On admire l'insoutenable légèreté et la désinvolture de Ramón, dans la tradition du baroque espagnol. On pense aussi à la satire des philosophes dans l'Antiquité : Socrate assis dans une corbeille suspendue chez Aristophane, Thalès chutant dans un puits. Il était louable de ramener, avec le simple bon sens, les philosophes à la réalité. En langue vulgaire, on dit qu'ils ne se sentent plus pisser. Ramón ramène le penseur de Rodin à la posture de l'homme aux toilettes. Il y a peut-être une allusion à Duchamp. Mais Ramón va plus loin, en se payant le luxe d'être apolitique, et de passer objectivement pour un homme de droite, pour le plaisir scandaleux d'un bon mot. Il ne pouvait pas ignorer que le Penseur de Rodin avait été une affaire politique, et bien française. Le Penseur avait été installé devant le Panthéon, comme symbole de la démocratie. C'est un homme du peuple qui va changer la société par la puissance de sa pensée. La République était encore fragile, et l'intelligentsia allait se donner Charles Maurras comme penseur politique, si bien que le Penseur a vite été dégagé. Néanmoins, la plaisanterie de Ramón a le mérite de sortir le Penseur du cadre étroit de la politique française, et de rappeler que l'Art est universel. Il est vrai qu'en matière de politique, Ramón a cherché un modus vivendi avec le franquisme comme Dali, autre apolitique. Mais les apolitiques de l'époque avaient le mérite de ne pas choisir entre la peste et le choléra.
Game of trônes ? Encore une occasion de recaser l'une des plus célèbres citations de Montaigne: "Et au plus eslevé throne du monde, si ne sommes assis que sus nostre cul." Essais, III, XIII.
Certes, mais Ramón a toujours l'art de nous dérouter. Il semble reprendre les critiques des monarchistes français adressé au Penseur de Rodin trônant devant le Panthéon : il est lourd, laid, gros, prolétaire, il fait caca. Or Ramón loue le Penseur pour son record absolu de longévité sur le trou des toilettes. Il lui adresse un compliment vache, ce qui est une forme subtile de valorisation, dans une vision carnavalesque du monde, où la seule règle du jeu est d'être le meilleur dans son genre.
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Encore une occasion de recaser l'une des plus célèbres citations de Montaigne:
"Et au plus eslevé throne du monde, si ne sommes assis que sus nostre cul." Essais, III, XIII.