Faisant confiance à Diels (Fragmente der Vorsokratiker Berlin 1903), admettons que, sans le citer pourtant, le texte de Platon qui suit vise entre autres Empédocle :
« Ils déclarent que le feu, l’eau, la terre et l’air existent tous par l’effet de la nature et du hasard, et nullement de l’art ; quant aux corps qui viennent ensuite, la Terre, le Soleil, la Lune et les astres, ils proviennent des éléments tenus pour complètement privés d’âme. Ces éléments transportés par le hasard, et chacun selon sa puissance respective – en se rencontrant et en s’accordant selon leurs affinités propres, les éléments chauds avec les éléments froids, les secs relativement aux humides, les mous relativement aux durs, et de toutes les façons qui peuvent résulter d’un mélange des contraires, selon une nécessité réduite au hasard – ont engendré alors, et de cette façon, la totalité du ciel et tout ce qui prend place dans le ciel, puis tous les vivants ainsi que les plantes, toutes les saisons étant nées des éléments ; et tout cela, prétendent-ils, sans le concours d’un intellect, sans le concours de quelque dieu, sans le concours d’aucun art, mais, comme nous le disions, par l’effet de la nature et du hasard. » (Les Lois X 889 b traduit par Jean-Paul Dumont in Les Présocratiques La Pléiade p. 345)
En somme, que des causes, pas de raisons.
Platon ne pouvait déjà pas l’accepter, aujourd’hui encore les défenseurs de l’ Intelligent Design l’ont en travers de la gorge.
Platon ne pouvait déjà pas l’accepter, aujourd’hui encore les défenseurs de l’ Intelligent Design l’ont en travers de la gorge.
Aétius (fin du 1er s. av.J.-C. et début du 1er s. ap.), dont l’œuvre, si on ne la connaissait pas que d’après une reconstitution, aurait peut-être l’importance de celle de Diogène Laërce, permet de saisir plus finement et au niveau du vivant spécifiquement ce refus empédocléen du finalisme :
« Empédocle déclarait que les premières naissances d’animaux et de plantes, ne produisaient pas des êtres totalement achevés, mais consistaient en membres séparés et disjoints. Les deuxièmes étaient comme des produits de l’imagination (le hasard et la nécessité simulent dans leurs effets inintentionnels les œuvres, elles intentionnelles, de l’imagination) constituées par des parties jointes ensemble. Les troisièmes consistaient en créatures totales. Les quatrièmes provenaient non de semblables, comme la terre et l’eau, mais déjà de l’union de différents, tant par épaississement de la nourriture, tantôt parce que la beauté des femmes excitait à un mouvement d’éjaculation (la série aveugle des causes et des effets produit ainsi des êtres en mesure de donner des raisons aux effets qu’ils causent). » (Opinions, V, XIX, 5 ibidem)
Je crois que Popper aurait qualifié de « métaphysique » un tel texte : certes il ne permet de dériver aucune hypothèse falsifiable mais constitue virtuellement un programme sensé de recherches scientifiques matérialistes.
Ajout du 30/10/16 :
" To explain the origin of living species, Empedocles put forward a remarkable theory of evolution by survival of the fittest. First flesh and bone emerged as chemical mixtures of the elements being constituted by fire , air, and water in equal parts, and bone being two parts water to two parts earth and four parts fire. From these constituents unattached limbs and organs were formed : unsocketed eyes, arms without shoulders and faces without necks (KRS 375-6). These roamed around until they chanced to find partners ; they formed unions, which were often, at this preliminary stage, quite unsuitable. Thus there arose various monstrosities : human-headed oxen, ox-headed humans, androgynous creatures with faces and breats on front and back (KRS 379). Most of these fortuitous organisms were fragile or sterile ; only the fittest structures survived to be the human and animal species we know. Their fitness to reproduce was a matter of chance, not design (Aristotle, Ph 2. 8. 198b29) " (Anthony Kenny, Ancient Philosophy, Oxford Press, 2004, p. 23)
Commentaires
Un peu comme vous, j'ai tendance à penser que l'interdiction des fêves chez les pythagoriciens n'a pas à être expliquée par des causes extérieures. Il en va de même pour leurs autres interdictions. L'interdit est à soi-même sa propre raison suffisante. Il structure le groupe. Par ailleurs, en l'instituant, le maître affirme son autorité sur le groupe. J'irai même jusqu'à dire que plus l'interdit est opaque et incompréhensible, plus il est efficace.
Au total, dans tout ce que Diogène Laerce nous dit de la doctrine pythagoricienne, une question revient : pourquoi fait-elle mois penser à une école philosophique antique qu'à ce que nous appellerions aujourd'hui une secte ?
Comme je l'ai dit, cette incapacité est d'autant plus troublante que la doctrine pythagoricienne a une relation forte avec les mathématiques.
Le problème est de savoir dans quelle mesure c'est légitime d'attribuer sans anachronisme un savoir contemporain à des hommes qui d'après nos connaissances n'en disposaient pas du tout. Il faut peut-être accepter que certains interdits alimentaires qui se trouvent avoir aujourd'hui des raisons scientifiques n'ont pas été quand ils sont apparus formulé pour des raisons scientifiques mais religieuses, sociales, philosophiques etc. Votre explication est du même type que celle qui explique originairement la circoncision par la prévention des infections du gland.
En résumé les fèves sont les prémices de la terre, le symbole de tous les bienfaits des gens de dessous-terre.
Le champ de fèves égyptien, ainsi nommé symboliquement, était le lieu où les défunts attendaient la réincarnation. Ce qui confirme l'interprétation générale de ce féculent."
Ceci dit, ce qu'écrit Larousse est très riche et intéressant :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bp...