à l'étroit, qu'on peut croire réel l'accord des esprits sur les problèmes philosophiques.
La question naît alors de savoir si les fonctionnaires de l'État sont justifiés à enseigner les opinions philosophiques, l'art de les confronter et de s'en forger une.
Descartes dans la deuxième des Règles pour la direction de l'esprit apporte une justification possible, qui peut garder sa valeur, même si la sortie en dehors du vraisemblable, qu'il a imaginée, n'a pas réussi à émanciper la philosophie du douteux. Le philosophe vient de disqualifier les "opinions probables" :
On notera pour finir que ces lignes de Descartes jettent la méfiance sur ce qu'on pourrait appeler un "spontanéisme rationaliste", que d'aucuns pourraient tirer d'une lecture rapide et héroïsante du philosophe.
jeudi 2 mai 2013
Philosophie et fausse-monnaie : vrai et faux philosophe ou n'est pas nouveau philosophe qui veut !
Cet homme s'appelle Monsieur de Chandoux. Précisons : je ne prétends pas me rapprocher de l'homme réel qu'il fut, juste extraire de la Vie de Descartes(1691), dont il est un des personnages mineurs, une figure qu'il me plaît d'opposer à la figure cynique. Lisons ce qu'en écrit Baillet :
Selon Dioclès, c'est parce que son père qui tenait la banque publique avait falsifié la monnaie que Diogène s'exila. Mais Eubulide , dans son ouvrage Sur Diogène, dit que c'est Diogène lui-même qui commit le méfait et qu'il erra en exil en compagnie de son père." (Vies et doctrines des philosophes illustres, VI, 20)
Commentaires
Si Descartes a appris de ses précepteurs les vertus du doute et par suite l'exigence de certitude, c'est sans doute bien malgré eux !
C'est comme remercier ses maîtres d'avoir été à ce point médiocres qu'on s'est trouvé contraint de se mettre résolument soi-même à l'étude...
En Hollande, il y eut néanmoins des universitaires de talent, comme les expatriés français Scaliger et Saumaise. Il faudrait également citer le cartésien flamand Arnold Geulincx.
Dans l'Université française déclinante et sclérosée, il y avait tout de même un personnage sympathique. C'était Armand-Jean de Mauvillain, l'ami de Molière, qui venait jouer les Diafoirus dans ses Dîners de cons. Molière disait au Roi qu'il demandait des remèdes à Mauvillain, pour savoir ce qu'il ne devait surtout pas prendre, s'il voulait guérir !
Je doute qu'en cartésien, on puisse s'écrier "mon corps, c'est moi !". Cette pensée même apprend à un cartésien qu'elle est fausse (auto-réfutante). Mais "mon esprit, ce n'est pas plus moi !" Pour vous donner raison, "moi, c'est mon âme et mon corps unis !". Mais c'est une union où l'un des deux paye toujours les frais de l'action de l'autre... Certes je peux aller de l'avant mais généralement alors le corps est dans un tel cas le patient...