mardi 19 avril 2022

Sagesse et scatologie antiques.

Mary Beard dans SPQR. Histoire de la Rome ancienne (Perrin, 2016) décrit la décoration d'un bar du port d'Ostie, datant du second siècle après JC. :

" Le thème principal de la peinture est l'ancienne troupe des philosophes grecs qu'on appelle traditionnellement " les Sept Sages de la Grèce ". Parmi eux se trouvent Thalès de Milet, penseur du VIème siècle av. JC., célèbre pour avoir prétendu que l'eau était à l'origine de l'univers ; le législateur Solon d'Athènes, dont l'existence relève presque de la légende ; et Chilon de Sparte, autre ancienne sommité de la pensée. Certaines peintures n'ont pas survécu, mais à l'origine on pouvait les voir tous les sept, représentés assis sur d'élégantes chaises et munis de parchemins. Chacun était flanqué d'une déclaration qui ne portait pas sur des sujets politiques, scientifiques, juridiques ou éthiques mais sur la défécation et toutes sortes de thèmes scatologiques.
Au-dessus de la figure de Thalès, on peut lire : " Thalès conseille à ceux qui ont du mal à chier de ne pas ménager leur peine " ; au-dessus de Solon : " Pour bien chier, Solon se frappait sur le ventre " ; et au-dessus de Chilon : " Le rusé Chilon enseignait comment péter sans faire de bruit." Sous les sages se trouvait une autre série de figures représentées assises dans des toilettes communes (installations fréquentes dans le monde romain). Elles aussi profèrent des plaisanteries scatologiques."



samedi 16 avril 2022

Modernité politique de l'empereur romain Auguste, archaïsme politique de la 5ème République : Livia et la Première Dame de France !

Dans SPQR, histoire de la Rome ancienne (Perrin, 2016), l'historienne anglaise Mary Beard repère les nouveautés de l'institution impériale mise en place à la fin du premier siècle avec JC.  par le fils de César, Octavien, qui s'est fait appeler Auguste :

" Il élabora aussi l'idée de famille impériale. Sa femme Livia occupait une place importante. Le gouvernement d'un seul accorde souvent aux femmes une place prépondérante, non qu'elles soient nécessairement dotées de pouvoirs officiels, mais par le simple fait que quiconque jouit d'un accès direct à celui qui prend en privé des décisions importantes pour le devenir de l'État est perçu comme influent. La femme qui peut murmurer à l'oreille de son mari détient de facto plus de pouvoir, du moins c'est l'influence qu'on aura souvent tendance à lui prêter, que le collaborateur qui doit se contenter de délivrer des requêtes ou des notes officielles. En une occasion, l'empereur reconnut dans une lettre adressée à la cité grecque de Samos que Livia lui avait glissé un mot en sa faveur. Mais Auguste s'efforça de lui octroyer un rôle plus important que cela : il voulut faire d'elle un pilier de ses ambitions dynastiques.
Tout comme l'empereur, Livia eut son image officielle propagée par la sculpture romaine. Des prérogatives spéciales lui furent également accordées, dont l'indépendance financière et des places de premier rang aux spectacles. Elle avait d'ailleurs reçu, dès l'époque de la guerre civile, l'inviolabilité, c'est-à-dire la sacrosanctitas dont jouissaient les tribuns de la plèbe sous le régime républicain, qui avait pour fonction de protéger les représentants du peuple contre toute attaque. Il est difficile de savoir contre quoi, au juste, Livia avait besoin d'être protégée, mais la nouveauté importante tenait à ce qu'elle se voyait officiellement revêtue de droits conférés jusque-là à des hommes. Cela revenait à lui accorder une place sur la scène publique qu'aucune femme avant elle n'avait occupée dans l'histoire romaine. À la mort de son fils Drusus, en 9 av. JC., un poème lui fut même offert, dans lequel elle était qualifiée de Romana princeps : cet équivalent féminin du titre, régulièrement destiné à Auguste, de Romanus princeps, qui signifie quelque chose comme " le premier citoyen de Rome ", faisait d'elle une sorte de First Lady. C'était peut-être un trait hyperbolique décoché par un courtisan excessif, et certainement pas un signe d'émancipation des femmes en général, mais il indiquait l'importance que la femme de l'empereur prenait aux yeux du public, et le fait que celui-ci désirait consituer une dynastie impériale."

On ne confondra donc pas Livia avec la philosophe cynique Hipparchia, par exemple.

mercredi 13 avril 2022

Raison et raison d'État.

On peut partager encore l'ahurissement de Julien Benda au moment de l'affaire Dreyfus :

" Une chose qu'aujourd'hui je trouve curieuse dans mon émoi en cette affaire, c'est la véritable stupeur avec laquelle je découvris - à trente ans ! - qu'il existe toute une race d'hommes pour qui la vérité et la justice ne sont rigoureusement rien quand leur paraît menacé le social, dont l'intérêt se confond pour eux avec celui de leur classe." (La jeunesse d'un clerc, 1937, Gallimard, 1989, Paris, p. 119)

Ne pas en conclure que l'auteur loue la politique morale. Ce qu'il condamne, c'est que l´ État fasse prendre le fort pour le juste. Ce dernier ne doit au contraire pas habiller de vêtements moraux le nu réalisme  qui est l'essence même de l'action politique :

" Socrate était dans son rôle en plaçant le vrai au-dessus de l'utile, mais (...) l´État était dans le sien en lui faisant boire la ciguë." (p.115)

vendredi 1 avril 2022

Les consolations de la philosophie ?

 " Lélie : 

Ah !

Anselme : 

Mais quoi ? Cher Lélie, enfin il était homme :
On n'a point pour la mort de dispense de Rome.

Lélie :

Ah !

Anselme : 

Sans leur dire gare elle abat les humains,
Et contre eux de tout temps a de mauvais desseins.

Lélie :

Ah !

Anselme :

Ce fier animal pour toutes les prières,
Ne perdrait pas un coup de ses dents meurtrières,
Tout le monde y passe.

Lélie :

Ah !

(...)

Anselme :

Si malgré ces raisons votre ennui persévère,
Mon cher Lélie, au moins, faites qu'il se modère.

Lélie :

Ah ! "

L'étourdi ou les contretemps, Acte II, scène III