lundi 6 mai 2019

Greguería n° 30, dadaïste.

" En resumidas cuentas, el Pensador de Rodin será el hombre que más tiempo ha estado sentado en el retrete."
" Tout compte fait, le Penseur de Rodin sera l'homme qui a été le plus longtemps assis sur les toilettes."

Commentaires

1. Le mercredi 8 mai 2019, 18:46 par gerardgrig
On admire l'insoutenable légèreté et la désinvolture de Ramón, dans la tradition du baroque espagnol. On pense aussi à la satire des philosophes dans l'Antiquité : Socrate assis dans une corbeille suspendue chez Aristophane, Thalès chutant dans un puits. Il était louable de ramener, avec le simple bon sens, les philosophes à la réalité. En langue vulgaire, on dit qu'ils ne se sentent plus pisser. Ramón ramène le penseur de Rodin à la posture de l'homme aux toilettes. Il y a peut-être une allusion à Duchamp. Mais Ramón va plus loin, en se payant le luxe d'être apolitique, et de passer objectivement pour un homme de droite, pour le plaisir scandaleux d'un bon mot. Il ne pouvait pas ignorer que le Penseur de Rodin avait été une affaire politique, et bien française. Le Penseur avait été installé devant le Panthéon, comme symbole de la démocratie. C'est un homme du peuple qui va changer la société par la puissance de sa pensée. La République était encore fragile, et l'intelligentsia allait se donner Charles Maurras comme penseur politique, si bien que le Penseur a vite été dégagé. Néanmoins, la plaisanterie de Ramón a le mérite de sortir le Penseur du cadre étroit de la politique française, et de rappeler que l'Art est universel. Il est vrai qu'en matière de politique, Ramón a cherché un modus vivendi avec le franquisme comme Dali, autre apolitique. Mais les apolitiques de l'époque avaient le mérite de ne pas choisir entre la peste et le choléra.
2. Le samedi 11 mai 2019, 14:31 par Arnaud
Game of trônes ?
Encore une occasion de recaser l'une des plus célèbres citations de Montaigne:
"Et au plus eslevé throne du monde, si ne sommes assis que sus nostre cul." Essais, III, XIII.
3. Le dimanche 12 mai 2019, 12:42 par gerardgrig
Certes, mais Ramón a toujours l'art de nous dérouter. Il semble reprendre les critiques des monarchistes français adressé au Penseur de Rodin trônant devant le Panthéon : il est lourd, laid, gros, prolétaire, il fait caca. Or Ramón loue le Penseur pour son record absolu de longévité sur le trou des toilettes. Il lui adresse un compliment vache, ce qui est une forme subtile de valorisation, dans une vision carnavalesque du monde, où la seule règle du jeu est d'être le meilleur dans son genre.

dimanche 5 mai 2019

Pourquoi il est difficile d'être stoïcien.

“ Dans la culture moderne, l’ordre social et institutionnel n’est plus, comme dans l’ Antiquité ou au Moyen-Âge, le fait d’ une volonté divine ou l’oeuvre de l’esprit ; dans leurs actions quotidiennes, les sujets modernes ne se vivent plus comme faisant partie d’un ordre cohérent de l’existence (“ the great chain of being “) avec lequel ils entretiendraient une relation responsive intérieure et à partir duquel ils pourraient se définir. Les conditions collectives dans lesquelles ils agissent leur semblent le résultat, en partie contingent, de processus de construction et de négociation historiques et, en particulier, d’innombrables conflits de valeurs et d’intérêts. Dans la mesure où ces conditions limitent les marges d’action et de liberté des individus, elles sont perçues par eux comme une chose extérieure, prédonnée, imposée, comme faisant partie d’un monde “ aliéné “qui leur fait face. À travers notre pratique quotidienne, nous faisons l’expérience de cette forme de relation à l’égard de la sphère publique chaque fois que nous sommes aux prises avec les administrations ou les autorités, du fisc à Pôle emploi en passant par la préfecture de police ou les administrations scolaires ; mais elle se manifeste aussi partout où “ Bruxelles “ est rendu comptable des réglementations de la vie quotidienne. “ ( Hartmut Rosa, Résonance, une sociologie de la relation au monde, La Découverte, 2018)
Les Stoïciens ont souvent été confrontés à des tyrans bien plus terribles que les nôtres, mais par chance ils pouvaient les englober dans le Logos. Vu que la Raison a déserté le terrain, le stoïcisme d’aujourd’hui se réduit à n’être qu’une pratique psychologique à des fins eudémonistes. Ou alors, contre vents et marées, on redore le blason du monde en le rendant rationnel, ce qui est sans doute plus facile à faire pour les agnostiques et les anciens croyants que pour les athées.

Greguería n° 29, ornithologie négative.

" El ruiseñor... No, del ruiseñor no se puede ni se debe decir nada. "
" Le rossignol... Non, du rossignol, on ne peut et on ne doit rien dire."

samedi 4 mai 2019

Greguería n° 28

" Lee y piensa, que para no pensar tienes siglos."
" Lis et pense ! Pour ne pas penser, tu as des siècles."

jeudi 2 mai 2019

Greguería n° 27

" Lo que más le duele al náufrago, indudablemente, es no poder contar cómo pasó "aquello", cómo se ahogó."
" Ce qui fait le plus souffrir le naufragé, indubitablement, c'est de ne pas pouvoir raconter comment s'est passé "ça", comment il s'est noyé."
À la différence des autres greguerías, toutes tirées de l'édition qu'en a donnée Rodolfo Cardona (Cathedra, 1980), cette dernière vient des Greguerías selectas publiées en 1919 par la Casa Editorial Calleja.

mercredi 1 mai 2019

Greguería n° 26

"Tomó tan en serio eso de "ahogar las penas" que se tiró al río."
" Il prit tant au sérieux cette idée de " noyer ses peines " qu'il s'est jeté dans la rivière."

lundi 29 avril 2019

Greguería n° 25, à placer à l'entrée de tous les CDI.

" Una librería es un andamiaje que se adquiere para edificar el futuro. "
" Une bibliothèque est un échafaudage qu'on acquiert pour édifier l'avenir."

dimanche 28 avril 2019

Greguería n° 24

" La vida es decirse ¡adiós! en un espejo."
" La vie, c'est se dire au revoir devant un miroir."

samedi 27 avril 2019

Greguería n° 23


" El que bebe en taza, hay un momento en que sufre eclipse de taza."
" Qui boit dans une tasse connaît un moment où il subit une éclipse de tasse."

Commentaires

1. Le samedi 27 avril 2019, 11:26 par gerardgrig
Les Chinois ont compliqué le problème de l'éclipse du contenant de boisson. Ils ont inventé la fille nue au fond du verre à saké. Mais ce faisant, ils lui ont ajouté le dilemme du beurre et de l'argent du beurre. L'Européen affronte l'intervalle de vide de l'éclipse de tasse. On notera que la gregueria est illustrée, comme pour suggérer le comblement d'un vide, mais son illustration est-elle pertinente ? Elle l'est moins que dans le cas de l'architecture mozarabe par le trou de la serrure.
2. Le samedi 27 avril 2019, 20:30 par Philalèthe
Pour la précédente illustration, Ramón avait fait un dessin subjectif ; ici c'est le point de vue de la troisième personne, c'est peut-être pour cette raison que vous trouvez le dessin moins pertinent.

vendredi 26 avril 2019

Greguería n° 22

" El erudito pone las manos crispadas en la librería, como el pianista en el teclado, y arranca veinte libros para sacar veinte notas."
" L' érudit pose ses mains crispées sur la bibliothèque, comme le pianiste sur le clavier, et tire vingt livres pour en sortir vingt notes."