Lettre ouverte aux conseillers en communication de Nicolas Sarkozy :-)
Depuis longtemps je pense que vous auriez gagné à lire Blaise Pascal. Il a en effet mis nettement en relief qu'un homme politique n'est respecté que si ceux qui le perçoivent ont l' imagination intelligemment trompée et donc efficacement trompeuse. Un des textes que je vous conseille sur ce sujet est celui-ci :
" Si les magistrats avaient la véritable justice et si les médecins avaient le vrai art de guérir, ils n'auraient que faire de bonnets carrés : la majesté de ces sciences serait assez vénérable d'elle-même. Mais n'ayant que des sciences imaginaires, il faut qu'ils prennent ces vains instruments qui frappent l'imagination à laquelle ils ont affaire ; et par là, en effet, ils attirent le respect. Les seuls gens de guerre ne se sont pas déguisés de la sorte, parce qu'en effet leur part est plus essentielle, ils s'établissent par la force, les autres par grimace.
C'est ainsi que nos rois n'ont pas recherché ces déguisements. Ils ne se sont pas masqués d' habits extraordinaires pour paraître tels ; mais ils se sont accompagnés de gardes, de hallebardes. Ces trognes armées qui n'ont de mains et de forces que pour eux, les trompettes et les tambours qui marchent au-devant, et ces légions qui les environnent, font trembler les plus fermes. Ils n'ont pas l'habit seulement, ils ont la force. Il faudrait avoir une raison bien épurée pour regarder comme un autre homme le Grand Seigneur environné, dans son superbe sérail, de quarante mille janissaires "
C'est ainsi que nos rois n'ont pas recherché ces déguisements. Ils ne se sont pas masqués d' habits extraordinaires pour paraître tels ; mais ils se sont accompagnés de gardes, de hallebardes. Ces trognes armées qui n'ont de mains et de forces que pour eux, les trompettes et les tambours qui marchent au-devant, et ces légions qui les environnent, font trembler les plus fermes. Ils n'ont pas l'habit seulement, ils ont la force. Il faudrait avoir une raison bien épurée pour regarder comme un autre homme le Grand Seigneur environné, dans son superbe sérail, de quarante mille janissaires "
Ces lignes méditées, auriez-vous jugé bon d'encourager la diffusion des images d'un homme en sueur ou d'un homme amoureux ?
Certes c'est un problème délicat de trouver l'image juste ("une image juste, pas juste une image"). Deux excès : la proximité familière et l' éloignement hautain.
Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot l'ont bien compris, eux, dans leur excellent ouvrage, Le président des riches, enquête sur l'oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy (Zones, 2010) ; malheureusement pour vous, ils n'ont pas mis leurs talents au service de la communication du Président !
Certes c'est un problème délicat de trouver l'image juste ("une image juste, pas juste une image"). Deux excès : la proximité familière et l' éloignement hautain.
Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot l'ont bien compris, eux, dans leur excellent ouvrage, Le président des riches, enquête sur l'oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy (Zones, 2010) ; malheureusement pour vous, ils n'ont pas mis leurs talents au service de la communication du Président !
" Le fait de mêler la vie familiale à ses responsabilités a littéralement cassé la fonction de l'homme d' État. "Le roi est mort, vive le roi !" : cette formule traditionnelle, analysée par l'historien Kantorowicz, veut signifier que la fonction est au-delà du corps. Hautement symbolique, elle a une dimension immortelle dans un corps mortel qui doit se faire oublier pour ne pas affaiblir sa fonction. Or, sous couvert de rupture, Nicolas Sarkozy n'a cessé de mettre en scène son corps, y compris transpirant après le traditionnel jogging médiatique, et de placer femmes et enfants sous l'oeil des caméras." (p.113)
Bien sûr vous auriez pu vous servir de l'image de la sueur pour construire une aura au Président, mais il fallait pour cela être à la hauteur de Mankiewicz dans son Jules César, tel que l'analyse, en le démasquant certes, Roland Barthes dans une de ses Mythologies :
" Tous les visages suent sans discontinuer : hommes du peuple, soldats, conspirateurs, tous baignent leurs traits austères et crispés dans un suintement abondant ( de vaseline ). Et les gros plans sont si fréquents, que de toute évidence, la sueur est ici un attribut intentionnel. Comme la frange romaine ou la natte nocturne, la sueur est, elle aussi, un signe. De quoi ? de la moralité. Tout le monde sue parce que tout le monde débat quelque chose en lui-même ; nous sommes censés être ici dans le lieu même de la tragédie, et c'est la sueur qui a charge d'en rendre compte (...) Suer, c'est penser." ( p.579)
Je sais que ces vieux trucs ne feraient plus recette ; cependant ne devriez-vous pas avoir l'art d' en inventer de nouveaux, imperceptibles mais aux effets réels . N'avez-vous plus assez d' imagination pour tromper la nôtre ?
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