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dimanche 23 novembre 2025

Cours élémentaire de philosophie : qu'est-ce que la philosophie ? (4)

On a vu dès le départ que la philosophie n'est pas la science, car ce qui caractérise la science, c'est qu'elle ne s'interroge pas sur elle-même, mais sur son objet. Ainsi, " qu'est-ce qu'un triangle ? " est une question de géométrie, mais " qu'est-ce que la géométrie ? " n'est pas une question de géométrie, c'est une question sur la géométrie. Or, je le répète : " qu'est-ce que la philosophie ? " est une question (même un problème) philosophique.

On ne peut donc pas dire que les philosophes sont des scientifiques. Cela dit, la recherche philosophique et la recherche scientifique ont un point commun : elles ont comme ennemi les opinions toutes faites et les religions quand ces dernières prétendent détenir la vérité sur les problèmes scientifiques et les problèmes philosophiques.

Il faut en effet bien distinguer les problèmes philosophiques des problèmes scientifiques. Prenons un problème scientifique, précisément un problème d'astrobiologie (ou exobiologie) : y a-t-il de la vie dans l'Univers ailleurs que sur la Terre ? Pour l'instant on ne dispose sur cette question que d'opinions, c'est-à-dire de croyances dont on ne peut pas prouver qu'elles sont vraies. Demandons-nous comment les spécialistes de ce problème vont progresser pour remplacer les multiples opinions par un savoir incontestable : on voit vite qu'il s'agit pour eux d'amplifier les expériences, de multiplier les observations. Si on met les mathématiques de côté, on peut dire que toutes les sciences ont comme caractéristique de résoudre les problèmes par la découverte de faits auparavant inconnus (physiques ou chimiques ou biologiques ou psychologiques ou sociologiques, etc) et cela par l'observation et l'expérience. Or, on ne résoud pas les problèmes philosophiques en découvrant des faits auparavant inconnus.

Prenons par exemple le problème philosophique suivant : faut-il toujours respecter le vivant ? Bien sûr la connaissance de certains faits est indispensable pour comprendre le problème : ainsi il faut savoir définir ce qu'est le fait pour un être d'être vivant (notons bien qu'on ne va donc pas seulement traiter de l'être humain). Cela dit, on voit vite que ce n'est pas en étudiant les manuels de biologie qu'on va progresser dans la compréhension du problème, car les livres en question ne feront qu'augmenter notre connaissance des faits biologiques. Or, la question posée fait référence au respect et exige qu'on identifie ce qu'est le respect ou les respects, s'il y en a de plusieurs types. Pour faire vite ici, on dira que respecter quelque chose, c'est  reconnaître la valeur (le prix, l'importance) de quelque chose, ici celle du vivant. 
Nous venons de trouver ici un premier moyen de distinguer un problème philosophique d'un problème scientifique : le problème scientifique ne porte jamais sur la valeur mais sur le fait (c'est pour cette raison que le problème de la valeur du vivant n'est pas une question au programme de la biologie, car celle-ci a comme objet le fait de la vie).

Revenons à notre problème philosophique : comment progresser dans sa résolution si sa solution n'est pas contenue dans des faits ? Il faut pour cela s'interroger (qui n'aime pas s'interroger n'aimera pas philosopher !) non sur les mots mais sur leur sens : respecter le vivant, est-ce seulement reconnaître sa valeur ? Il semble que non : que dirait-on de quelqu'un qui torture un animal et dit qu'il le respecte ? Qu'il ne sait pas ce qu'il dit ! En effet respecter le vivant, c'est aussi se conduire de certaines manières, lesquelles alors ? etc. Cela dit, on aura beau approfondir dans cette direction, le problème ne sera pas bien identifié si on ne prend pas en compte tous les mots du problème : on se demande en effet s'il faut toujours respecter le vivant, ce qui nous permet d'évoquer deux autres positions possibles, qu'il ne faut jamais le respecter ou qu'il faut quelquefois le respecter. Enfin on se demande non si on peut respecter le vivant (est-ce réalisable ?) mais s'il faut (est-ce obligatoire ?, question qui suppose donc que c'est réalisable).

En lisant vite ce que je viens d'écrire, on pourrait conclure que la philosophie ne porte pas sur les choses mais sur les mots. Les mauvaises langues pourraient même aller jusqu'à dire que les philosophes jouent avec ou sur les mots, ce qui semblerait bien superficiel, vu que les choses nous posent déjà tant de problèmes ! Mais il n'en est rien : la philosophie ne s'amuse pas avec les mots ! En voici la preuve : dans le problème qui nous intéresse, on s'interroge bien sur ce qu'est le vivant (pas le mot " vivant "), on se demande si cette réalité qu'est le vivant doit être toujours ou non respectée (on ne se demande pas seulement ce que veut dire le mot " respectée " en français). Certes il se trouve que ce problème concernant ces choses que sont le vivant et le respect ne peut pas être réglé et encore moins compris si on ne connaît pas bien le sens des mots que l'on emploie. 

On peut en conclure que peu importe la langue que l'on parle, il faut cependant bien la maîtriser pour s'initier aux problèmes philosophiques. Sinon on mélangera tout : par exemple on se demandera s'il faut toujours aimer les êtres vivants (mais on peut, qui sait ?, ne pas aimer ce qu' on respecte ou ne pas respecter ce qu'on aime : est-ce que je respecte ce gâteau que j'aime tant ?) ou toujours s'y intéresser (mais s'intéresser à la Lune, ça veut dire la respecter !).

Les philosophes et les scientifiques ne font donc pas le même job. Cela dit, les philosophes ont besoin des scientifiques car, si les problèmes philosophiques ne se réduisent pas à des questions de faits, ils supposent quand même une connaissance des faits qu'ils mentionnent et les scientifiques ont besoin des philosophes quand ils cherchent à clarifier des problèmes qui ne sont pas scientifiques, comme par exemple : " qu'est-ce que les sciences ? ". On peut donc voir les uns et les autres comme des alliés.

La prochaine fois, on réfléchira sur les problèmes philosophiques portant sur la conscience, qui est donc la première notion du programme que l'on abordera.

vendredi 5 mai 2023

Ça commence mal (9)

MOI : - Mais si vous êtes porté à douter, vous n'êtes donc pas athée ?
ELLE : - Disons que je suis athée au sens où je tiens pour vrai que Dieu n'existe pas, mais je reconnais ne pas savoir que Dieu n'existe pas.
MOI : - Ne peut-on vraiment pas le savoir ?
ELLE : - La réponse à la question dépend  en fait de la définition de Dieu. Si, comme les épicuriens, on croit qu'être un dieu, c'est être un objet composé d' atomes et situé dans l'espace, alors on peut savoir qu'on n' a découvert aucun objet de ce type dans l'univers. Mais si on définit dieu comme un être qui a créé l'Univers et qui n'est ni dans l'espace ni dans le temps, aucune enquête ne peut aboutir à son inexistence, puisque, dès le départ, sa définition en fait quelque chose dont on ne peut pas avoir l'expérience.
MOI : - Et par le raisonnement pur, on ne peut pas aboutir à la conclusion que son existence est impossible ?
ELLE : - Certes, si on prouvait que l'existence de l'univers implique logiquement l'inexistence de Dieu, ça serait un argument puissant en faveur de l'athéisme, mais ce n'est pas le cas. Tout au contraire, l'astrophysicien le plus éclairé peut croire en Dieu !
MOI : - Est-il réellement éclairé s'il croit en Dieu tout en étant scientifique ?
ELLE : - Oui, il est réellement éclairé scientifiquement mais il doit aussi penser que la connaissance scientifique n'est pas la seule connaissance. Il ne peut donc pas être scientiste et croire en Dieu.
MOI : - Je ne comprends pas : la théorie du Big Bang explique l'univers de A à Z, non ?
ELLE : - En effet mais le processus que la science décrit peut être attribué à la création de Dieu !
MOI : - Comment comprendre la création si le temps et l'espace ne sont pas antérieurs à l'univers ?
ELLE : - En effet mais ce que vous dites suppose qu'on ne dépasse pas ce que nous apprend la science, mais il n'y a pas de science justifiant l'idée que seule la science apporte une connaissance de la réalité, pas plus qu'il n'y a de raisonnement justifiant l'idée que seule la raison est un moyen de connaître la réalité.
MOI : - Je ne comprends pas votre dernier point.
ELLE : - C'est simple : si vous faisiez un raisonnement aboutissant à l'idée que la raison est le seul moyen d'aboutir à la connaissance, vous supposeriez ce que vous devez justifier, que la raison permet de connaître  la vérité, ici la vérité sur la portée du raisonnement.
MOI : - Le rationalisme ne peut donc pas être prouvé par la raison et si je vous comprends bien, c'est une des raisons pour lesquelles vous sympathisez avec le scepticisme. Cela dit, revenons à la religion : savez-vous quelque chose sur ses effets, indépendamment de la question de sa vérité ?
ELLE : - Ils peuvent être puissants, l'histoire l'a montré, et autant au service du bien que du mal !
MOI : - Vous aimeriez croire ? 
ELLE : - J'ai été croyante en effet dans mon enfance et je crois ne jamais avoir de plus forts plaisirs d'amour-propre qu'à cette époque.
MOI : - ?
ELLE : - Au sens où j'étais fière de pouvoir être, par moments du moins, aussi bonne que Dieu voulait que je sois. 
MOI : - Vous êtes nostalgique ?
ELLE : - Pas du tout, car non seulement la religion met la barre trop haut mais en plus elle se trompe à mes yeux sur l'identité de qui met la barre. 
MOI : - Met-elle la barre trop haut ou la place-t-elle tout simplement mal ? Pensez par exemple à la culpabilisation relative à la masturbation.
ELLE : - Sur ce point, je vous donne raison. Mais je pensais plutôt à l'altruisme qu'elle ordonne. J'en étais venue à croire que penser du mal de quelqu'un sans le dire est déjà un péché. Et cet oeil de Dieu, qui voit tout !
MOI : - D'un autre côté, elle doit favoriser chez quelques-uns l'acuité au niveau de l'introspection et donc une certaine lucidité sur les intentions.
ELLE : - Il se peut mais qui dit que cette vigilance ne se mêle pas à beaucoup d'illusions sur soi ?