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dimanche 29 janvier 2017

Le cynisme civilisé et divin d'Épictète.

Il faut que même la poussière qui le couvre soit propre et exerce une certaine séduction." (p.344)
Dieu, Zeus, les dieux... Que ces mots reviennent souvent sous la plume d'Arrien, transmettant son souvenir des leçons orales d'Épictète.
Mais qui des hommes a un rapport privilégié avec le divin ?
C'est le Cynique tel qu' Épictète se le représente. En effet le Cynique est le messager des dieux :
" Zeus l'a envoyé aux hommes (...) avec pour mission de leur montrer qu'ils sont dans l'erreur sur le chapitre des biens et des maux, et qu'ils cherchent l'essence du bien et du mal là où elle n'est pas, mais ne pensent pas à la chercher où elle est." (Entretiens, III, 22, éd. Muller, p.333).
Venant " leur annoncer la vérité " (ibid., p.334), il est autant le thérapeute de ses concitoyens (" ce roi qui doit, à la manière d'un médecin, faire le tour de la ville et tâter les pouls " p.342) que le parent de chacun (" il le fait comme père, comme frère, et comme serviteur de Zeus, notre père commun." p.343). Aussi ne peut-il être tenu par des devoirs particuliers de père vis-à-vis de ses propres enfants ; dans la tradition du Banquet platonicien qui disqualifiait les enfants de chair au profit des oeuvres de l'esprit, Épictète met le père en-dessous du cynique, relativement au service rendu à la société :
" Ceux qui introduisent dans la société, pour les remplacer, deux ou trois enfants grognons font-ils plus de bien aux hommes que ceux qui les surveillent tous, autant qu'ils peuvent, pour savoir ce qu'ils font, comment ils mènent leur vie, ce qui leur tient à coeur et ce qu'ils négligent en manquant à leur devoir ?" (p.342)
Plus généralement, le Cynique ne doit être tenu par aucun devoir privé, il ne peut donc ni exercer une fonction sociale, ni jouer un rôle politique, car cela le contraindrait à limiter ses rapports humains à ceux impliqués par la définition de sa position étroitement particulière. Il serait aussi privé de la liberté de parole, de la παρρησία, franchise qui lui permet - au-delà des éventuels reproches que chacun est tenu de faire dans l'exercice cloisonné de sa fonction - de dire à tout homme ses quatre vérités du point de vue de la vie qu'il devrait mener. À la différence du sage engagé à respecter les règles d'un jeu social déterminé, le Cynique, sage en un sens désengagé, convainc paradoxalement chacun de respecter les devoirs impliqués par sa situation hic et nunc dans la société. Aussi un père peut-il initier au stoïcisme son enfant mais il ne peut en rien le rendre Cynique (même si les Cyniques " ne peuvent pas être Cyniques à peine sortis du sein de leur mère." p.342) : en effet le discours cynique s'adresse à quiconque et lui commande de respecter le rôle que lui a donné la Providence. Or, le père stoïcien, tenu seulement par le devoir de l'éducateur familial, n'enseignerait au fils que le respect des règles au sein de la famille.
Soldat de Dieu, le Cynique, à la fois dans et hors de la société, en réalité plus au service du monde que de telle ou telle société (" L'exil ? Et où peut-on me chasser ? Hors du monde, c'est impossible. Où que j'aille, le soleil sera là, ainsi que la lune, les astres, les songes, les présages, et la compagnie des dieux." p.333) a une fonction divine et universelle, celle de rappeler à chacun que le dieu attend de lui l'exercice vertueux de sa fonction particulière :
" Dans la situation actuelle qui ressemble à une bataille rangée, ne faut-il pas que le Cynique, tout entier au service du dieu, ne soit jamais distrait par quoi que ce soit, qu'il puisse rencontrer les gens sans être enchaîné par des devoirs privés ni impliqué dans des relations sociales, telles que, s'il les néglige, il ne sauvegardera pas son rôle d'homme de bien, et s'il les préserve, il fera périr en lui le messager, l'observateur et le héraut des dieux ? " (p.341)
Est donc clairement dit qu'il n'est pas nécessaire d'être cynique pour être homme de bien ; peut-on appeler homme de bien supérieur ce Cynique attaché à la mission de multiplier les hommes de bien ? En tout cas, si tout homme était homme de bien, à quoi servirait le Cynique ?
" Si tu me donnes une cité de sages, répondit Épictète, peut-être que personne n'en viendra aisément à embrasser la vie cynique." (p.341)
Épictète a à coeur non seulement de distinguer les hommes de bien ordinaires de cet homme de bien extraordinaire mais aussi d'opposer fermement le Cynique inspiré par Dieu (peut-on aller jusqu'à le désigner du nom d'élu ?) de tous ceux qui le singent extérieurement sans avoir aucune des qualités morales de celui qu'ils imitent. Ces pseudo-cyniques sont des bouffons mal élevés qui s'autorisent du titre prestigieux de Cynique pour casser les règles du jeu social afin de satisfaire leurs vices :
" Celui qui s'engage sans dieu dans une entreprise aussi considérable s'expose à sa colère, et ne veut rien d'autre, en fait, qu'afficher en public des manières indécentes." (p.331)
Le Cynique à la façon d'Épictète rappelle à l'ordre, social et moral à la fois, et il semble bien que cette récupération stoïcienne du cynisme laisse de côté la puissance de subversion sociale inhérente au cynisme historique et primitif.
Diogène de Sinope est donc, à son corps défendant sans doute, recruté dans l'armée stoïcienne, certes au rang illustre de lieutenant de Dieu. Reste que la vie de ces missionnaires divins est rude car, preuve par l'exemple, elle a aussi comme but de vérifier la thèse qu'on peut être heureux en étant dépourvu de tout :
" Comment est-il possible à qui n'a rien, qui est nu, sans maison ni foyer, qui est crasseux, sans esclave et sans cité, de mener une vie sereine ? Tenez, le dieu vous a envoyé l'homme qui va vous montrer dans les faits que c'est possible." (p.338)
Il est donc indispensable d'avoir l'accord de Zeus pour réussir l'entreprise. Épictète met ainsi en garde le jeune homme tenté par la vie cynique :
" Délibère plus soigneusement, connais-toi toi-même, interroge la divinité, n'entreprends rien sans dieu. S'il t'engage à tenter l'entreprise, sache qu'il veut que tu deviennes grand, ou que tu reçoives de nombreux coups." (p.339)
Sûr que le "ou" de cette dernière phrase est inclusif.

vendredi 20 novembre 2015

Antisthène ou comment se conformer à l'ordre établi pour des raisons cyniques.

J'ai déjà consacré plusieurs billets à Antisthène, en particulier à propos de sa conception du plaisir et des femmes. Mais la lecture du livre de Jean-Manuel Roubineau, Les cités grecques (VIème-IIème siècle av. J.C.), essai d'histoire sociale (PUF, 2015) me pousse à éclairer un point particulier. En effet Diogène Laërce dans les Vies et doctrines des philosophes illustres rapporte le fait suivant :
" Ayant vu un jour un homme adultère traîné en justice, il dit : "Malheureux que tu es ! À quel danger tu aurais pu y échapper pour une obole !" (VI, 4)
Or, conduire à préférer la fréquentation d'une prostituée bon marché à la transgression de l'ordre conjugal, c'est la fonction d'une loi légalisant les lieux de prostitution, loi adoptée à Athènes au début du 6ème siècle à l'instigation de Solon. C'est à lui que s'adresse Xénarque, un personnage des Deipnosophistes d'Athénée, dont Jean-Manuel Roubineau cite les lignes suivantes :
" C'est à toi qu'est due une découverte utile à tout le genre humain, Solon, puisque c'est toi, dit-on, qui y pensas le premier, une mesure démocratique et vitale, oui, par Zeus ! (et c'est bien à moi qu'il convient de le dire, Solon). Tu vis que la ville était pleine de jeunes gens, que la nature les contraignait durement, qu'ils avaient des égarements contraires à la morale. Alors tu achetas des femmes et tu les installas dans des endroits où elles fussent à la disposition de tous et toutes prêtes. Elles se tiennent là entièrement nues. Ne te laisse pas tromper. Regarde tout. Tu ne te sens pas bien ? Tu as des envies ? La porte est ouverte, une obole. Précipite-toi. Pas de façons, pas de chichis. On ne se dérobe pas. Tout de suite, comme tu veux, de la manière que tu veux. Tu peux partir. Envoie-la se faire pendre. Tu t'en fiches." (XIII, 569 d-f).
Sous cet éclairage, comment comprendre le conseil d' Antisthène ?
À première vue, il encourage au respect de l'ordre social ; comme l'écrit Roubineau, " Solon met en place un dérivatif aux pulsions des jeunes hommes, qui, non mariés, aux premiers temps de leur carrière sexuelle (...) peinent à discipliner leurs pulsions, et sont susceptibles de nouer des relations sexuelles prohibées avec des jeunes filles à marier ou des femmes mariées, relations qui menaceraient à la fois l'ordre social et le marché matrimonial." (p.58). Mais peut-on attribuer une pensée "conservatrice" à un philosophe cynique ? En fait ce serait, je crois, une erreur. L'homme adultère a ,aux yeux du cynique, fait un détour inutile et dangereux pour satisfaire un besoin naturel qu'il aurait pu soulager par le chemin facile de la relation sexuelle tarifée. Recommander l'usage de la prostituée plutôt que la jouissance de la femme mariée ne procède donc pas de la volonté de respecter l'ordre établi ; il s'agit de réduire au maximum la dépense sociale quand le désir porte à une relation sexuelle.
''Aimer est le grand point, qu’importe la maîtresse ?
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ?''
On sait en outre que, s'il s'agit d'un simple désir de plaisir sexuel, le cynisme a recommandé un chemin encore plus court et plus économique..

Commentaires

1. Le vendredi 20 novembre 2015, 23:09 par Elias
"Mais peut-on attribuer une pensée "conservatrice" à un philosophe cynique ? En fait ce serait, je crois, une erreur. L'homme adultère a ,aux yeux du cynique, fait un détour inutile et dangereux pour satisfaire un besoin naturel qu'il aurait pu soulager par le chemin facile de la relation sexuelle tarifée."
Soit, le cynique ne souscrit pas à la norme sociale qui condamne l'adultère. Mais invoquer le danger auquel les défenseurs de ces normes exposent le cynique pour justifier qu'il s'y plie, n'est ce pas courir le risque de priver le cynisme de son mordant. Les multiples provocations de Diogène ne l'exposaient-elle pas à des dangers sans nécessité ?
2. Le samedi 21 novembre 2015, 08:21 par Philalethe
Merci de votre remarque car elle permet d'apporter une précision qui en effet manque à ce billet.
Être traîné en justice n'est pas un danger pour le cynique mais pour l'homme ordinaire, à qui Antisthène, se plaçant du point de vue de ce dernier, donne une leçon de cynisme. Du point de vue du philosophe, le détour par la femme mariée est seulement totalement inutile.
Ceci ne veut pas dire que le cynisme n'a pas contesté l'institution du mariage. Tout au contraire il l'a fait radicalement (cf par exemple D.L. VI 72-73 : " Il (Diogène) demandait la communauté des femmes, ne parlant même pas de mariage, mais d'accouplement d'un homme qui a séduit une femme avec une la femme séduite."). Un passage de la République de Zénon est encore plus net : " Ils pensent que les femmes doivent être communes parmi les sages, de sorte que n'importe qui s'unisse à n'importe quelle femme mariée.").
Suzanne Husson à ce propose parle de radicalisation de la position platonicienne exprimée dans la République.
On peut donc comprendre le conseil ainsi : " Ne joue pas le jeu social de l'adultère, n'importe quelle femme venue faisant l'affaire !" Or, dans une cité grecque non cynique, où les femmes sont privatisées par les hommes dans le cadre du foyer, ce qui tient lieu de première femme venue est la moins coûteuse des prostituées.
On peut se demander si dans une cité où le désir sexuel serait satisfait de la manière cynique la prostituée aurait une quelconque fonction. J'en doute.

dimanche 1 juin 2014

Le cynique, "un composé bizarre de contradictions absolument incompatibles" ?

Aucune bonne raison de croire que Locke pense aux Cyniques en écrivant les lignes suivantes, mais elles m'y font penser :
" De dix mille hommes il ne s'en trouvera pas un seul qui ait assez de force et d'insensibilité d'esprit, pour pouvoir supporter le blâme et le mépris continuel de sa propre coterie. Et l'homme qui peut être satisfait de vivre constamment décrédité et en disgrâce auprès de ceux-là mêmes avec qui il est en société, doit avoir une disposition d'esprit fort étrange, et bien différente de celle des autres hommes. Il s'est trouvé bien des gens qui ont cherché la solitude, et qui s'y sont accoutumés, mais personne à qui il soit resté quelque sentiment de sa propre nature, ne peut vivre en société, continuellement dédaigné, et méprisé par ses amis et par ceux avec lesquels il converse. Un fardeau si pesant est au-dessus des forces humaines ; et quiconque peut prendre plaisir à la compagnie des hommes, et souffrir pourtant avec insensibilité le mépris et le dédain de ses compagnons, doit être un composé bizarre de contradictions absolument incompatibles." (Essais sur l'entendement humain, II, 28, 12)
Cependant, dans le cadre de l'anthropologie de Locke, on pourrait réduire la bizarrerie du Cynique : il aurait restreint l'humanité à un ensemble presque vide. Ne feraient partie de sa "coterie" que les autres Cyniques. Les hommes ordinaires seraient des détritus, certains approchant de l'humain, comme les Spartiates, tenus pour des enfants.
Mais les Cyniques ne sont pas les Épicuriens, ils ne vivent pas dans l'espace privé d'une communauté, isolée de la polis. Généralement ils sont superbement seuls, chassant le disciple à coup de bâtons. Aussi Suzanne Husson a-t-elle raison d'écrire :
" Il ne s'agit pas pour autant de fonder, au milieu de la société ordinaire, une contre-société au sein de laquelle un groupe s'isolerait du reste des hommes pour vivre selon ses règles propres : le cynique n'est ni ermite, ni membre d'une communauté enclavée de type monastique ou utopique, mais mène une vie entièrement publique. Son mode d'existence est même le plus public qui soit, puisqu' il s'efforce de lever les barrières, élevées par les insensés, entre l'idion et le koinon. Il consiste, non pas à se retirer des autres hommes, mais à vivre au milieu d' eux, soit seul soit à plusieurs, comme si les normes de la vie naturelle, partout données à qui sait les comprendre, n'exigeaient pas de lieu, de temps ni d'organisation sociale spéciale." (La République de Diogène. Une cité en quête de la nature, p. 178, Vrin).
Certes le Cynique n'est pas toujours seul, comme le dit Suzanne Husson (pensons au couple Cratès/Hipparchia), pour autant, il ne fait pas société. Il ne semble donc pas tout à fait incongru de le voir comme "un composé bizarre de contradictions absolument incompatibles".
On peut cependant supprimer son anormalité supposée en identifiant son mépris à quelque chose de feint, ce qui conduit à en faire un comédien.
Nietzsche, lui, paraît avoir été sensible au côté réellement démuni socialement au moins du cynique. Dans un fragment de Humain, trop humain (I, 275), on lit :
" L'épicurien marche comme dans des sentiers à l'abri du vent, bien protégés, à demi obscurs, tandis qu' au-dessus de sa tête, dans le vent, les cimes des arbres bruissent et lui décèlent quelle violente agitation règne là-dehors de par le monde. Le cynique, au contraire, circule comme tout nu, dehors dans le souffle du vent et s'endurcit jusqu'à perdre le sentiment." (trad. Albert, révisée par Lacoste, Laffont, p. 589)
Aux yeux du philosophe allemand, si le Cynique fait la comédie, ce n'est pas en tant qu'il joue le mépris de l'homme mais en tant qu'il simule d' abord le bonheur, avant de le ressentir vraiment par effet de la simulation (tel l'athée qui, conseillé par Pascal, deviendrait croyant à force de prendre toutes les postures du fidèle) :
" Lorsque la philosophie était affaire d'émulation publique, dans la Grèce du troisième siècle, il y avait nombre de philosophes que rendait heureux l'arrière-pensée du dépit que devait exciter leur bonheur, chez ceux qui vivaient selon d'autres principes et y trouvaient leur tourment : ils pensaient réfuter ceux-ci avec le bonheur, mieux qu'avec toute autre chose, et ils croyaient que, pour atteindre ce but, il leur suffisait de paraître toujours heureux ; mais cette attitude devait, à la longue, les rendre véritablement heureux ! Ce fut par exemple le sort des cyniques." (Aurore, IV, 367)
En tout cas comme ce Cynique-là est loin du point de vue psychologique de l'indépendance qu'il affiche !

samedi 10 août 2013

Le cynique, bien plus radical que l'anarchiste.

Je me suis déjà demandé comment être cynique aujourd’hui, plus précisément comment se comporter pour, sans ridicule, prétendre être un disciple contemporain de Diogène, d’ Antisthène, d’Hipparchia, de Cratès etc.
Partant de l’idée que le cynisme est lié à un rejet des usages de la cité au profit d’une vie universelle et naturelle, je trouve dans un passage de Pierre Bourdieu une possibilité cynique. Le sociologue veut mettre en évidence que la vie privée est encadrée par des décisions étatiques ; pour cela il fait référence au calendrier officiel par rapport auquel se déterminent nos calendriers privés. Parce que les contestations politiques les plus radicales se construisent dans le cadre de règles implicites officielles qu’il semblerait fou de contester, Bourdieu écrit :
“ Je ne connais pas d’anarchiste qui ne change pas d’heure lorsque nous passons à l’heure d’été.” (Sur l’État, cours du 18 janvier 1990)
Or, il me semble que si l’anarchiste ne peut exister en tant que tel que parce que l’État est déjà là, le cynique pourrait se permettre de refuser la temporalité officielle, en faveur de quelque chose comme le temps naturel, celui du jour, de la nuit, du passage des saisons.

Commentaires

1. Le mercredi 21 octobre 2015, 16:27 par LM Bernard
Bien vu le cynique rompt les valences conventionnelles,construites sur des valeurs ,du lien social,catégorisation culturelle,sémiotique de la représentation de l'Académie et du Lycée.
L'anarchiste reste dans la représentation du zoon politicon,il conteste le pouvoir,l'appareil d'état ,pas la collectivité.
le cynique rejette les contraintes du tout somme des parties et le tout holiste ou le tout est plus que la somme des parties,il s'excentre,se singularise,se bestialise et peut effectivement refuser toute temporalité officielle,a t on vu un loup solitaire regarder midi à sa montre?.

vendredi 3 juin 2011

Peut-il y avoir un renouveau du cynisme antique ?

Suzanne Husson dans une note de la conclusion de La République de Diogène (Vrin, 2011) affirme ne pas pouvoir croire dans une renaissance du cynisme :
" Il est tout à fait improbable que le cynisme puisse renaître dans notre société aux normes floues et négociables, où toute déviance non-criminelle est rapidement récupérée et, devenue phénomène de mode, s'intègre à l'ordre marchand. On n'ose pas imaginer ce que seraient devenus un Diogène ou l'un de ses imitateurs invités sur les plateaux de télévision : jusqu'où faudrait-il alors pousser la provocation sans que son traitement médiatique n'en désamorce la portée ?" (p. 179)
Premier problème : le cynisme ne peut-il se développer que dans une société aux normes rigides et absolues ?
Dans nos sociétés existe une pluralité de normes faisant que toute contestation de l'une est interprétée comme respect d'une autre. Aussi toute transgression cynique d'une norme donnée pourra être interprétée comme défense d'une autre norme ; or, les Cyniques ont opposé aux normes la nature. On pourrait objecter que les normes éthiques sont elles rigides et absolues (accordons que ces normes pourraient être résumées par le principe de non-nuisance à autrui). Certes mais une transgression de ces normes n'est pas cynique : si la victime du cynique est offensée en effet, elle n'est pas contrainte physiquement, ni lésée dans ses propriétés ou dans son intégrité physique. Il est donc exclu qu'être cynique revienne à autre chose qu'à offenser autrui dans ses opinions. Mais nous sommes portés à identifier l'offense à ce qui va avec la liberté d'expression des opinions, ce qui, en identifiant la transgression cynique à la manifestation d'une opinion, lui enlève son statut de prétendue vérité fondamentale. Au pire, le cynique ne serait alors qu'un bizarre excentrique ; au mieux, il aurait une opinion minoritaire.
Deuxième problème : le cynisme serait-il rapidement récupérable par la mode ?
En effet difficile d'imaginer l'absence d'une telle récupération. Mais le cynique resterait en mesure de la dénoncer comme telle et de s'en différencier. Le critère de différenciation pourrait être la présence ou non d'un ponos, d'un effort. Celui qui jouerait au cynique s'amuserait au sein d'une nouvelle coterie ; le cynique authentique resterait fidèle à l'effort que coûte la supposée rupture avec toute opinion ; profondément individualiste, on le verrait guère participer à un courant mais au contraire il mordrait ses imitateurs.
Troisième problème : le cynisme est-il présentable sur un plateau de télévision ?
Pierre Bourdieu, qui n'était pas cynique mais seulement averti de la manipulation que les médias font subir à ceux qu'ils invitent à leur parler, était pour cela réticent à passer à la télévision. Un cynique aujourd'hui la fuirait, comme il fuirait toute médiatisation de ses actes. Il transgresserait mais n'appellerait pas les journalistes avant la transgression ni après, laissant à la société la charge de secréter ses anticorps, si on me permet l'expression. Il faut répéter ici que si le cynique viole l'usage, c'est d'abord dans le cadre d'un perfectionnement individuel - ce qui permet d'envisager des actes cyniques quelquefois sans témoin-. Bien sûr on ne comprendrait pas que quelqu'un se prétende cynique et n'ait jamais offensé publiquement autrui car en effet ce sont tous les usages sociaux dont le cynisme prétend montrer l'absence de fondement.
En résumé, un renouveau cynique devra trouver les formes pour apparaître comme une contestation non de la culture mais de toute culture. Ces formes trouvées, il devra répondre à ceux qui soutiendront que c'est bien une forme de vie naturelle qu'il prône et non un autre style de vie avec ce que l'expression implique de conditionnement culturel et social. Et ici comment ici ne pas rejoindre Suzanne Husson quand elle écrit :
" La prétention cynique à vivre de façon naturelle est donc fondamentalement illusoire. L'homme ne parviendra jamais à rejoindre la nature, quand bien même il en projetterait une image en se donnant pour modèle moral. Le cynisme ne se situe pas en deça ou au-delà de la civilisation, mais en est un produit particulièrement raffiné, même s'il ne correspond pas aux règles courantes du "raffinement philosophique".
Ainsi, le cynisme s'élabore en niant précisément ce qu'il est en train de faire, c'est-à-dire la construction culturelle d'une certaine image que l'homme se donne de lui-même, dont les cyniques furent à la fois les principaux scénaristes, les acteurs et les metteurs en scène." ( ibid., p.180-181)

jeudi 2 juin 2011

La vieille coquette est-elle, comme tout homme, une cynique en puissance ? ou Peut-on regarder même les masses imbéciles comme des êtres humains potentiels ?

Je réalise que jusqu'à présent j'ai été porté à interpréter le cynisme à la lumière du stoïcisme. Ainsi voyais-je dans la vieille coquette agressée une cynique virtuelle ? Certes je comprenais bien qu'il n'était guère probable psychologiquement qu'elle se convertît en fait au cynisme mais je voyais ce fait comme contingent : la vieille coquette, comme n'importe quelle autre victime des cyniques, avait l'équipement mental requis pour cela, plus précisément, dotée de raison, elle avait la capacité d' adhérer aux thèses vraies du cynisme (je fais bien sûr ici la généreuse hypothèse que le cynisme est vrai). Or, un passage de Suzanne Husson, visant un article de J. Moles (in Le cynisme ancien et ses prolongements, PUF, 1993) me convainc que j'ai tort d'interpréter le cynisme entre autres à partir de ce qu'en a écrit Épictète et qui se révèle être un gauchissement :
" Selon lui, chaque homme serait pour le cynique un cynique potentiel et " on peut regarder même les masses imbéciles comme des êtres humains potentiels". Le cosmopolitisme de Diogène reposerait ainsi sur une connaissance de la fraternité liant les hommes entre eux au-delà des distinctions de race, de sexe, ou de statut social. Cependant, s'il se guide effectivement sur son expérience, rien ne permet au cynique de penser que la totalité des insensés, ou même un grand nombre d'entre eux, soit capable de "revêtir la vie des chiens" sous l'influence de l'enseignement cynique. Le cynique n'admet comme réalité que le présent dont il a, grâce au ponos, l'expérience, et ne connaît certainement pas la catégorie de l'être en puissance. Contrairement à ce qu'avance J. Moles, la distinction entre "le réel et le potentiel ou l'idéal" n'a pas de place dans le premier cynisme. Il se démarque ainsi de l'universalisme stoïcien qui fera de l'univers entier une cité dont les citoyens sont les hommes et les dieux. Cette problématique, plus appropriée au stoïcisme et à ce qu'il deviendra comme justification idéologique de l'impérialisme romain, est absente du cynisme, qui ne peut prétendre avoir une vision globale de la nature et de l'humanité. Le cynique sait simplement que lorsque dans l'espace public des cités ordinaires, il met ces semblants d'hommes à l'épreuve, très peu deviennent des hommes véritables, c'est-à-dire des cyniques. Il ne sait rien de plus et doit se contenter de cette constatation empirique." (p.161)
Donc restons prudent : il n'est pas impossible que, par quelque enchaînement causal contingent, la vieille coquette ne se convertisse au cynisme mais il n'y a aucune raison de voir en elle, parce qu'elle est un être humain, une disciple virtuelle des cyniques.

dimanche 13 mars 2005

Les cyniques dont je ne parlerai guère (2)

Et voici les derniers :
4) Favorinus d’Arles, « rhéteur et sophiste gaulois » (Larousse), élève du précédent, maître du maître de l’empereur Marc-Aurèle, exilé par Hadrien et faisant contre mauvaise fortune bon cœur, se transfigurant en cynique. Larousse ne dit rien de cette disgrâce et en fait un sinistre courtisan :
« On raconte qu’après avoir longuement argumenté, Favorinus donnait toujours raison à l’empereur pour ce motif qu’un homme qui commande à 30 légions est un homme qui ne saurait avoir tort » (Tome 8, 1872)
5) Démonax, au nom étrange entre démoniaque et Fantomas, fils de famille débauché par les leçons de Démétrius et d’Epictète (le cynisme et le stoïcisme, jusqu’à un certain point, bonnet blanc et blanc bonnet ?), Diogène ressuscité :
« A un orateur qui ne déclamait que de bien piètres choses, il conseillait de s’exercer et de se rompre à cet art. « Mais je me parle tous les jours à moi-même » dit l’autre. « Il est bien naturel alors, reprit Démonax, que tu parles si mal, puisque tu t’en rapportes à un auditeur stupide ! » (Lucien de Samosate Vie de Démonax)
« Ce philosophe, arrivé à un âge très-avancé, se laissa mourir de faim » (Larousse Tome 6, 1870)
6) Oenomaüs de Gadara, qui me fait penser un peu au Spinoza du Traité théologico-politique, dans la mesure où il démystifie, certes non la Bible, mais les oracles et les prophéties. Il me plairait bien de trouver dans ce dictionnaire si anti-clérical quelques lignes louangeuses, mais je suis surpris car Larousse reproche à ce cynique d’être vraiment trop irrespectueux:
« On prétend qu’ayant été trompé par l’oracle de Delphes, il voulut se venger (cela commence mal, par une passion mal cotée) en déconsidérant les oracles en général ; il aurait écrit dans ce but un pamphlet intitulé Les charlatans dévoilés , dans lequel il mettait à nu les superstitions en usage dans les temples où se rendaient les oracles et persiflait en même temps les superstitions en vogue (Pierre Larousse doit écrire vite, il se répète !). Le ton cynique et les détails grossiers contenus dans cet ouvrage, si on peut en juger par un morceau cité dans la Démonstration évangélique d’Eusèbe (alliance tactique entre Larousse et Eusèbe mais prudence du premier), montrent ce précurseur de Lucien sous un jour assez défavorable ; il ne se moque pas seulement de la superstition ; il s’applique à tourner en ridicule les meilleurs sentiments du cœur humain, à commencer par la décence. Au besoin, sa raillerie n’épargnait pas plus Antisthène et Diogène, chefs de la secte à laquelle il appartenait, que ses adversaires. Il voulait être libre même sous le rapport du respect qu’il leur devait, disait-il. Il partait du principe que la liberté est le principe (sic) du bonheur et de la vertu. Cela peut être admis en théorie ; mais l’application qu’il en faisait ne lui a pas acquis d’estime parmi les anciens. » (Tome 11, 1874)
Cela me semble le cynisme par excellence de tourner en dérision les maîtres ès cynisme. Merci en tout cas à Pierre Larousse d’avoir rapporté la passion cynophage d’Oenemaüs. Il lui donne à mes yeux la perfection de l’ultime disciple, dévoreur de sa propre tradition, cynique anti-cynique, cynique post-cynique.

samedi 12 mars 2005

Les cyniques dont je ne parlerai guère (1)

Ne visant pas à écrire une encyclopédie du cynisme, j’évoquerai donc seulement en quelques lignes :
1) Cercidas de Mégalopolis, dont Pierre Larousse ignore même l’identité philosophique, puisqu’il lui consacre la note suivante que je relève in extenso :
« CERCIDAS, poète et législateur grec du 4ème siècle av. J.C. Il rédigea un code de lois pour Mégalopolis, sa patrie, et chercha à lui assurer la protection de Philippe, roi de Macédoine. Démosthène, pour cette raison, le compta parmi les mercenaires de Philippe et le mit au nombre de ceux qu’il accusait de trahison envers la Grèce. » (Tome III 1867)
C’est peut-être juste pour le plaisir de placer sur Internet ces lignes vieillies que je les recopie… En tout cas, je n’ai pas la chance de disposer de l’immense Dictionnaire des philosophes antiques de Goulet et de toute façon Léonce Paquet, un siècle plus tard (1975) le désigne encore comme « un réformateur social ». Il fallait bien faire revivre un instant ce cynique bâtisseur, rejeton sédentarisé de tous ces destructeurs plutôt nomades.
2) Démétrius, expulsé de Rome à deux reprises, par Néron et par Vespasien, admiré par Sénèque, critique des folies de Caligula.
3) Dion Chrysostome, d’abord rhéteur professionnel, d’où son surnom, Chrysostome, à-la-bouche-d’or, disciple, comme Epictète, du stoïcien Musonius (ce qui prouve que le cynisme n’est pas soluble dans le stoïcisme), lui aussi conspirateur, contre Domitien, et condamné pour cela à l’exil, transformant sa peine en vagabondage cosmopolitique. J’imagine que ces cyniques sont devenus réellement dangereux pour le pouvoir: ils n’attaquent plus le genre humain en moralistes mais ils font de la politique philosophique. L’exil n’est plus une affaire privée ou un rêve hautain, c’est une sanction imposée par l’Etat. Le cynique ne choisit pas l’exil comme mode de vie, il en est victime. De Pierre Larousse, je recopierai seulement ces quelques lignes romanesques :
« Il erra en fugitif, réduit souvent à labourer pour vivre (...) Il joue trop souvent l’illuminé » (Tome 6, 1870)
Larousse ne devait pas du tout aimer les illuminés mais avoir plus de sympathie pour les laboureurs.

mardi 1 mars 2005

Travaux pratiques de cynisme (fin)

1)Choisissez un chanteur particulièrement mauvais et saluez-le ainsi : « Bonjour, Chantecler ! » S’il vous demande pourquoi : « Quand tu chantes, tout le monde se lève ! » (VI, 48)
2)Demandez l’aumône à une statue et dites à ceux qui s’interrogent : « Je m’habitue au refus » (VI, 49)
3)Si l’on vous demande quel vin vous buvez avec le plus de plaisir, répondez : « Celui des autres » (VI, 54). Vous noterez que les exercices pour devenir cynique ressemblent quelquefois à ceux recommandés pour devenir mufle.
4)Si on vous surprend en train de manger un gâteau, précisez : « Les philosophes goûtent à tout, mais pas comme le reste des hommes. » (VI, 55). Cet exercice permet aussi de garder bonne conscience en commettant des manquements à la règle cynique.
5)A l’occasion d’un gros déménagement, dites à celui qui change de domicile : « N’est-ce pas une honte de posséder tant de choses et de ne pas se posséder soi-même ? » (Maximus De Divitiis et Paupertate 758)
6)Si vous demandez l’aumône et qu’on vous dit : « Je vous donnerai si vous pouvez me convaincre que vous avez raison de mendier », dites : « Si je pouvais vous convaincre, je vous convaincrais d’aller vous pendre. » (VI, 59)
7)Si on vous reproche de fréquenter des endroits mal famés, dites : « Le soleil pénètre bien dans les latrines sans en être souillé. » (VI, 63)
8)Si on vous demande pourquoi vous allez au bordel, répondez : « On y apprend qu’il n’y a pas de différence entre ce qui coûte quelque chose et ce qui ne coûte rien. » (VI, 105)
9)Quand vous allez au cinéma ou au théâtre, entrez par la porte où l’on sort et si l’on s’étonne, dites: « C’est ce que j’ai essayé de faire toute ma vie. » (VI, 64)
10)Si vous voyez un jeune homme qui se donne des airs efféminés, faites-lui la leçon suivante : « N’avez-vous pas honte de vouloir empirer en vous-même l’œuvre de la nature ? Elle a déjà fait de vous un homme, et vous travaillez maintenant à vous changer en femme ! » (VI, 65). Il faut moins voir dans cet exercice un entraînement au machisme qu’une affirmation de l’absence d’humanité des hommes.

lundi 28 février 2005

Travaux pratiques de cynisme (3)

1)Choisissez un chanteur particulièrement mauvais et saluez-le ainsi : « Bonjour, Chantecler ! » S’il vous demande pourquoi : « Quand tu chantes, tout le monde se lève ! » (VI, 48)
2)Demandez l’aumône à une statue et dites à ceux qui s’interrogent : « Je m’habitue au refus » (VI, 49)
3)Si l’on vous demande quel vin vous buvez avec le plus de plaisir, répondez : « Celui des autres » (VI, 54). Vous noterez que les exercices pour devenir cynique ressemblent quelquefois à ceux recommandés pour devenir mufle.
4)Si on vous surprend en train de manger un gâteau, précisez : « Les philosophes goûtent à tout, mais pas comme le reste des hommes. » (VI, 55). Cet exercice permet aussi de garder bonne conscience en commettant des manquements à la règle cynique.
5)A l’occasion d’un gros déménagement, dites à celui qui change de domicile : « N’est-ce pas une honte de posséder tant de choses et de ne pas se posséder soi-même ? » (Maximus De Divitiis et Paupertate 758)
6)Si vous demandez l’aumône et qu’on vous dit : « Je vous donnerai si vous pouvez me convaincre que vous avez raison de mendier », dites : « Si je pouvais vous convaincre, je vous convaincrais d’aller vous pendre. » (VI, 59)
7)Si on vous reproche de fréquenter des endroits mal famés, dites : « Le soleil pénètre bien dans les latrines sans en être souillé. » (VI, 63)
8)Si on vous demande pourquoi vous allez au bordel, répondez : « On y apprend qu’il n’y a pas de différence entre ce qui coûte quelque chose et ce qui ne coûte rien. » (VI, 105)
9)Quand vous allez au cinéma ou au théâtre, entrez par la porte où l’on sort et si l’on s’étonne, dites: « C’est ce que j’ai essayé de faire toute ma vie. » (VI, 64)
10)Si vous voyez un jeune homme qui se donne des airs efféminés, faites-lui la leçon suivante : « N’avez-vous pas honte de vouloir empirer en vous-même l’œuvre de la nature ? Elle a déjà fait de vous un homme, et vous travaillez maintenant à vous changer en femme ! » (VI, 65). Il faut moins voir dans cet exercice un entraînement au machisme qu’une affirmation de l’absence d’humanité des hommes.

dimanche 27 février 2005

Travaux pratiques de cynisme (2)

Que ceux qui ont le culte du "politiquement correct" sautent les exercices nº3 et nº4 !
1)Attachez à une ficelle un objet ordinaire et traînez-le dans la rue. Si l’on vous interroge, répondez : « J’imite les maîtres de chœur : ils donnent le ton au-dessus de la normale de façon à ce que tous les autres puissent tomber sur la note juste ». Le but de l’exercice est de vous permettre un jour de faire ce que vous devez faire sans crainte d’être jugé ridicule (D.L.VI, 35)
2)Buvez dans vos mains et cassez vos assiettes (VI, 37)
3)Entrez dans une mosquée, approchez-vous d’un musulman qui prie et dites-lui : « Ne craignez-vous pas que Dieu ne se tienne par hasard derrière vous – tout est plein de sa présence en effet – et alors, ne manqueriez-vous pas de tenue ? » (VI, 32)
4)Louez les services d’un gorille et chargez-le d’aller dans l’église la plus proche casser la figure à tous les fidèles qui s’agenouillent (ce 4ème exercice est destiné à faire comprendre que dans le 3ème exercice la religion musulmane n’est pas visée en tant que musulmane mais en tant que religion !) (VI, 38)
5)A la garden-party de l’Elysée, prenez le soleil dans le jardin; quand le Président arrive vers vous et, pour vous obliger, vous dit « Vous savez, vous pouvez me demander ce que vous voulez ! », répondez-lui : « Arrêtez de me faire de l’ombre ! » (VI, 38)
6)Nouvelle version d’un exercice antérieur : vous sortez d’un endroit bondé ; on vous demande si à l’intérieur il y a beaucoup de personnes, vous répondez : « non » ; en revanche quand on vous demande s’il y a foule, répondez par l’affirmative ! (VI, 40)
7)Version, facile à réaliser, de l’exercice précédent : vous allez en plein jour sur les Champs-Elysées avec une torche électrique allumée et vous la braquez sur les passants. A ceux qui vous demandent ce que vous faites, vous répondez : « Je cherche un être humain ! » (VI, 41)
8)A vos amis, soucieux d’interpréter psychanalytiquement leurs rêves, dites : « Vous ne prenez aucune attention à ce que vous faites en état de veille, mais vous examinez avec soin les fantaisies qui vous viennent en dormant. » (VI, 43)
9)L’exercice suivant est d’une extrême difficulté : au marché masturbez-vous en disant : « Si seulement on pouvait apaiser sa faim en se frottant l’estomac ! » (VI, 46)
10)Si votre réputation de cynique est établie, il vous arrivera qu’on vous lance des os ; allez donc pisser sur ceux qui le font. (VI, 46)

samedi 26 février 2005

Travaux pratiques de cynisme (1)

1)Renoncez à acheter une maison ou un appartement mais établissez votre demeure dans un tonneau (D.L. VI, 23). Bien sûr ne soyez pas naïf au point de croire qu’un SDF est un cynique, même si un cynique pourrait jouer au SDF !
2)N’allez pas aux sports d’hiver mais, en petite tenue, roulez-vous dans la neige (VI, 23)
3)Installez-vous dans une rue passante et tenez un discours sérieux et réfléchi : je suppose que la foule ne s’amassera pas autour de vous. Alors, faites des singeries et quand les gens commencent à s’attrouper, demandez-leur pourquoi il « se mettent à accourir pour des niaiseries tandis qu’ils tardent avec indifférence pour les choses importantes. » (VI, 27)
4)Allez à un concert et demandez aux musiciens pourquoi ils sont plus soucieux d’accorder leur instrument que leur âme (VI 27)
5)Rendez-vous à n’importe quel meeting politique et demandez aux orateurs pourquoi « ils mettent un tel sérieux à parler de justice sans la pratiquer en aucune façon. » (VI, 27)
6)Si votre santé décline malheureusement et que vous envisagez vos funérailles, demandez d’être enterré face contre terre. Comme le responsable des Pompes Funèbres s’étonnera, répondez : « Parce que dans peu de temps ce qui est en bas sera en haut » (VI, 31)
7)Si un nouveau riche vous fait les honneurs de sa maison, crachez-lui au visage, en précisant que c’est le seul endroit sale que vous trouvez en sa demeure (VI, 31)
8)Retournez dans la rue passante et dites à la cantonade que vous avez besoin de quelques personnes ; quelques-unes au moins s’approcheront et dites leur alors : « J’ai demandé des personnes, pas des déchets » (VI, 31)
9)Prenez un rendez-vous avec un champion olympique et quand il vous rappellera ses médailles, dites-lui : « Moi, oui, j’ai vaincu des hommes ; toi, des esclaves » (VI, 26) Vous comprenez aisément que vous ne pouvez pas commencer par cet exercice car il vous faut déjà plusieurs victoires cyniques à votre actif !
10)Si vous êtes très âgé et que vos proches vous conseillent de vous reposer, dites-leur : « Si je faisais une course, devrais-je me relâcher juste avant la ligne d’arrivée ? Ne devrais-je pas plutôt accélérer ? » (VI, 34)