dimanche 11 août 2019

Greguería n° 113

" Los días nos van cubriendo el corazón de su enredadera."
" Les jours recouvrent peu à peu le coeur du feuillage de leur plante grimpante."

samedi 10 août 2019

Greguería n° 112

"El champaña es el agua mineral de los millonarios."
" Le champagne est l'eau minérale des millionnaires."
Héraclite écrivait :

Commentaires

1. Le dimanche 11 août 2019, 12:01 par gerardgrig
Est-ce le goût du paradoxe gratuit ? En principe, on dirait plutôt que l'eau minérale est le champagne du pauvre. Un paradoxe a-t-il toujours un intérêt épistémique ? Un loufoque manierait plutôt l'oxymore, en associant le camembert au Dom Pérignon. Mais n'est-ce pas une façon de rechercher la paix sociale ? On peut s'interroger sur l'analogie du cochon et du millionnaire. Est-il moral de haïr le riche ? Et la saleté du cochon est une invention de l'homme, qui la lui impose, parce qu'il a le préjugé que le cochon est sale. Il y a peut-être un complexe pygmalioniste du cochon, qui est sale parce que l'homme croit qu'il l'est. En tout cas, Malaparte disait que si le chat nous méprise et si le chien nous flagorne, le cochon nous traite comme son égal.
2. Le lundi 12 août 2019, 08:40 par Philalèthe
Dire que l'eau minérale est le champagne du pauvre signifierait autre chose : ça pourrait se dire de l'épicurien qui sait donner du prix aux choses ordinaires.
Quant au rapprochement avec la phrase d'Héraclite, il n' a pas comme fin d'injurier le riche en le traitant de cochon. mais de nourrir une pensée ici sceptique qui met en évidence la relativité du plaisir. Si on veut, on pourrait en tirer une analogie : le rapport du riche au champagne est le même que celui du cochon avec la boue. Ce rapport de familiarité est étrange pour le pauvre (car pour lui le champagne est extraordinaire) et pour qui associe la boue au sale, au répugnant (car alors c'est le rapport avec l'eau pure qui devrait être ordinaire).

vendredi 9 août 2019

Stoïcisme et néo-cortex.

Relisant Proverbes, maximes et émotions de Jon Elster, j'en viens à repenser au stoïcisme. Pourquoi ne peut-on être stoïcien qu'en rêve ? Dit autrement, pourquoi des philosophes stoïciens majeurs comme Sénèque ou Marc-Aurèle ont-ils reconnu qu'il leur restait beaucoup à faire pour devenir des sages ?
Deux explications sont concevables : (1) les conditions pour devenir sage sont difficiles à réunir et (2) devenir sage est humainement impossible.
C'est la deuxième position que les lignes d' Elster favorisent, même ni elles ne mentionnent ni explicitement ni implicitement la philosophie du Portique.
Elster, analysant les causes de l'émotion, reconnaît, comme les Stoïciens l'ont fait aussi, que les émotions dépendent des croyances. C'est ce fait psychologique qui explique l'importance accordée par le stoïcisme au contrôle rationnel des croyances, condition nécessaire du contrôle des émotions. Spinoza a ainsi expliqué que, si on identifie autrui à un être déterminé par ses passions, on ne développe pas vis-à-vis de lui les émotions ressenties quand on le juge libre. Cette leçon demeure bonne à prendre assurément.
Néanmoins le hic est, comme l'explique Elster en s'appuyant sur les recherches de Joseph LeDoux (The emotional brain, 1996), que le chemin qui va de la perception à l'émotion ne passe pas toujours par le néo-cortex, siège de la raison, pour faire vite. En effet il est quelquefois direct, du thalamus à l'amygdale. Alors on prend par exemple le simple bâton pour un dangereux serpent. Au sens strict, on n'a pas jugé que c'était un serpent... LeDoux assurait que cette réaction est avantageuse sélectivement : " il est préférable de répondre aux événements potentiellement dangereux comme si ils étaient en fait la réalité, plutôt que de ne pas leur répondre." (Proverbes, maximes et émotions, p. 15).
En tout cas, il semblerait que le stoïcisme n'ait pris en compte que le chemin thalamus-néo-cortex-amygdale. L'autre chemin a des effets que le stoïcisme aurait donc interprétés à tort comme accidentels et évitables, indice seulement d'un manque de maîtrise de soi, non d'une structure essentielle de l'être humain.
Jonathan Haidt dans son excellent livre, The happiness hypothesis. Finding modern truth in ancien wisdom (2006), écrivait :
" Le système contrôlé peut difficilement vaincre le système automatique par le simple pouvoir de la volonté. Le premier est comme un muscle : il se fatigue, s'épuise, et cède. Le second continue automatiquement sans effort et sans fin. Lorsqu'on a compris le pouvoir du contrôle par les stimuli, on peut l'utiliser à notre avantage. On peut changer les stimuli dans notre envirionnement et éviter ceux qui sont indésirables, ou, si ce n'est pas possible, penser à leurs côtés les plus désagréables." (traduction française, p.33)
Dit autrement, c'est sage d'aller se promener dans les endroits où on sait qu'il n'y a pas de serpents. Certes Haidt évoque aussi ce que Sandrine Alexandre a appelé la redescription dégradante mais cette redecription du stimulus dérangeant est beaucoup moins sûre que le simple évitement... La raison en est peut-être qu'on n'y croit pas vraiment : on se la dit, on aimerait y croire...

jeudi 8 août 2019

mercredi 7 août 2019

Greguería n° 109

"La mosca en el cristal sueña que vuela en cielos más altos."
" La mouche sur la vitre rêve qu'elle vole haut dans le ciel."
Nietzsche écrivait :
" Si nous pouvions comprendre la mouche, nous nous apercevrions (...) qu'elle sent avec elle voler le centre du monde" (Écrits posthumes, 1870-1873, Gallimard, p.277)

Commentaires

1. Le mercredi 7 août 2019, 20:04 par gerardgrig
En réalité, si l'on continuait l'humanisation de la mouche, on pourrait dire qu'elle est une rêveuse non réalisatrice. Quand on lui ouvre la fenêtre, elle ira partout, animée d'un mouvement brownien, mais elle ne sortira jamais par la fenêtre ouverte. Quant à Nietzsche, il avait une méthode zen contre la transcendance. Il suffit de penser très fort que l'on est une mouche dans le monde.
2. Le mercredi 7 août 2019, 23:35 par Philalèthe
Si la mouche ramonienne n'a pas conscience de rêver, si  en somme elle est dans l'illusion autant que la mouche nietzschéenne, c'est normal qu'elle ne sorte pas ! Par cela même, elle tient du prisonnier de la caverne platonicienne qui ne veut pas monter...

mardi 6 août 2019

Greguería n° 108

"Era tan exquisita y tan poderosa, que se mandaba hacer los sueños a su gusto y medida."
" Elle était si délicieuse et si puissante qu'on lui commandait des rêves selon ses goûts et sur mesure."

lundi 5 août 2019

Greguería n° 107

" Cuando en trenes o barcos nos llaman "pasajeros" sentimos la tristeza de la efemeridad."
" Quand, dans les trains ou les bateaux, on nous appelle des " passagers ", nous ressentons la tristesse de l'éphémère."

Commentaires

1. Le lundi 5 août 2019, 14:05 par gerardgrig
S'il y a effectivement tristesse de l'éphémère, chez Ramón elle est vite remplacée par la joie d'avoir trouvé une belle métaphore existentielle, qui arrive comme le soleil après la pluie. Chacun sait gérer ses affects intuitivement, sans le secours de personne. Et il y a toute une stratégie plus ou moins consciente de l'écrivain afin de provoquer ou repérer, et utiliser, les opportunités fécondes de la vie pour son œuvre.
2. Le mardi 6 août 2019, 08:08 par Philalèthe
Il a aussi le sens du possible, ici les sens possibles du mot en dehors de son contexte d'utilisation. Il y a eu quelque chose de cela dans le cynisme ancien : ne pas accepter l'usage avait pour conséquence entre autres de vouloir ne pas comprendre dans un mot ce que tout le monde comprend. 

dimanche 4 août 2019

Greguería n° 106

" La esposa de Hércules es la plisadora de los cierres metálicos."
" L'épouse d'Hercule est la plisseuse des rideaux de fer."

Commentaires

1. Le dimanche 4 août 2019, 20:28 par gerardgrig
Dans cette gregueria, Ramón manie l'humour potachique et anachronique, peut-être pataphysique, à partir de la mythologie. L'inventrice de la persienne, ou jalousie, qui permet de voir sans être vue, mais qui était plutôt composée de roseaux dans l'Antiquité, ne pouvait être que Déjanire, la femme d'Hercule qui est le parangon de... la jalousie féminine ! Ramón a une vision écologique, selon laquelle il ne faut jamais rien perdre et tout recycler : la citation découpée dans un bout de journal, la blague de comptoir (le coup de fil du masochiste dans la gregueria 44) ou de pensionnat, comme ici.
2. Le mardi 6 août 2019, 08:18 par Philalèthe
Ramón aime bien introduire les personnages mythologiques dans le monde d'aujourd'hui. Ainsi dans cette greguería où la science, loin de désenchanter le monde, permet d'observer de plus près les populations imaginaires de l'Antiquité :
" Los astrónomos ven cómo se peina Venus y cómo tal lucero se hace el lazo de la corbata."
" Les astronautes voient comment se peigne Vénus et comment telle étoile fait son noeud de cravate."

samedi 3 août 2019

Greguería n° 105

" Debía de haber unos gemelos de oler para percibir el perfume de los jardines lejanos."
" Il devrait y avoir des jumelles d'odorat pour percevoir le parfum des jardins lointains."

vendredi 2 août 2019

Greguería n° 104

" La mano femenina enguantada con guante de malla o de encaje se ofrece hipotéticamente como pescada en su propia red."
" La main de la femme, gantée dans un gant de tricot ou de dentelle, s'offre éventuellement comme pêchée dans son propre filet."

jeudi 1 août 2019

Greguería n° 103

" La salsera para vinagretas y mayonesas es el único recuerdo que queda de las lámparas antiguas que mantuvieron encendidas las vírgenes sabias."
" La saucière pour vinaigrettes et mayonnaises est le seul souvenir qui reste des lampes antiques que les vierges sages maintenaient allumées."

Remplacer l'amateur par le connaisseur.

Lisant le dernier ouvrage de Claude Romano, Les repères éblouissants. Renouveler la phénoménologie (2019), j'y trouve quelques lignes de Max Scheler, tirées de Vom Ewigen im Menschen qui vont me permettre d'exposer en peu de mots le traitement que le stoïcisme réserve à la perception :
" Partout, l´"amateur" (der "Liebhaber") précède le "connaisseur" (der "Kenner") et il n'y a pas de domaine ontologique (qu'il s'agisse des nombres, des astres, des plantes, des rapports d'effectivité historique, des choses divines) dont l'exploration ne présente pas une phase empathique, avant d'entrer dans la phase d'une analyse libre de toute valeur (wertfreie Analyse). " (p. 258)
C'est par cette phase empathique que le disciple du stoïcisme ne veut plus passer. Marc-Aurèle, par exemple, aime les rapports sexuels et les signes du pouvoir. Aussi s'entraîne-t-il à les connaître dans leur stricte matérialité et dans leur totale neutralité axiologique. L'école a certes reconnu ne pas pouvoir faire disparaître un premier mouvement affectif et réactif, s'étalant dans ce que Scheler appelle ici la phase empathique. L'important est que la connaissance reprenne vite le dessus sur cet amour irraisonné des choses et des êtres et que ce premier instant de folie ne fasse pas tache.
Précisons que dans le stoïcisme, l'analyse libre de toute valeur libère telle ou telle partie de la réalité de ses valeurs imaginaires (positives ou négatives) mais que la motivation de cette libération est la reconnaissance prétendument sue de la valeur absolue de la Réalité dans son ensemble.
C'est, on l'a souvent dit, cette reconnaissance-là qui rend difficile aujourd'hui la mise à jour du stoïcisme à la lumière des sciences, dont la neutralité axiologique de l'univers est, depuis Galilée au moins, un principe basique.

mercredi 31 juillet 2019

Greguería n° 102

" En el desperezo del gato está la displicencia del hombre sin destino."
" Dans les étirements du chat, il y a la nonchalance de l'homme sans destin."

Commentaires

1. Le jeudi 1 août 2019, 16:37 par gella pensac
Comme vous nous avez habitués à labourer les territoires stoïciens,
on pourrait se demander s'il y a des liens de Ramon avec le stoïcisme.
Ses greguerias sonnent plutôt sceptique, ou tragique.
2. Le vendredi 2 août 2019, 00:13 par Philalèthe
Écrire des greguerías ou, à défaut, en lire, pourrait-il être vu comme un entraînement au stoïcisme ? Dans quelques cas, c'est possible. Par exemple, voyez la 102 : un objet sacré est réduit à un ustensile de cuisine, à moins que ce ne soit la saucière qui soit élévée à la dignité d'objet rituel. Dérision, la greguería pourrait aussi bien être un divertissement cynique. La perception qu'elle encourage certes n'est pas celle de l'essence de la chose mais, à multiplier les apparences, elle pousse à ne pas prendre les choses trop au sérieux. Elle rabaisse les choses nobles et élève les riens. Aussi peut-elle aider l'apprenant stoïcien à mettre le monde à distance, à n'y adhérer qu'avec une modération ironique.
3. Le dimanche 4 août 2019, 12:27 par gerardgrig
Pour Ramón, tout était fiction, texte, citation. La littérature peut-elle et doit-elle délivrer une vérité et une réalité en dehors d'elle-même ? La maxime morale peut aussi se retourner comme un gant, dans un véritable jeu formel de salon. Ramón recherche toujours la singularité qui révèle un paradoxe, qu'il semble cultiver pour lui-même et qui a un statut de vérité a priori. En bon surréaliste, il répondra à l'injonction célèbre du directeur des Ballets Russes au poète : "Étonne -moi !".
Dans cette gregueria, Ramón reprend ses observations naturelles. Il humanise toujours l'animal. Cela semble fantaisiste et inspiré d'une forme de science "populaire". Neanmoins, dans les années 1940, l'éthologie a montré la continuité existant entre espèces animales et espèce humaine.
4. Le dimanche 4 août 2019, 17:58 par Philalèthe
Je suis plutôt porté à penser que c'est un observateur très fin autant de la société que de la nature. Si beaucoup de greguerías m'étonnent, c'est parce qu' à leur façon elles sont vraies...
Imagine-t-on par exemple un stoïcien s'étirer paresseusement comme un chat ? Il a bien trop conscience de son destin.

mardi 30 juillet 2019

Greguería n° 101

" Cuando se ve cómo vienen empujando los que hay detrás de nosotros en la vida, es cuando en el tranvía el guarda grita insistentemente : "¡ Pasen más adelante !"
" Là où on voit comment arrivent en poussant ceux qui sont derrière nous dans la vie, c'est quand dans le tramway l'employé crie avec insistance : " Allez plus devant ! "

lundi 29 juillet 2019

Greguería n° 100

" La sombra del niño es tan seria como la del hombre."
" L'ombre de l'enfant est aussi sérieuse que celle de l'homme adulte "
Lisant cette greguería, je me suis dit que les prisonniers de la caverne platonicienne ne pouvaient juger les autres qu'à partir de leurs actions et de leurs paroles.

dimanche 28 juillet 2019

Greguería n° 99

" Resulta gracioso en el avestruz el ver cómo se arrodilla al revés. Esa absurda postura le quita la gracia esbelta que tiene cuando está en pie."
" C'est amusant chez l'autruche de voir comment elle s'agenouille à l'envers. Cette posture absurde lui enlève la grâce svelte qu'elle a quand elle est debout."

Commentaires

1. Le dimanche 28 juillet 2019, 18:46 par gerardgrig
Ramón crée la surprise, en notant toujours ce que personne ne voit, ni ne dit. Dans le cas de l'autruche, il n'a pas d'explication humoristique pour la tête dans le sable. Il n'aborde pas la rapidité de la course, qui compense l'étrange incapacité à voler, ni la tueuse au coup de patte mortel, quand on empiète sur son territoire. L'autruche manque de grâce parce qu'elle ne fait pas comme tout le monde dans la nature, et Ramón ne lui concède ni le mérite de l'exception, ni celui de l'originalité. Mais ce faisant Ramón a-t-il de l'esprit, ou bien fait-il de l'esprit ?
2. Le dimanche 4 août 2019, 18:00 par Philalèthe
Avant d'avoir de l'esprit, il a le regard libre !

samedi 27 juillet 2019

Greguería n° 75

" El sillón cómodo y encretonado que sirvió para la larga enfermedad de la abuela ha quedado ya con la sombra de un perfil proyectado por una de las aletas en que reposó tanto su cabeza."
" Le confortable fauteuil en cretonne qui servait pour la longue maladie de la grand-mère a désormais gardé l'ombre du profil qui apparaissait quand si souvent elle se reposait à l'appuie-tête."

Commentaires

1. Le jeudi 27 juin 2019, 16:40 par gerardgrig
Parmi les lecteurs de Ramón, les baby-boomers seront les derniers qui comprendront le sens de certaines greguerias. Chez les parents et les grands-parents, il y a eu naguère une façon abusive et traumatisante pour les jeunes générations de vivre la vieillesse et la mort, en sombrant littéralement de toutes les façons, et en laissant partout des traces physiques d'eux, sur les meubles et jusque sur les murs. Cela a produit de grands artistes maudits, des névrosés et des psychotiques. Dans le roman, c'est le thème scandaleux du parent indigne qui a fait son apparition, comme dans "Les Frères Karamazov" de Dostoïevski. Dans un milieu clos et étouffant, Fiodor Karamazov entraîne sa famille dans sa déchéance physique et morale. D'une façon plus banale, c'était la grand-mère de Ramón qui mettait en scène sa mort avec une certaine indécence, que la société trouvait normale, et qui laissait à sa famille un sentiment de tristesse et d'horreur, matérialisé par une ombre spectrale sur un fauteuil. Autrefois, les parents et les grands-parents étaient ce qu'Ibsen appelait des Revenants.

Greguería n° 98

" Cuando quedan sólo dos fósforos en la caja, son como dos titeres que dialogan en el guiñol más pequeño del mundo."
" Quand restent seulement deux allumettes dans la boîte, elles sont comme deux marionnettes qui dialoguent dans le plus petit guignol du monde."

Commentaires

1. Le dimanche 4 août 2019, 12:37 par gerardgrig
On pense d'abord à Andersen, et à la métaphore de l'allumette comme brièveté et potentiel magique de la vie humaine. Neanmoins, Ramón vit dans l'âge réflexif de la littérature et ce n'est pas un hasard si Paul Valéry le classait dans les grands écrivains du siècle. Cette gregueria célèbre la magie de la fiction qui transfigure l'objet banal et usé, bon à jeter. Comme René Char, Ramón faisait la poésie de la poésie.
2. Le dimanche 4 août 2019, 18:03 par Philalèthe
Mais cette greguería porte sur des allumettes dans un boîte, pas sur un texte portant sur des allumettes ! La réflexion prend comme objet la réalité...
3. Le mercredi 7 août 2019, 20:32 par Philalèthe
" En cada caja de fósforos hay un convento de cerillas."
" Dans chaque boîte d'allumettes il y a tout un couvent."

vendredi 26 juillet 2019

Greguería n° 97

" Principio de primavera : un niño solo en un "tiovivo" "
" Début de printemps : un petit garçon seul dans un manège."

Commentaires

1. Le mardi 30 juillet 2019, 12:01 par gerardgrig
Ramón ne craint pas de déconstruire la mythologie du printemps. En avril-mai, tout le monde est au fond de la dépression saisonnière, qui a commencé en automne. On n'a envie de rien, sinon de faire grève et de manifester. Il faut beaucoup d'autosuggestion pour surmonter le printemps. Ramón a le pessimisme de la littérature naturaliste, pour qui chacun va de mal en pis. La réalité du printemps, c'est un malheureux garçonnet abandonné sur un manège qui ne doit même pas tourner.
2. Le dimanche 4 août 2019, 18:10 par Philalèthe
Je suis plus naïf que vous... C'est une vue mélancolique du printemps, dont je ne suis pas sûr qu'elle vise à déconstruire la célébration de cette saison. Certes il y a des touches naturalistes, mais de quoi n'y a-t-il pas de touches dans ces greguerías ?
Et puis rien ne dit que le manège ne tourne pas et que l'enfant est tristounet...

jeudi 25 juillet 2019

Greguería n° 96

" La lechuga es toda enaguas. "
jupon__2_.png
" La laitue est toute jupon."

Commentaires

1. Le jeudi 25 juillet 2019, 11:36 par gerardgrig
À la jupe banane de Joséphine Baker, qui est l'icône des Années Folles, Ramón préfère le jupon laitue. Comme toujours, il opère un léger décalage, un changement de point vue imperceptible, pour mieux faire voir le sujet réel dont il traite. Il aide à comprendre la dialectique subtile de l'art de Joséphine Baker, sur fond d'érotisme, entre vie "sauvage" et vie "civilisée", humour et glamour, ingénuité et construction savante de soi.
2. Le vendredi 26 juillet 2019, 16:26 par Philalethe
Mais le jupon en question ici n'est pas fait de laitue ! Quant à savoir si la greguería végétalise le jupon ou érotise le légume... Cela doit dépendre largement de nos inclinations imaginatives. Spontanément j'y vois plutôt une désérotisation du jupon...

mercredi 24 juillet 2019

Greguería n° 95

" La verdadera plomada es una rata muerta agarrada por el rabo."
" Le vrai fil à plomb est un rat mort tenu par la queue."

Commentaires

1. Le mercredi 24 juillet 2019, 17:32 par gerardgrig
Faut-il voir dans cette gregueria une provocation anti-maçonnique ? Ramón n'ignore pas le symbolisme du Fil à Plomb, qui signifie l'élévation, la descente en soi et l'invitation à changer le plomb en or, dans le rituel maçonnique. L'image nihiliste du rat mort tenu par la queue, comme une abolition de la virilité obscène, pour contrôler la verticale d'on ne sait trop quoi, de façon sinistre, donne un haut-le-cœur. On est dans la thématique transgressive de Georges Bataille ("Histoire de rats").
2. Le jeudi 25 juillet 2019, 17:21 par gerardgrig
On pourrait être plus modéré dans son interprétation. Ramón est un moraliste classique, qui traque la vanité humaine sous toutes ses formes, même s'il emprunte des images fortes à la modernité. Il semble dire que les plus beaux monuments, aux perpendiculaires parfaites, finiront en ruines jonchées de cadavres d'animaux nuisibles.
3. Le vendredi 26 juillet 2019, 16:21 par Philalethe
Voir comme un fil à plomb un rat mort qu'on saisit par la queue pour s'en débarrasser  pourrait être aussi une redescription embellissante en vue de faire l'action sans émotion (cf la fonction des redescriptions dégradantes dans le stoïcisme). C'est la fonction éthique des métaphores que je pointe ici.

mardi 23 juillet 2019

Greguería n° 94

" El dia de la paz absoluta será cuando se lance al comercio el encededor atómico."
" Le jour de la paix absolue arrivera quand on lancera dans le commerce le briquet atomique."

lundi 22 juillet 2019

Greguería n° 93

" La lucha por el micrófono es una lucha escondida pero feroz. Todos quieren hablar por él, cantar su aria, tocar su flauta."
" La lutte pour le microphone est une lutte cachée mais féroce. Tous veulent y parler, chanter leur air, jouer de leur flûte."

Commentaires

1. Le lundi 22 juillet 2019, 14:39 par gerardgrig
Ramón était féru de radio et de cinéma. On le voyait dans la gregueria 82. Il a écrit "Ciné-ville", une parodie chaplinesque et nostalgique d'Hollywood. Ramón a aussi écrit le livret de l'opéra "Charlot". Il aimait le personnage de l'inadapté à la modernité, qui se moque d'elle. Il en faisait une théorie, le charlotisme, dans son autobiographie.
Dans cette gregueria, il n'épargne pas les artistes, victimes de l'attrait des nouveaux médias de la modernité, qui accroissent la compétition sociale.
2. Le vendredi 26 juillet 2019, 16:30 par Philalethe
Oui, Cinelandia est la chronique de son voyage à Hollywood. Je devrais lui consacrer quelques billets.

dimanche 21 juillet 2019

Greguería n° 92

" Atalayar la nada sería asomarse a la ventana de un edificio que nunca estuvo edificado."
" Espionner le néant serait se pencher à la fenêtre d'un édifice qui n'aurait jamais été construit."

samedi 20 juillet 2019

Greguería n° 91

" El amor propio precisamente es lo que más vive de la opinión ajena."
" L'amour-propre est précisément ce qui vit le plus de l'opinion d'autrui."