mercredi 1 avril 2020

Greguería n°336

" Gran conflicto del escritor : cuando le piden que añada dos palabras a lo escrito."
" Grand conflit chez l'écrivain quand on lui demande d'ajouter deux mots à ce qu'il a écrit."

mardi 31 mars 2020

Greguería n°335

" El gato está muy desengañado de todo porque desde su rincón en el despacho del señor, o desde el gabinete de la señora, mira frente a frente a la Muerte, que está en esa misma habitación siempre."
" Le chat est complètement revenu de tout parce que, de son coin dans le bureau de Monsieur ou du cabinet de toilette de Madame, il voit face à face la Mort qui est toujours dans la pièce où il est. "

La contextualisation historique.

Lire Vesperini est passionnant car cet historien érudit et brillant contextualise historiquement les Penseurs vénérés de l'Antiquité philosophique : il a commencé avec La philosophia et ses pratiques d'Ennius à Cicéron (École française de Rome, 2012), puis s'est centré sur deux Philosophes, le premier, stoïcien (Droiture et mélancolie. Sur les écrits de Marc-Aurèle, Verdier, 2016), le second, épicurien (Lucrèce. Archéologie d'un classique européen, Fayard, 2017), pour enfin proposer une synthèse plus ambitieuse La philosophie antique. Essai d'histoire (Fayard, 2019). La lecture de ces ouvrages est très intéressante car Pierre Vesperini en ethnologue foucaldien, si on me permet l'expression, reconstitue l'identité des auteurs qu'il traite en se plaçant du point de vue de la culture où ils écrivent et clairement défend la thèse que ni Marc-Aurèle n'était un philosophe stoïcien, ni Lucrèce un philosophe épicurien. Bien sûr c'est aux autres historiens de la philosophie antique de juger ces thèses, mais qu'en penser en philosophe ? Vincent Descombes dans ses Exercices d'humanité (Les Dialogues des petits Platons, 2013) dit à mes yeux clairement l'essentiel :
" Il va de soi que l'on doit tenir compte de l'histoire, du contexte. Mais le fin mot de l'affaire, c'est que Platon nous intéresse par sa philosophie et par le fait que nous heurtons aux mêmes apories que lui (par exemple avec la théorie des ensembles). C'est pour cela que nous faisons l'effort de nous transporter jusqu'à lui, de façon à pouvoir poser le problème de l'un et du multiple autrement que comme une curiosité antique." (p. 21-22)
Même révisés à la baisse culturellement, et humainement tout autant, Sénèque (à propos, Pierre Vesperini l'exécute en 8 pages dans son dernier ouvrage...), Marc-Aurèle, Lucrèce etc. continuent de nous intéresser par leurs arguments en rapport avec tel ou tel problème philosophique, peu importe au fond qu'ils n'aient pas pensé leurs textes comme des textes philosophiques porteurs d'arguments. Dit en d'autres termes, l'oeuvre de Pierre Vesperini est éclairante concernant l'élucidation du contexte de découverte relatif aux productions des auteurs mais aux philosophes de travailler sur le contexte de justification. La géométrie euclidienne perdrait-elle sa part de vérité si on apprenait qu'Euclide n'était pas perçu par ses contemporains comme le fondateur de la géométrie, ni ne se percevait comme tel ?

Commentaires

1. Le mardi 31 mars 2020, 18:13 par gerardgrig
Les Pères de l'histoire de la philosophie à la française (Gueroult, Alquié, Gouhier, Hyppolite), qui rendaient les auteurs et les textes si vivants, se sont affrontés sur ce problème capital.

lundi 30 mars 2020

Greguería n°334

" Hay rosas que se abren tanto queriendo ver la vida, tan de par en par, que mueren deshojadas en seguida."
" Il y a des roses qui, voulant voir la vie, s'ouvrent tellement, tellement largement, qu'elles meurent effeuillées instantanément."

dimanche 29 mars 2020

Greguería n°333

" El adolescente ve siempre en los espejos de los pisos bajos mujeres que se peinan."
" L'adolescent voit toujours dans les miroirs des appartements en contrebas des femmes qui se peignent."

samedi 28 mars 2020

Greguería n°332

" El artista ante los ignaros sabe que es inútil su arte, como el peluquero cuando corta el pelo a un ciego."
" L'artiste face aux ignares sait que son art est inutile, comme le coiffeur quand il coupe les cheveux d'un aveugle."

vendredi 27 mars 2020

Greguería n°331

" El Pensador de Rodin es un ajedrecista a quien le han quitado la mesa."
" Le Penseur de Rodin est un joueur d'échecs à qui l'on a retiré la table."

Commentaires

1. Le jeudi 2 avril 2020, 02:41 par gerardgrig
C'est le principe du couteau de Lichtenberg, sans lame, et qui a perdu son manche. Ici, c'est le joueur d'échecs, sans sa table et sans son jeu. Il y a aussi la gregueria des picadors sans taureau ni toréador. Une constante des greguerias est la fascination pour le langage en tant qu'il fait disparaître le monde.
2. Le samedi 4 avril 2020, 22:30 par gerardgrig
C'est la même chose dans le cas du débat sur le port du masque anti-pandémique, alors qu'il n'y a pas de masques.

jeudi 26 mars 2020

Greguería n°330

" El borracho sentimental toma el buzón por el panteón de su difunta y la llora apoyado en él. "
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" L'ivrogne qui est sentimental prend la boîte aux lettres pour le monument funéraire de sa femme disparue et, s'y appuyant, la pleure."

mercredi 25 mars 2020

Greguería n°329

" En el hombro ala hay un pedazo de brazo de mujer, pero lo demás son plumas."
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" Dans l'aile il y a un morceau de bras de femme, mais pour le reste ce sont des plumes."

Le suicide de Caton, révisé à la baisse.

Pierre Vesperini écrit des ouvrages explicitement démysticateurs. En effet son ambition est de remplacer l'histoire officielle de la philosophie antique, histoire de philosophes, au sens double où elle est écrite par des philosophes et porte sur des philosophes, par une histoire vraie de la philosophie antique écrite par un historien et portant moins sur des figures philosophiques que sur le monde social et culturel dans lequel ces " vedettes " vivaient. J'ai déjà rendu compte le 7 décembre 2016 du traitement que Pierre Vesperini a fait subir à Marc-Aurèle qui passait, pour faire très vite, du statut de philosophe stoïcien à celui d' empereur se servant à des fins non philosophiques de la philosophie stoïcienne. Aujourd'hui je souhaite juste faire connaître la manière de faire de ce destructeur de vulgates. Je tire ces lignes du dernier ouvrage de Pierre Vesperini paru chez Fayard en 2019 La philosophie antique. Essai d'histoire. Elles sont contenues dans le chapitre V, intitulé La révolution romaine, où l'historien analyse la réception de la philosophie grecque dans la culture de la Rome républicaine. L'auteur réfléchit sur le sens du " suicide de Caton, qui préfère mourir libre plutôt que de vivre sous la domination de Jules César . " :
" Très souvent, on y voit un exemple de l'influence des philosophes sur les Romains. Mais dans le récit de Plutarque, notre principale source, ce qui est étonnant, c'est que justement les deux philosophes qui entourent Caton, un Péripatéticien et un Stoïcien, sont absolument opposés au suicide. Et c'est lui qui leur reproche leur manque de cohérence, en leur opposant les discours qu'ils lui ont fait connaître. On voit très bien qu'il y avait une grande différence pour les philosophes entre exposer des doctrines éthiques et enjoindre à leurs auditeurs de les appliquer. Il y avait même une grande différence pour les philosophes entre enjoindre à leurs auditeurs d'appliquer des doctrines et attendre d'eux qu'ils le fassent réellement. Car il était courant, au cours d'une conférence, de faire de grands et beaux discours appelant à se montrer toujours et partout d'une vertu inflexible. Mais cette conférence était un " jeu de langage " qu'on trouvait dans les théâtres. Une fois le spectacle fini, chacun rentrait chez soi satisfait d'avoir entendu de belles choses, mais personne ne changeait de vie pour autant. Dans l'attitude littéraliste de Caton, il a donc quelque chose de typique de ces Romains que la philosophie conduisait parfois au bord de la folie. Et je crois que, si l'on veut vraiment comprendre ces Romains, il ne faut pas seulement les étudier en compagnie des autres Romains qui se sont particulièrement intéressés à la philosophie. Il faut surtout les rapprocher des Romains à qui les savoirs grecs ont fait perdre la raison. Des Romains se sont perdus pour posséder un chef-d'œuvre d'art grec ou par une passion pour la mythologie. Il y avait dans la culture grecque quelque chose qui fascinait, et cette fascination pouvait perdre ceux qui s'y abandonnaient. " (p. 241-242)
Caton aurait donc été une victime parmi d'autres de la mode grecque autant qu'un interprète naïf des exhortations des philosophes. On pourra aussi penser que la version de Plutarque, bien qu'elle soit la source principale, ne dit pas la vérité .

Commentaires

1. Le mercredi 25 mars 2020, 15:20 par gerardgrig
Chez les penseurs gréco-arabes, il y avait une sorte de culte sécularisé de la philosophie grecque, une dévotion presque superstitieuse pour sa méthode. Même les théologiens, pourtant hostiles aux Grecs, se mettaient à la démonstration. On pourrait donc nuancer ce que disent les lecteurs d'Henry Corbin, concernant le dialogue de sourds entre la falsafa et le kalam. Sur le plan théologico-politique, il y avait un jeu de rôles entre le Calife et le Faylsuf. Le Roi-Philosophe et le Philosophe-Roi auraient pu échanger leurs rôles. Dans ce contexte, le Roi-Philosophe était le Législateur-Prophète, fou de pensée et d'art grecs.