vendredi 30 septembre 2005

Anaxagore : la porte ouverte aux jeux.

Souvent ce qu'écrit Diogène Laërce est repris de sources plus anciennes ou par des auteurs postérieurs. D'où des variantes suggestives. Mais il arrive aussi qu'il soit le seul à mentionner un trait, comme cet étrange geste en faveur des enfants:
" Et à la fin il s'en alla à Lampsaque, et c'est là qu'il mourut. C'est alors que, les archontes de cette ville lui demandant ce qu'il souhaitait qu'on fasse pour lui, il dit de laisser jouer les enfants, chaque année, pendant le mois qui serait celui de sa mort. Et la coutume s'en conserve encore aujourd'hui" (II, 14-15)
J'imagine donc que c'est un mois sans instruction ni éducation. Le voeu du savant philosophe est de faire plaisir aux enfants. A la différence d'Anaximandre qui est soucieux d'être un modèle irréprochable pour les enfants, Anaxagore les libère de tout apprentissage en les laissant vaquer. A-t-il pensé que le meilleur moyen de ne pas être oublié, c'est d'être associé par tous les citoyens de Lampsaque aux longs jeux plaisants de leur enfance ? Finalement cette curieuse initiative est moderne par la valeur qu' elle accorde aux jeux des enfants entre eux. Je pense à Descartes qui, si souvent, identifie l'enfance à un handicap dans la mesure où l' ignorance innée des enfants et l'immaturité de leur raison les livrent sans remède à l'autorité des professeurs et à la tromperie des sens. Descartes pour qui philosopher, c'est d'abord mesurer l'étendue des dégâts causés par la crédulité enfantine vis-à-vis de l'école et de la perception. Philosopher, détruire l'enfant en soi pour ouvrir le chemin à la raison. Anaxagore, lui, laisse l'enfant enfant et prolonge même son enfance. Décision de l'adulte éclairé: s'abstenir assez durablement de guider l'enfant. Mais il faudrait un autre mot qu'enfantillage ou puérilité pour désigner l'occupation de ce mois de loisir accordé aux petits lampsaquiens par Anaxagore. Je propose de réhabiliter "enfantise", vieux mot en usage à Lyon au 19ème, selon Pierre Larousse.

jeudi 29 septembre 2005

Digression n°1: quel est le premier philosophe ?

Je lis de temps en temps la liste des mots par lesquels, via Google, les internautes arrivent sur mon blog. Il se trouve qu'un d'entre eux cherchait à se renseigner sur "le premier philosophe". Ce qui me donne l'idée de l'éclairer même s'il est probable que dans ce gigantesque libre-service gratuit qu'est Internet ce client ne revienne jamais se servir à mon rayon... On dit quelquefois en classe que le premier philosophe est Platon en s'appuyant sur le fait que c'est seulement dans son oeuvre que la philosophie apparaît pour la première fois sous son nom grec "philosophia". On disait dans les vieux manuels, en faisant confiance au témoignage de Cicéron, que le premier philosophe était Pythagore. Mais aucun texte n'appuie ce dire. Bien sûr l'attribution de la paternité à Platon est bien contestable car d'abord Platon présente Socrate, son maître, comme étant l'incarnation même de la philosophie. Cependant rien n'autorise à affirmer que le Socrate platonicien est conforme au Socrate historique (Platon n'est pas le premier historien !); et puis il y a d'autres Socrate qui concurrencent le personnage platonicien: ceux de Xénophon et d'Aristophane... Ensuite l'usage veut qu'on appelle philosophes les penseurs pré-socratiques même si, semble-t-il, ils ne se sont pas désignés ainsi. L' embarras redouble au moment de réaliser que parmi ces philosophes certains sont traditionnellement appelés des sages comme Thalès par exemple. Ce qui complique en plus la tâche, c'est que ces présocratiques ont des dates de naissance et de mort très indéterminées. Plus radicalement, on peut penser que la question est mal posée et qu' il n'y a pas plus de premier philosophe que de premier homme. Je serais plutôt enclin à penser la philosophie comme étant née au sein d' un milieu, dans le cadre de discussions sur la valeur des textes homériques, entre autres. Ceci dit, on ne croit plus à l'opposition entre des textes mythologiques et irrationnels d'un côté comme la Cosmogonie d'Hésiode et de l'autre des textes philosophiques et rationnels comme les Dialogues de Platon. Ainsi Cornélius Castoriadis dans un de ses séminaires me paraît avoir été à la recherche de la philosophie d'Homère. Doit-on s'en tenir à dire alors que les premiers philosophes sont grecs ? Est-ce seulement dans cette partie de la Méditerrannée entre le 7ème et le 5ème que s'élabore cette discipline plus que bi-millénaire qu'est la philosophie ? Pour défendre une telle position, il est ordinaire de soutenir qu' en Inde, en Chine et ailleurs, la réflexion ne s'est pas dégagée de la gangue de la théologie. Pourtant, si l'on prend connaissance de la richesse des controverses conceptuelles qui sont nées par exemple du bouddhisme, on n'y trouve guère de références à la parole révélée. d'autant moins que Bouddha dit explicitement s'adresser à l'intelligence de ceux qui l'écoutent. Certes ces penseurs ne s'appelaient pas philosophes mais si l'on n'appelle pas automatiquement philosophe toute personne qui se croit telle, pourquoi donc ne pas donner le nom de philosophe à des hommes qui ne se pensaient pas comme tels ? Les musées ne sont-ils pas pleins d'oeuvres faites par des hommes qui n'étaient ni pour eux-mêmes ni pour les autres des artistes ? Une telle extension de la philosophie au-delà des limites européennes n'entraîne pas à identifier tout homme qui pense à un philosophe. Cependant les délimitations classiques et scolaires entre science, théologie, philosophie et littérature restent tout de même assez conventionnelles et fragiles. Résumons: il n'y a pas eu de premier philosophe mais tous les hommes ne sont tout de même pas philosophes.

Commentaires

1. Le mercredi 5 décembre 2007, 10:20 par piwo
ça dépend effectivement de ce qu'on entend par philosophe, philosophie, philosopher... ; si on prend philosophe au sens "occidental" du mot, et si on élimine ceux dont l'oeuvre n'est que fragments +/- douteux (Anaximandre, etc.), alors je dirais Héraclite.

mardi 27 septembre 2005

Anaxagore et Périclès : le philosophe en lampe sans carburant.

Dans l'Apologie de Socrate, dialogue reconstituant le procès de son maître, Platon présente Mélétos formulant une des deux accusations dont Socrate est la cible:
"Tu ne crois pas du tout aux Dieux !" (26 c)
Socrate alors proteste:
"Qu'est-ce qui te fait dire cela, ô prodigieux Mélètos ? Est-ce donc que je ne crois pas, comme le croit le reste des hommes, que le Soleil est un Dieu et aussi la Lune ?" (26 d)
A cela Mélètos réplique en justifiant son affirmation:
"Par Zeus ! il ne le croit pas, Juges, puisqu'il dit du Soleil que c'est une pierre, de la Lune, que c'est une terre." (ibid.)
Socrate ne peut accepter l'identification erronée:
"C'est Anaxagore, cher Mélètos, que tu te figures accuser ! Et, ce faisant, tu méprises les juges qui nous écoutent, et tu les figures assez inexpérimentés en lecture pour ignorer que les livres d'Anaxagore de Clazomènes regorgent de telles conceptions; et ce serait de moi que la jeunesse les aurait apprises, alors qu'il lui est possible de faire à l'orchestre (partie de l'agora où se tient le marché aux livres, explique J.P. Dumont) acquisition de ces livres, quelquefois pour une drachme quand ils se vendent très cher ! C'est de Socrate qu'elle se gausserait, la jeunesse, s'il feignait que ces conceptions sont de lui, étant donné surtout leur éminente singularité." (ibid.)
La critique adressée à Anaxagore est sévère: sa philosophie est susceptible d'être objet de moqueries, ce qui explique que les livres qui la présentent ne valent pas un sou. Il n'en reste pas moins que c'est seulement du point de vue de Socrate qu'Anaxagore est ainsi évalué. En effet Mélètos juge ses positions dangereuses et dignes d'être combattues. Ce qui était déjà le cas de certains des contemporains d'Anaxagore, d'où le procès pour impiété. Le chef d'accusation principal semble avoir été sa conception du soleil, réduit par lui à une "masse métallique incandescente" comme le rapporte Diogène ou à une "pierre de meule embrasée" selon le témoignage antérieur de l' historien Flavius Josèphe. Peu importent les divergences: Anaxagore refuse la divinisation des corps célestes. Il n'en reste pas moins que, comme plus tard pour Socrate, cette mise en accusation exprime aussi un rapport de forces politique, dans ce cas précis défavorable à Périclès, même si le détail de l'affaire semble encore échapper aux historiens. Quant à l'issue du procès, même en ne s'en tenant qu'à Diogène Laërce, les versions sont nombreuses mais dans toutes Périclès vient à son secours et le fait échapper à la mort . Dans aucune Anaxagore ne fait belle figure, à la différence de Socrate qui, se considérant digne d'être récompensé et non puni, ne donne pas à ses juges d'autre alternative que la condamnation à mort. S'appuyant d'abord sur Sotion, aristotélicien du 3ème siècle av. JC, Diogène fait de Périclès le plaideur capable de transformer la peine de mort en banissement et en amende. Se référant ensuite à Hermippe de Smyrne, source aussi ancienne que la première, Diogène donne à Périclès un rôle moins conventionnel. Alors que son maître attend d'être exécuté, se présentant comme son élève, il le fait relâcher en mettant en relief l'exemplarité de sa vie et le rôle des calomnies. Enfin tirant cette fois son savoir de Hiéronymos de Rhodes, élève d'Aristote, Laërce réduit la fonction de Périclès à bien peu: il se contente de présenter au tribunal son maître "ravagé et affaibli par la maladie", ce qui suffit à éveiller la compassion des juges et à annuler toute peine. Pour rendre justice à Anaxagore, il faut tout de même mentionner l'indifférence pré-stoïcienne avec laquelle selon Satyros, historien grec contemporain de Sotion, il accueille la nouvelle de sa condamnation à mort par les juges:
"Contre eux et contre moi, il y a bien longtemps que la nature a rendu son verdict" (II, 13)
Heureux homme, qui pouvait se consoler avec une simple métaphore...

lundi 26 septembre 2005

Anaxagore vu par Platon (III) : bien qu'élève de son élève, Socrate ne veut pas être confondu avec Anaxagore.être confondu avec

Dans l'Apologie de Socrate, dialogue reconstituant le procès de son maître, Platon présente Mélétos formulant une des deux accusations dont Socrate est la cible:
"Tu ne crois pas du tout aux Dieux !" (26 c)
Socrate alors proteste:
"Qu'est-ce qui te fait dire cela, ô prodigieux Mélètos ? Est-ce donc que je ne crois pas, comme le croit le reste des hommes, que le Soleil est un Dieu et aussi la Lune ?" (26 d)
A cela Mélètos réplique en justifiant son affirmation:
"Par Zeus ! il ne le croit pas, Juges, puisqu'il dit du Soleil que c'est une pierre, de la Lune, que c'est une terre." (ibid.)
Socrate ne peut accepter l'identification erronée:
"C'est Anaxagore, cher Mélètos, que tu te figures accuser ! Et, ce faisant, tu méprises les juges qui nous écoutent, et tu les figures assez inexpérimentés en lecture pour ignorer que les livres d'Anaxagore de Clazomènes regorgent de telles conceptions; et ce serait de moi que la jeunesse les aurait apprises, alors qu'il lui est possible de faire à l'orchestre (partie de l'agora où se tient le marché aux livres, explique J.P. Dumont) acquisition de ces livres, quelquefois pour une drachme quand ils se vendent très cher ! C'est de Socrate qu'elle se gausserait, la jeunesse, s'il feignait que ces conceptions sont de lui, étant donné surtout leur éminente singularité." (ibid.)
La critique adressée à Anaxagore est sévère: sa philosophie est susceptible d'être objet de moqueries, ce qui explique que les livres qui la présentent ne valent pas un sou. Il n'en reste pas moins que c'est seulement du point de vue de Socrate qu'Anaxagore est ainsi évalué. En effet Mélètos juge ses positions dangereuses et dignes d'être combattues. Ce qui était déjà le cas de certains des contemporains d'Anaxagore, d'où le procès pour impiété. Le chef d'accusation principal semble avoir été sa conception du soleil, réduit par lui à une "masse métallique incandescente" comme le rapporte Diogène ou à une "pierre de meule embrasée" selon le témoignage antérieur de l' historien Flavius Josèphe. Peu importent les divergences: Anaxagore refuse la divinisation des corps célestes. Il n'en reste pas moins que, comme plus tard pour Socrate, cette mise en accusation exprime aussi un rapport de forces politique, dans ce cas précis défavorable à Périclès, même si le détail de l'affaire semble encore échapper aux historiens. Quant à l'issue du procès, même en ne s'en tenant qu'à Diogène Laërce, les versions sont nombreuses mais dans toutes Périclès vient à son secours et le fait échapper à la mort . Dans aucune Anaxagore ne fait belle figure, à la différence de Socrate qui, se considérant digne d'être récompensé et non puni, ne donne pas à ses juges d'autre alternative que la condamnation à mort. S'appuyant d'abord sur Sotion, aristotélicien du 3ème siècle av. JC, Diogène fait de Périclès le plaideur capable de transformer la peine de mort en banissement et en amende. Se référant ensuite à Hermippe de Smyrne, source aussi ancienne que la première, Diogène donne à Périclès un rôle moins conventionnel. Alors que son maître attend d'être exécuté, se présentant comme son élève, il le fait relâcher en mettant en relief l'exemplarité de sa vie et le rôle des calomnies. Enfin tirant cette fois son savoir de Hiéronymos de Rhodes, élève d'Aristote, Laërce réduit la fonction de Périclès à bien peu: il se contente de présenter au tribunal son maître "ravagé et affaibli par la maladie", ce qui suffit à éveiller la compassion des juges et à annuler toute peine. Pour rendre justice à Anaxagore, il faut tout de même mentionner l'indifférence pré-stoïcienne avec laquelle selon Satyros, historien grec contemporain de Sotion, il accueille la nouvelle de sa condamnation à mort par les juges:
"Contre eux et contre moi, il y a bien longtemps que la nature a rendu son verdict" (II, 13)
Heureux homme, qui pouvait se consoler avec une simple métaphore...

dimanche 25 septembre 2005

Anaxagore et Périclès : tout n'est pas à interpréter.

Plutarque avait-il lu le Phèdre quand il rapporte dans sa Vie de Périclès l'ascendant positif exercé par Anaxagore sur l'homme politique ? Si c'est le cas, il n'a pas repris la condamnation ironique formulée par Socrate:
"Celui qui fréquenta le plus Périclès, et qui lui donna cette gravité et cette dignité qu'il gardait en tous ses faits et ses dits, plus seigneuriale que ne comporte la condition et l'état de ceux qui ont à haranguer devant un peuple libre, et qui bref lui éleva ses moeurs jusqu'à une certaine majesté qu'il avait en toutes ses façons de faire, fut Anaxagore de Clazomènes." (4, trad. de Amyot-1559-) Ricard dans sa traduction de 1830 met aussi nettement en évidence le décalage entre le régime et la hauteur de Périclès:
" L’ami le plus intime de Périclès, celui qui contribua le plus à lui donner cette élévation, cette fierté de sentiments peu appropriées, il est vrai, à un gouvernement populaire, celui enfin qui lui inspira cette grandeur d’âme qui le distinguait, cette dignité qu’il faisait éclater dans toute sa conduite, ce fut Anaxagore de Clazomènes".
Cicéron dans De l'orateur avait également ouvert à Plutarque la voie de l'éloge en opposant "le fameux Anaxagore, un homme exceptionnel, versé dans la science des choses les plus importantes" à "un quelconque aboyeur à la clepsydre" (III, 138). La référence un peu elliptique à l'aboyeur est éclairée par le texte original: "At hunc non declamator aliqui ad clepsydram latrare docuerat (...) ". Il s'agirait donc d'un déclamateur qui apprendrait non à parler mais à brailler, en minutant soigneusement le temps passé à donner ses fort mauvaises leçons, la clepsydre étant une horloge à eau. Sur la qualité de l'enseignement donné par Anaxagore à Périclès, à part ces généralités un peu contradictoires, on dispose d'un texte lumineux de Plutarque où sur un point précis Anaxagore ouvre magistralement la voie à l'explication scientifique :
"L'on dit que l'on apporta un jour à Périclès de l'une de ses terres la tête d'un bélier (ce n'est pas n'importe quelle bête mais un animal qui a symbolisé autant Hermès qu'Apollon) qui n'avait qu'une seule corne, et que le devin Lampon, ayant considéré cette tête qui n'avait qu'une corne forte et donc au milieu du front, interpréta que cela voulait dire, qu'y ayant deux ligues et deux partis en la ville d'Athènes touchant le gouvernement, celle de Périclès et celle de Thucydide, la puissance des deux serait toute réduite en une, et notamment en celle de celui en la maison duquel ce signe était advenu ( Lampon cherche le sens, la raison et dans le même mouvement conseille et flatte); mais qu'Anaxagore qui se trouvait là présent fit fendre la tête en deux, et montra aux assistants comme le cerveau du bélier n'emplissait pas la capacité de son lieu naturel, mais se resserrait de toutes parts, et allait aboutissant en pointe comme un oeuf, à l'endroit où la corne prenait le commencement de sa racine; si en fut Anaxagore fort estimé sur l'heure par tous les assistants, mais Lampon le fut aussi bientôt après, quand Thucydide fut chassé, et que toutes les affaires de la répùblique tombèrent entre les mains de Périclès." (9, trad. Ricard).
Doit-je voir dans ces lignes une présage (sic) ? Aujourd'hui, même si les Anaxagore s'acharnent à expliquer la nature en évacuant les raisons, donc la supersition, les Lampon prolifèrent et font des affaires. Et je crains que ceux qui donnent du sens à ce qui n'a que des causes n'aient malheureusement encore de beaux jours devant eux...

samedi 24 septembre 2005

Anaxagore vu par Platon (2) : la clé du succès de Périclés.

Dans le Phèdre de Platon, Socrate ne parle plus d'Anaxagore comme l'auteur d'un ouvrage qui ne tient pas ses promesses mais comme le maître de Périclès. Ce dernier est d'après Socrate "parvenu au plus haut degré du talent oratoire" (269 e); cependant, curieusement, il ne le doit pas à une maîtrise incomparable de la rhétorique mais à l'apport d'Anaxagore. Le texte vaut pour son ambiguïté d'être cité in extenso selon la traduction de Jean-Paul Dumont (1988):
" Tous ceux des arts qui ont du prix réclament un complément de subtilité (Robin (1950) avait choisi "complément de bavardage"...) et de rêverie spéculative concernant la nature; car c'est bien de là que s'introduisent en eux la sublimité de pensée (pas de divergence cette fois avec la traduction de Robin) qui les caractérise, et la perfection de la mise en oeuvre. C'est justement de ce complément que Périclès a bénéficié, outre ses qualités naturelles. La raison en est, je crois, que, étant tombé sur quelqu'un comme Anaxagore, il se gorgea de rêveries spéculatives (c'est mot à mot la traduction de Robin) et en vint à considérer la nature à la fois de l'Intellect (qu'on n'oublie pas que l'Intellect ou l'Intelligence, traduction habituelle du nous grec, est le fondement du monde) et de l'absence d'intelligence, choses dont Anaxagore faisait grand cas; d'où il tira, pour l'appliquer à l'art de la parole, ce qui s'y rapportait." (ibid.)
Ni Périclès ni Anaxagore ne sortent grandis de ce passage. Le fameux homme politique tirerait son ascendant d'une connaissance douteuse et le philosophe ne serait au fond qu'un exceptionnel imaginatif (non, pas un délirant tout de même...). "Rêverie spéculative concernant la nature" traduit le grec meteorologia que Bailly dans son dictionnaire rend par "recherche concernant les corps célestes". Mais Robin dans une note justifie sa traduction en associant à ce même mot grec l'"étude des choses qui sont en l'air", d'où une double connotation selon que l'air rapproche du divin ou du vent ! Il semble donc ici que Platon fait le même usage ironique de l'expression qu'Aristophane dans les Nuées quand il place Socrate dans une nacelle au-dessus de la scène pour manifester à quel point les philosophes n'ont pas de contact avec la réalité. Aucun autre passage de Platon ne reprend cette charge contre Anaxagore, mais en revanche dans les Mémorables, Xénophon, disciple aussi de Socrate, attribue à son maître des propos sévères contre Anaxagore:
"En général, Socrate dissuadait (ses disciples) de s'adonner à l'étude de la manière dont Dieu règle les phénomènes célestes (...): "On courait, disait-il, en se consacrant à cette étude, le risque de divaguer rien moins qu'Anaxagore, qui eut l'extrême orgueil d'expliquer les mécanismes divins. Car quand il dit que le Soleil est de feu (on verra plus tard que la thèse a failli pour lui être mortelle), il oublie que les hommes peuvent facilement regarder le feu en face, alors qu'il est impossible de fixer le Soleil et que les rayons du Soleil font un teint bronzé, ce que ne fait pas le feu." (IV, 7, 6, trad. de Dumont)
Le sens de la critique est clair: la physique anaxagoréenne n'est pas à l'échelle de ce qu'elle vise à connaître. Prise au piège d'une métaphore (comme le feu, le soleil brille), elle manque la grandeur des choses célestes. Le regard en l'air, Anaxagore ne voit pourtant pas plus loin que le bout de son nez.

jeudi 22 septembre 2005

Anaxagore vu par Platon (1) : la déception de Socrate.

C'est par une lecture publique que Socrate fait connaissance avec Anaxagore. Le passage devait avoir été soigneusement choisi car il y apprend la grande thèse anaxagoréenne que "c'est l'intelligence qui met tout en ordre et qui est la cause universelle." (Phédon 97 b, trad. Robin). Autrement dit, ni l'Eau, ni l'Air, ni l'Illimité mais l'Intellect ou l'Intelligence. Socrate, disciple d'Archélaos, disciple lui-même d' Anaxagore, pense avoir trouvé le Livre. Sa connaissance permettra de savoir pourquoi le monde est comme il est, il ne sera plus ignorant de la finalité des choses. L' Intelligence ne peut pas en effet ne pas tout faire au mieux. Ainsi ce n'est donc pas seulement la forme de la Terre (ronde ou plate) qui sera révélée mais la raison de cette forme:
" M'apprenant, lui qui dit ce qui est le meilleur, qu'il était meilleur pour la terre d'avoir telle ou telle forme ! Et s'il me disait qu'elle est au centre du monde, il m'exposerait tout au long qu'il était meilleur pour elle d'être au centre." (97 d)
Mais surtout si Anaxagore a percé à jour les fins de l'intellect, c'est l'action humaine qui sera éclairée sur les buts à suivre et ceux dont il faut se détourner. Socrate se précipite donc sur le livre convoité et se met à le dévorer. Mais il déchante bien vite. Lui qui pensait trouver la présentation des raisons n'y trouve que l'identification des causes. L' Intelligence n'est pas digne de ce nom: elle n'a pas d'intention, de projet, de programme; elle ne vise rien. En somme c'est une Intelligence aveugle. Du même coup la morale humaine ne reçoit pas du livre le fondement que Socrate en attendait. A ses yeux Anaxagore n'a pas saisi ce qu'est l'intelligence. Intelligence aveugle vaut cercle carré: contradiction dans les termes. L'invoquer implique la prise en compte de l'intentionnalité. Pour se faire comprendre, il imagine quelqu'un disant que Socrate agit toujours intelligemment et justifiant pourtant sa position par des explications purement anatomiques. Soit l'action de s'asseoir. Si elle est faite avec intelligence, on attend logiquement qu'en s'asseyant Socrate poursuive un but (par exemple, attendre). Or celui qui a invoqué l'intelligence socratique se contente d'expliquer l'enchaînement de mouvements qui ont rendu possible la position assise:
" Premièrement, la raison ( c'est une cause, dira le wittgensteinien ) pour laquelle je suis maintenant assis en ce lieu, c'est que mon corps est fait d'os et de muscles; que les os sont solides et qu'ils ont des commissures les séparant les uns des autres, tandis que les muscles ont la propriété de se tendre et de se relâcher, faisant aux os une enveloppe de chairs et de peau, laquelle maintient les chairs; en conséquence de quoi, lorsque les os oscillent dans leurs propres emboîtements, les muscles, qui se détendent ou se contractent, me mettent à même, par exemple, de fléchir à présent mes membres; et voilà la cause en vertu de laquelle, m'étant replié de la sorte, je suis assis en ce lieu." (98 d)
La suite du texte applique à la conversation la même analyse: alors que Socrate discute des raisons qui justifient sa décision de subir sans révolte la peine à laquelle il est condamné, l'acolyte d'Anaxagore réduirait l'échange à sa dimension strictement physique. Socrate reconnaît bien sûr que sans os et muscles on ne s'assied pas mais que c'est mal répondre à la question: "pourquoi s'assied-il ?" que de jouer au médecin disséquant. Ce texte est malgré sa référence à une anatomie vieillotte d'une stupéfiante modernité. Il faut le faire lire aux neurologues quand, mal éduqués philosophiquement, ils s'imaginent parler de l'esprit quand ils parlent en fait seulement du cerveau. Certes sans cerveau, pas d'esprit mais des raisons d'agir ne sont pas des causes neurologiques. D'autres neurologues, mal éduqués d'une autre façon, parleront du cerveau comme si c'était une personne: il classe, il trie, il juge, disent-ils. Pourquoi pas "il croit en Dieu" ? Donc ne pas parler de l'esprit comme si c'était le cerveau, ne pas parler du cerveau comme si c'était l'esprit. Voilà la bonne philosophie du neurologue.

mercredi 21 septembre 2005

Anaxagore : juste les pieds sur terre.

A ses proches qui lui font grief de ne pas s'occuper du riche patrimoine qu'il possède, Anaxagore, auditeur d'Anaximène, leur jette à la figure ses biens en guise de réponse:
"Pourquoi, dit-il, n'en prenez-vous pas soin vous mêmes ?" (II, 6)
On dit à juste titre que le don oblige, d'où le contre-don. Mais ici rien de tel: Anaxagore a inventé le don-offense en offrant du vide à des têtes creuses. Vous qui ne valez rien, prenez donc ces riens ! C'est, si je ne me trompe, Platon dans l' Hippias Majeur qui le premier se réfère à l'incurie anaxagoréenne. Socrate en fait une arme au service de la critique qu'il adresse aux sophistes et précisément à Hippias, qui, lui, ne perd pas une occasion de gagner de l'argent:
" A Anaxagore, dit-on, il advint tout le contraire de ce qui vous arrive à vous: ayant en effet hérité de grands biens, il ne s'en serait pas occupé, et il aurait tout laissé perdre; tant l' "intelligence" faisait défaut à son savoir." (283 a)
L'Anaxagore platonicien n'a pas le panache que lui donnera Diogène Laërce. Son indifférence par rapport aux propriétés ne se manifeste pas à travers le simulacre de la générosité mais plus passivement dans le laisser-aller. Plutarque, traduit par Amyot, est dans la veine platonicienne. Certes ce n'est plus à Hippias qu'il l' oppose mais à un certain Evangelos, serviteur de Périclès et " fort habile homme et très bien entendu au fait du gouvernement d'une grande maison ":
"Ces choses étaient bien différentes de la sapience d'Anaxagore, attendu qu'il abandonna sa maison, et laissa ses terres venir en friches et en pâturages, par un mépris des choses terriennes, et un ravissement de l'amour des célestes." (Vie de Périclès, 16)
En effet les hommes et ce qu'ils font sur la terre ne l'intéressent pas:
"A la fin il s'en alla, et se cantonnait dans l'observation des réalités naturelles, sans s'inquiéter des affaires de la cité." (II, 7)
Je pense à Epicure mais l'apolitisme anaxagoréen est solitaire (aucune source ne parle d'amis) et n'est pas inspiré par la prudence. Il ne s'agit pas pour lui de ne pas mettre le doigt dans un engrenage dangereux; s'il se détourne, ce n'est pas par crainte des hommes mais par amour de la nature. On verra pourtant que la cité l'attend au tournant. Entre temps, on lui reproche son absence de civisme:
" C'est alors que, à celui qui lui disait. "N'as-tu aucun souci de ta patrie ?", il répondit: "Tais-toi ! Car moi, de ma patrie, j'ai souci, et grandement", et il montrait le ciel." (ibid.)
En toute rigueur, il est cosmopolite, mais pas à la manière des stoïciens qu'on crédite de l'invention de l'attitude. A vrai dire, les stoïciens, je les trouve plutôt géopolites, si on me passe ce néologisme. Ils veulent dire que leur patrie est planétaire et que donc tout homme est leur concitoyen. Ils prendront d'ailleurs fort au sérieux la politique, même à l'échelle de leur cité. Anaxagore procède, lui, à un rejet de la planète au bénéfice de l'univers. Exit la politique, même mondiale. Foin des hommes ! On lui a demandé un jour " à quelle fin il avait été engendré". J'imagine un stoïcien répondre quelque chose du genre "pour accomplir raisonnablement mon devoir d'homme parmi les hommes". Anaxagore marque la différence:
" Pour observer le soleil, la lune et le ciel "
La Terre : pas l' objet de l'observation, juste sa condition.

vendredi 16 septembre 2005

Anaximène, une nouvelle version du Principe.

On ne devient pas philosophe tout seul. Anaximène a écouté Anaximandre. Mais comme on ne devient pas non plus philosophe en étant excessivement fidèle à son maître, il innove. Certes il reprend à son compte l'entreprise milésienne, identifier le fondement de la nature, mais ce qui était pour Thalès l'Eau et pour Anaximandre l'Illimité, est devenu chez lui l'Air. (1)
En l'air il a les yeux assurément, ce philosophe dont on ne conserve aucun propos sur l'homme. A l'exception de ce que lui fait dire Galien, médecin grec du 2ème siècle ap. JC :
"L'homme est totalement composé d'air" (Sur la nature de l'homme d'Hippocrate, XV, 25).
Ne pas conclure que l'homme est creux ou vide, c'est tout le contraire. Plutôt un compliment que fait Anaximène, en nous identifiant à la matière originaire du monde. Epargnés que nous sommes par les raréfactions et les condensations, deux concepts anaximènéens pour rendre compte de la genèse de la multiplicité à partir de l'unité primordiale.
Préoccupé par les lointains, par le soleil et la lune, Anaximène en parle pourtant comme des objets proches. Qu'on en juge:
" Il dit que les astres ne se meuvent pas sous la Terre, ainsi que d'autres l'avaient supposé, mais autour de la Terre, comme autour de notre tête pivote le bonnet ". C'est ce que rapporte le saint évêque Hippolyte dans sa Réfutation de toutes les hérésies (I, 7)
Mais de source sûre on sait que "bonnet" est un terme d' Anaximène en personne. Comme "clous", si l'on en croit le doxographe Aétius:
"(Il) disait que les astres sont comme des clous enfoncés dans la voûte cristalline" (Opinions, II, XIV, 6)
La mobilier quotidien est aussi au rendez-vous:
" Anaximène dit que la Terre a la forme d'une table." (III, X, 3)
Diogène Laërce, lui, n'a vraiment pas grand-chose à écrire sur Anaximène: une dizaine de lignes en tout. Mais je lui sais gré de nous avoir transmis une lettre (bien sûr apocryphe) adressée par lui à Pythagore à propos de Thalès. Elle contient en effet une nouvelle version, un peu énigmatique, de la chute thalésienne:
" De nuit, comme il en avait l'habitude, s'avançant hors de son logis accompagné de sa servante, il observait les astres; et - bien sûr il ne s'en souvint pas-, étant descendu, en les observant jusqu'à l'escarpement, il tombe." (II, 4)
Et il en meurt.
Ceci dit, j'ai du mal à comprendre comment il peut à la fois avoir l'habitude de l'astronomique excursion et ne pas se souvenir de la nécessité d'une marche prudente. Je note aussi que, si la servante est toujours la bien inutile accompagnatrice, elle a au moins ici la pudeur de rester muette et donc de taire ses moqueries. C'est vrai aussi que généralement on ne réprimande pas un mort.
Diogène rapporte une deuxième lettre d'Anaximène adressée encore à Pythagore. Il y félicite ce dernier d'avoir fui les tyrans de Samos pour s'installer à Crotone et semble même l'envier un peu pour la tranquillité et la célébrité dont il jouit. Par comparaison, il évoque les tyrans milésiens et la menace que fait peser sur la ville la domination perse. C'est alors que ce philosophe au regard tourné vers le haut dit très bien que les conditions de la contemplation réussie se trouvent en bas, dans la paix civique:
"Comment donc Anaximène aurait-il eu encore le coeur de parler du ciel, quand il est dans la crainte de la mort ou de l'esclavage ?" (II, 5)
Le stoïcisme n'a pas encore été inventé: ce philosophe nous ressemble , comme nous, il a peur des malheurs (2).
(1) Ajout du 06-01-17 : dans les Confessions(10.6), Augustin remet l'air à sa place :
" Et qui est celui-ci (i.e Dieu) ? J'ai demandé à la terre, et elle a dit : " je ne le suis pas " ; et toutes les choses qui sont en elle ont reconnu la même chose. J'ai demandé à la mer et aux abysses et, parmi les animaux, à ceux qui rampent sur le sol, et ils ont répondu " nous ne sommes pas ton Dieu ; cherche au-dessus de nous ". J'ai interrogé les vents qui soufflent et tout l'air ditavec ses habitants : " Anaximène fait erreur : je ne suis pas dieu."
(2) Ajout du 01-12-14 : en hommes ordinaires, les Stoïciens ont eu peur bien sûr mais ont-ils eu peur de leur peur ? en tout cas, extraordinaires en cela, ils ont formulé les règles de maîtrise de la peur. Ont-ils pu un seul jour les appliquer efficacement ?

mercredi 14 septembre 2005

Anaximandre et les enfants.

Diogène Laërce est le seul à rapporter, concernant Anaximandre, une étrange anecdote:
"Alors qu'il chantait, dit-on, les enfants se moquèrent: lui, s'en étant aperçu, dit: "En effet, pour un public d'enfants, il nous faut chanter mieux." (II, 2)
Bien sûr cela rappelle la moquerie dont Thalès est l'objet (cf note du 09-05-05), mais les différences sont importantes. En premier lieu, ce n'est plus une femme qui se moque mais des enfants. Certes on peut penser qu'il n'y guère de différences au sens où autant les enfants que la femme ne semblent pas pouvoir rivaliser en raison avec le philosophe. Ensuite l'activité d'Anaximandre n'a rien de contemplatif (il n'a pas le regard tourné vers le Ciel et son ordre), elle est ordinaire et ludique: il chante (c'est, si ma mémoire est bonne, le premier philosophe à qui Diogène attribue une telle action). Du coup la raison de la moquerie est énigmatique, alors qu'il n'est pas difficile de comprendre la femme moqueuse: en effet on peut trouver ridicule de chercher à s'orienter dans le ciel si l'on ne sait pas déjà cheminer sur terre. Mais pourquoi donc ces enfants se moquent-ils ? Anaximandre chante-t-il mal tout simplement ? Un philosophe n'aurait-il pas dû chanter ? Enfin, alors qu'on ne sait rien de la réaction de Thalès mais qu'on la devine (j'imagine que les rires féminins le laissent froid), celle d'Anaximandre va de manière surprenante à premiere vue dans le sens de la moquerie. Le philosophe se rendrait-il compte du modèle qu'il représente pour les enfants ? Veut-il dire que ce qu'on peut se permettre devant des adultes on ne le peut pas devant des enfants, tant ils sont portés à imiter ? Ceci dit, l'hypothèse selon laquelle des enfants seraient juges des mérites et donc instructifs par leur critique même me paraît bien douteuse, vu qu'aucun autre texte ne donne à l'enfant une telle clairvoyance. Faut-il donc appliquer plutôt à cette histoire le pseudo-proverbe: "à moqueur, moqueur et demi" ? Par son apparente approbation, Anaximandre tournerait ironiquement en dérision la prétention enfantine. Reste qu'une telle attention prêtée à la moquerie n'annonce pas du tout ce que des philosophies plus tardives s'attacheront à faire (1). Par exemple qu'est-ce que le stoïcisme, sinon l'apprentissage de l'indifférence à la moquerie ? Et les cyniques déjà s'entraînent à rester impassibles face aux rires ignorants. Certes ils étaient eux des moqueurs mais du haut de leur perfection ! J'ai beau avoir cherché à clarifier cette histoire: je ne sais pas si Anaximandre prend ou non les enfants au sérieux. Certes la traduction que Jean-Paul Dumont donne du passage pousse nettement à déprécier les petits juges, vu qu'il ne s'agit plus d'enfants mais de "marmaille". Il est vrai que m'entraîne dans le même sens un passage de la biographie que Diogène consacre à Empédocle:
" Diodore d'Ephèse, écrivant à propos d'Anaximandre, dit qu'Empédocle l'imita, en affectant une superbe théâtrale et une pompeuse tenue vestimentaire." (VIII, 70).
Cela sent sérieusement la vanité mais d'un autre côté j'ai appris à me méfier des philosophes quand ils parlent des philosophes...
(1) Ajout du 01-12-14 : s'il s'agit d'une attention moqueuse, la distance n'est pas si grande.