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jeudi 28 janvier 2016

La croyance dans l'inconscient freudien, un possible handicap cognitif.

Il m'est arrivé que certains de mes élèves soient transformés par un cours sur la psychanalyse.
Tant qu'ils ne disposaient pas des opinions freudiennes sur l'inconscient, leurs argumentations ayant comme objet l'esprit étaient peut-être laborieuses mais restaient prudentes, appuyées tantôt sur la psychologie commune un peu systématisée, tantôt sur l'introspection un peu rigoureuse.
Mais, après avoir découvert l'existence possible de l'inconscient, là où ils cogitaient humblement, les voilà qui, face à toute énigme relative à l'esprit, triomphants, s'écrient " Bon Dieu ! mais c'est l'inconscient, bien sûr ! "
Finie la recherche personnelle, commence la religion de l'inconscient.
Aussi ai-je lu avec plaisir ces lignes d'´Élie Rabier dans la partie de sa Psychologie où en 1884, donc bien avant le freudisme, il argumente contre l'idée que les phénomènes psychologiques conscients peuvent être aussi inconscients, toutes choses égales par ailleurs :
" L'inconscient n'est qu'un Deus ex machina qu'il est commode de faire intervenir chaque fois qu'on trouve des phénomènes un peu difficiles à expliquer. La philosophie de l'inconscient est en somme une philosophe paresseuse qui coupe court à la recherche de ce que Newton appelle les verae causae, c'est-à-dire des causes dont on peut constater l'existence et déterminer la nature. Autrefois on se dispensait de chercher les causes réelles en rapportant tout à Dieu. La philosophie de l'inconscient suit au fond la même méthode, ce qui lui est d'autant plus facile, que l'inconscient, étant de sa nature indéterminable, ne répugne à rien, se prête à tout et qu'on peut l'invoquer indifféremment à tout propos. Tant vaudrait dire avec les Gnostiques que la raison suprême de tout, c'est l'Abîme et le Silence." (Leçons de philosophie, p.67)
Je n'irai pas jusqu'à soutenir que la philosophie de l'inconscient est paresseuse, mais pour sûr, elle favorise quelquefois la paresse de l'esprit chez qui en prend connaissance.

Commentaires

1. Le mercredi 3 février 2016, 09:00 par Arnaud
1°)L'inconscient, un Deus ex machina qu'on invoque lorsqu'on est confronté à des phénomènes difficiles à expliquer ? Pourquoi pas, mais on pourrait dire aussi bien qu'on y fait appel à propos de phénomènes d'observation courante auxquels on tient à donner une profondeur qu'ils n'ont pas au regard de la psychologie ordinaire : tous ceux qui relèvent de la "psychopathologie de la vie quotidienne". Il est vrai que la "fausse reconnaissance" est un phénomène qui paraît plus complexe qu'un simple lapsus...
2°) Les élèves ne sont-ils pas refroidis très vite dans leur enthousiasme lorsqu'on étudie avec eux des critiques de la pensée freudienne solidement argumentées ?
2. Le mercredi 3 février 2016, 18:41 par Philalethe
1) La question est de savoir si la profondeur est requise pour expliquer les phénomènes en question. La découvre-t-on ou l'invente-t-on ? Cela dit, cette profondeur dote à tort ou à raison l'intériorité d'une richesse et d'une complexité qui peuvent être sources de plaisir narcissique. Chacun se sent important d'abriter un combat de géants. Wittgenstein a aperçu cela.
2) Sans doute mais je suis surpris de voir que, critiquée ou pas, la psychanalyse fait recette auprès de la plupart des lycéens. Ils y trouvent, comme je viens de l'écrire, un bénéfice et, comparée à elle, la sociologie est une sacrée douche froide. L'exposé de la psychanalyse est favorable aussi aux complicités libidinales alors que la référence aux champs, aux habitus etc n'est vraiment pas sexy.
3. Le mercredi 3 février 2016, 21:06 par Elias
Concernant le danger que la profondeur dont les explications freudiennes dote notre intériorité soit une illusion, le parallèle qu'établit Freud entre sa démarche et les interprétations superstitieuses devrait mettre la puce à l'oreille :
"je crois au hasard extérieur (réel), mais je ne crois pas au hasard intérieur (psychique). C’est le contraire du superstitieux : il ne sait rien de la motivation de ses actes accidentels et actes manqués, il croit par conséquent au hasard psychique ; en revanche, il est porté à attribuer au hasard extérieur une importance qui se manifestera dans la réalité à venir, et à voir dans le hasard un moyen par lequel s’expriment certaines choses extérieures qui lui sont cachées. Il y a donc deux différences entre l’homme superstitieux et moi : en premier lieu, il projette à l’extérieur une motivation que je cherche à l’intérieur ; en deuxième lieu, il interprète par un événement le hasard que je ramène à une idée. Ce qu’il considère comme caché correspond chez moi à ce qui est inconscient, et nous avons en commun la tendance à ne pas laisser subsister le hasard comme tel, mais à l’interpréter."
Psychopathologie de la vie quotidienne
L'inconscient freudien ou la théorie du complot intérieur ...
4. Le jeudi 4 février 2016, 11:06 par Philalethe
La théorie du complot unifie trop pour bien correspondre à l'esprit selon Freud.
C'est plutôt l' État engagé et dans une guerre civile et dans une guerre internationale (la Syrie par exemple serait alors une bonne métaphore de l'esprit)
5. Le samedi 6 février 2016, 20:16 par clodoweg
Si j'ai bien compris le texte cité, l'inconscient est un handicap cognitif par rapport à la croyance en Dieu qui constitue le handicap cognitif de référence.
Mais, justement, les voies de l'inconscient ne sont pas impénétrables et le fait de l'invoquer ne dispense pas de faire le travail d'interprétation qui constitue la raison d'être de la Psychanalyse.
6. Le dimanche 14 février 2016, 21:29 par Philalethe
Bien sûr, je parlais seulement d'un usage scolaire dont j'ai eu l'expérience.

mercredi 27 janvier 2016

Élie Rabier sur ce qui s'appellera le comportementaliste.

En 1884, dans sa PsychologieRabier, le futur directeur de l'enseignement secondaire, relève lucidement la limite logique de toute psychologie identifiant une réalité mentale à une conduite, Watson n'a pas encore théorisé le behaviorisme mais le protestant de Bergerac lance un avertissement prophétique :
L'observation externe présuppose l'observation interne. Mais quelle que soit l'importance de l'observation extérieure, n'allons pas jusqu'à dire que seule elle est utile et féconde. Ce serait un paralogisme car l'observation extérieure ne nous dirait rien sans les révélations préalables de la conscience. Si je ne savais d'abord par la conscience ce que c'est que pensée, sentiment, volonté, votre parole, vos actions ne m'offriraient aucun sens ; ce ne serait pour moi qu'un vain bruit ou des mouvements de machine : je serais un aveugle à qui vous parleriez des couleurs. L'histoire resterait pareillement pour moi lettre morte. Les animaux m'apparaîtraient comme de purs automates. Par l'observation extérieure, nous n'atteignons que les manifestations de l'intérieur et non pas l'intérieur lui-même. L'observation extérieure ne nous montre finalement que des phénomènes physiques qu'il faut traduire en langue psychologique ; comment le pourrait-on si on n'avait appris d'ailleurs cette langue ? Donc, ôtez la conscience, tout perd sa signification ; et loin que la science des faits spirituels puisse être faite, on ignorera l'existence même de ces faits dans l'univers. L'observation interne et l'observation externe inséparablement unies, tel est le double fondement d'une psychologie vraiment scientifique." (Leçons de philosophie, p.42)

samedi 23 janvier 2016

Philosopher sous l'Occupation (4) : il faut lire Élie Rabier !

Élie Rabier, mort en 1932, n'a pas philosophé sous l'Occupation mais sans le vouloir il a fait philosopher les candidats nancéiens au bac 1943 à travers son mot. Ce mot a été tiré du Discours prononcé le 2 août 1886 à l'occasion de la distribution des prix du Concours Général.
Mais qui était donc Élie Rabier, bien oublié aujourd'hui ? Un article très précis de Yves Verneuil dans la revue Histoire de l'éducation me renseigne bien utilement.
Julien Benda a beau l'avoir durement classé dans La jeunesse d'un clerc (1936) parmi les « beaux parleurs dont (il) sentai(t) durement le néant », il semble plus intéressant que ce jugement sévère ne le laisse penser.
Élie Rabier a un parcours exemplaire : ancien élève de l' ENS, agrégé, il est reconnu par tous comme un professeur de lycée exceptionnel : à 43 ans, il est nommé directeur de l'enseignement secondaire, poste qu'il occupera jusqu'en 1907. Ce haut fonctionnaire, animé de convictions spiritualistes, a écrit dans l'Encyclopédie des sciences religieuses deux articles, l'un hostile au matérialisme et un autre, consacré au positivisme, en faveur des miracles.
Mais son opus magnum, ce sont les Leçons de philosophie, publiées en 1884 alors qu'il était professeur au lycée Charlemagne à Paris et rééditées jusqu'en 1912.
L'argumentation de Rabier frappe immédiatement par sa clarté, sa précision, sa rigueur : aussi y abondent des textes bien meilleurs que celui choisi pour le bac 43. Mieux, certains passages restent utiles et éclairants pour les bacheliers d'aujourd'hui, par exemple ces lignes nettes sur les différences entres les états cérébraux et les états mentaux :
Distinction des faits physiologiques et des faits psychologiques : On l'a quelquefois contestée. Plus d'un savant a prétendu absorber la psychologie dans la physiologie. En effet, la physiologie est l'étude des fonctions des organes : de la circulation, fonction du coeur et des autres vaisseaux sanguins ; de la respiration, fonction des poumons ; de la digestion, fonction de l'estomac, etc. Mais que sont la pensée, le sentiment, la volonté sinon des fonctions du cerveau ? La psychologie, ou étude des fonctions du cerveau, n'est donc qu'un chapitre de la physiologie ou étude des fonctions en général.
Cette assimilation entre les faits spirituels ou fonctions de la vie mora!e, et !es faits organiques ou fonctions de la vie physique est inexacte. Car entre ces deux ordres de fonctions ou de faits il existe à plusieurs égards une opposition radicale.
Opposition de nature : les uns sont, et les autres ne sont pas des mouvements des organes. Ces fonctions diffèrent d'abord par leur nature même, Les fonctions organiques sont purement et simplement des mouvements de l'organe et d'une matière sur laquelle il agit. La digestion, la circulation, sont complètement connues et définies, dès qu'on connaît !es mouvements de l'estomac et de la matière digérée, les mouvements des vaisseaux sanguins et du sang. En dehors de ces mouvements, il ne reste plus rien à connaître (sinon d'autres mouvements des organes voisins, comme les nerfs, etc.), pour avoir la science complète de ces fonctions. Considérons maintenant la pensée ou le sentiment. Sans doute la pensée a dans le cerveau quelques-unes de ses conditions. Nous dirons, si l'on y tient, toutes ses conditions, sauf à retirer plus tard, s'il y a lieu, cette concession. Toujours est-il que la pensée n'est pas une fonction du cerveau, au même sens que ce mot fonction avait tout à l'heure. Tout à l'heure fonction signifiait mouvement : la pensée est-elle un mouvement ? Un matérialiste peut bien dire, avec quelque apparence de raison, que la pensée est un effet, une résultante des mouvements cérébraux. Mais il ne peut dire sans absurdité manifeste que la pensée est un mouvement du cerveau. Soit en effet, un mouvement quel qu'il soit, rectiligne, curviligne, en spirale dextre ou senestre: qu'est-ce que l'analyse la plus minutieuse peut saisir de commun entre ce mouvement et une pensée si humble, si pauvre qu'elle soit, fût-ce une simple sensation, comme la sensation d'amertume, ou la sensation du bleu ? Un mouvement n'est jamais, en somme, que le transport d'un morceau de matière d'un lieu dans un autre : quel rapport de ressemblance y a-t-il entre ce fait et la conscience du bleu? Loin d'être identiques, ces deux faits sont aussi distincts que deux faits peuvent l'être; et, comme dit M. Taine, " l'analyse, au lieu de combler l'intervalle qui les sépare, semble l'élargir à l'infini."
Les uns sont, les autres ne sont pas inhérents aux organes. Mais si la pensée n'est pas un mouvement, il n'est donc pas vrai qu'elle soit inhérente à l'organe cérébral, qu'elle soit cet organe même dans un certain état. Il n'est pas vrai non plus, par conséquent, qu'une connaissance complète du cerveau en mouvement nous donnerait une connaissance complète de cette prétendue fonction. Loin de là, on peut supposer tous les mouvements du cerveau connus et définis aussi bien que ceux des planètes ou ceux d'une machine peuvent l'être, on n'aura pas encore l'idée, même la plus vague, de la prétendue fonction du cerveau, la pensée. La science absolue de ces mouvements, telle que Dieu lui-même peut la posséder, ne nous ferait pas même soupçonner, si nous ne savions pas d'ailleurs, par la conscience,le simple fait de l'existence de la pensée. C'est ainsi que, si l'animal éprouve certaines sensations d'une autre espèce que les nôtres, la science la plus parfaite de ce qui se passe dans son cerveau ne nous fera jamais connaître la nature de ces sensations. C'est ainsi encore que la science la plus parfaite des fonctions de l'appareil de l'ouïe, ou de l'appareil de la vue ne saurait donner au sourd, l'idée du son, à l'aveugle l'idée de la couleur.
Par conséquent, que l'on dise que les mouvements du cerveau, phénomènes antécédents ou concomitants de la pensée, sont une fonction du cerveau, au même titre et dans le même sens que la digestion est une fonction de l'estomac, rien de plus juste. Mais prétendre que la pensée elle-même, qui est radicalement distincte de tous ces mouvements, n'est, comme ces mouvements eux-mêmes qu'une fonction du cerveau, au même titre et dans le même sens que la digestion est une fonction de l'estomac, c'est désigner par un même mot deux rapports absolument différents.
Par suite, les uns peuvent se localiser et non pas les autres. Cette opposition absolue de nature entraîne deux autres différences entre les faits ou fonctions organiques et les faits ou fonctions psychologiques. Les faits organiques étant des mouvements de certaines masses matérielles, occupent dans le corps certaines places que l'on peut assigner. On peut donc les localiser : on localise la circulation du sang, la sécrétion de la bile, etc. Au contraire, les faits psychologiques, n'étant pas inhérents à la matière même, n'ont aucune étendue, par suite ils ne sauraient occuper aucune portion de l'espace : ils ne sont, à parler rigoureusement, nulle part. On parle, il est vrai, de la localisation dans l'encéphale de diverses fonctions psychologiques. Ainsi Broca a localisé la fonction du langage dans la troisième circonvolution frontale de l'hémisphère gauche du cerveau. Mais dans quel sens faut-il l'entendre? Ce qu'on a localisé, ou qui peut l'être, ce sont les actions physiologiques qui sont la condition des fonctions spirituelles, mais non ces fonctions spirituelles elles-mêmes. On peut scruter tant qu'on voudra les circonvolutions, on n'y rencontrera jamais la pensée d'un mot. Admettons qu'on y découvre quelque jour les mots imprimés comme ils peuvent l'être sur de la cire : qu'a de commun cette représentation matérielle du mot avec la conscience psychologique du mot ? Le cerveau, d'après quelques savants, serait comme une sorte de magasin de clichés photographiques. Soit : mais, entre ces clichés et la pensée, la différence est tout aussi grande qu'entre les objets extérieurs eux-mêmes et la pensée. Il ne suffit pas que des phénomènes matériels aient lieu sous la boîte crânienne pour devenir pensée. Donc tout ce qui est condition physique de la pensée et de la conscience peut se localiser ; la pensée et la conscience ne se localiseront jamais.
Par suite encore les uns peuvent se mesurer et non pas les autres. En outre, les faits physiologiques étant des mouvements de la matière étendue, sont, par suite, en eux-mêmes et directement, mesurables, puisque l'étendue est chose qui se mesure. Ils commencent en un point, ils finissent en un autre point dont la distance au premier peut être assignée. On peut mesurer les mouvements des bras qui gesticulent et des jambes qui marchent ; on peut mesurer de même, avec plus ou moins de difficulté, les mouvements de la langue, du cœur, de l'estomac. On conçoit aussi qu'un être qui aurait des organes des sens assez subtils et des instruments assez précis, pourrait mesurer l' amplitude des vibrations cérébrales qui correspondent, par exemple, au sentiment amour, ou au sentiment haine. Mais puisque les faits de conscience n'ont aucune étendue, et que l'étendue est la seule chose qui se mesure directement, les faits de conscience ne peuvent être directement mesurés."
À mes yeux, ces lignes peuvent encore aujourd'hui faire réfléchir aux limites d'un matérialisme grossier. Certes tout ce que Rabier a écrit n'a pas si bien vieilli. Si on veut faire sourire les élèves français et justifier aux États-Unis la référence au warning triggers, qu'on donne à lire ces lignes qui fleurent mauvais la colonisation :
" Qui pourrait soutenir que toutes les fonctions spirituelles, cette raison capable de connaître les lois éternelles des nombres et des figures, et de s'élever jusqu'à l'infini, cette imagination qui peut créer les chefs-d'oeuvre de l'art, cette puissance d'aimer qui, éprise d'enthousiasme pour le vrai, le beau et le bien, peut inspirer tous les dévouements et tous les sacrifices, cette volonté enfin qui peut réaliser en nous ce qu'il y a de plus grand au monde, le bien moral, ne doivent se proposer d'autre but que de pourvoir aux nécessités du corps?
L'homme qui se serait oublié à ce point pourrait recevoir des leçons, même des peuplades les plus barbares, même des animaux. Le sauvage misérable, dès qu'il s'est péniblement affranchi de la tyrannie du besoin et qu'il a un moment à lui, se plaît au chant, à la danse, à l'ornementation,à la parure; c'est le premier bégaiement de l'art et le premier essai d'une vie supérieure."
Que les "primitifs" parviennent au mieux à bégayer, c'est dur à digérer, en revanche les lignes qui suivent sur les animaux sont plutôt dans l'air de notre temps, discrètement certes :
"Chez les animaux eux-mêmes, du moins chez les animaux supérieurs, certaines fonctions semblent se détacher de la vie purement corporelle. Quelques-uns se montrent sensibles à l'éclat des couleurs, à la douceur des sens. Il en est qui se plaisent à jouer entre eux, et qui exécutent, comme nos enfants, de véritables drames. Or, le jeu, c'est déjà l'annonce de l' affranchissement et le prélude à la vie libre de l'esprit. " Malheur, a dit Schiller, à l'être qui ne joue pas et que le souci de sa conservation absorbe tout entier !"
Donc ne vous oubliez pas, lisez Rabier !

Commentaires

1. Le samedi 23 janvier 2016, 21:13 par Elias
"C'est ainsi que, si l'animal éprouve, certaines sensations d'une autre espèce que les nôtres, la science la plus parfaite de ce qui se passe dans son cerveau ne nous fera jamais connaître la nature de ces sensations. C'est ainsi encore que la science la plus parfaite des fonctions de l'appareil de l'ouïe, ou de l'appareil de la vue ne saurait donner au sourd, l'idée du son, à l'aveugle l'idée de la couleur."
What is it like to be a bat ?
2. Le samedi 23 janvier 2016, 22:06 par Philalèthe
Oui, j'ai pensé la même chose.
Rabier se réfère aussi aux qualia...
3. Le dimanche 24 janvier 2016, 11:09 par Françoisloth
Merci pour ces extraits qui questionnent, effectivement, ce qui plus tard sera appelé « la théorie de l’identité de l’esprit et du cerveau ». Les propriétés physiques du cerveau, intuitivement, ne nous apparaissent pas comme des propriétés de la pensée mais la corrélation systématique entre les deux familles de propriétés est troublante. Rabier refuse que la pensée soit réduite à une fonction biologique et use d’observations (non-localisation, mesure inaccessible en troisième personne, etc.) que renieraient pas les antiréductionnistes d’aujourd’hui. L’intuition qui nous incline à supposer une distinction entre le « mental » et le « physique » se conjugue manifestement à toutes les étapes des avancées de la science. On a l’impression que ce n’est pas tant le matérialisme de l’espace des connaissances scientifiques qui depuis Galilée avance avec ses mathématiques et ses appareils de mesure et nourrit cette propension au dualisme, qu’une sorte d’inaptitude philosophique à se doter d’une métaphysique qui nous fasse comprendre la posture de l’identité de l’esprit et du cerveau que nous prescrit, en sous-main, la science. Oui - il a raison Ravier - l’esprit n’est pas une propriété que l’on peut ranger et mesurer sous la catégorie « physique » mais si l’on soutient que l’esprit est une réalité, comme semble le faire aussi Ravier, alors soit c’est une propriété émergente et il nous faut expliquer le saut qui se produit entre le physique et le mental, soit le phénomène de la pensée, en particulier le fameux « what it is like » qu’évoque Elias est aussi réel et concret que ce que peut mesurer la science physique.
Fichtre ! Lire Ravier et envisager le panpsychisme…
4. Le dimanche 24 janvier 2016, 19:01 par calsen glap
Je possède la Logique, de Rabier ( achetée pour 5 euros) qui est assez bonne, nourrie de Bain, de Mill et d'Hamilton. Si j'avais eu un tel cours en terminale ! Benda l'a eu comme professeur à Charlemagne, vers 1880. Il ne jurait alors que par les mathématiques.
Les textes que vous citez font penser à Taine, de l'intelligence, qui démarque lui-même Mill et Bain.
l'article de Verneuil dit qu'il avait une allure de "Sarrazin" et était protestant. Bel exemple d'intégration républicaine à retenir. Donnons aux banlieues à lire Rabier.
5. Le mardi 26 janvier 2016, 12:06 par Philalethe
à François Loth : merci pour le commentaire.
Il semble que Rabier ait une position dualiste interactionniste :
" la liaison des deux espèces de phénomènes n'est pas moins certaine que leur distinction. Les deux vies qui s'écoulent parallèlement en nous semblent communiquer par des canaux secrets qui les font se maintenir toujours au même niveau. C'est souvent dans la vie consciente que le physiologiste trouvera les causes des changements organiques (mouvements de locomotion, mouvements d'expression, certains cas de maladies, etc.). C'est souvent dans la vie organique que le psychologue trouvera les raisons des phénomènes psychologiques (mémoire et maladie de la mémoire, perception des sens, passion, rêve, hallucination, folie, etc.)"
C'est amusant de voir qu'il utilise l'opposition cause / raison à l'envers de l'usage le plus courant aujourd'hui.
6. Le mardi 26 janvier 2016, 19:31 par Philalethe
à calsen glap : j'avoue que quand je compare les textes de Rabier aux manuels de philosophie contemporains à destination du secondaire je suis impressionné et un peu honteux pour eux. Ça allait avec le fait aussi que les professeurs demandaient plus aux élèves d'apprendre que de penser par eux-mêmes.
Le Cuvillier était aussi quelque chose.
Je ne savais pas que Benda avait eu Rabier comme professeur. Merci pour ces connaissances.