Dans la deuxième des Considérations inactuelles (1874), pour définir l’histoire monumentale et sa dimension falsificatrice, Nietzsche évoque Pythagore d’une manière, à mes yeux, inattendue :
« Quand la considération monumentale du passé domine les autres façons de considérer les choses, je veux dire les façons antiquaire et critique, le passé lui-même en pâtit. On oublie des périodes tout entières, on les méprise, on les laisse s’écouler comme un flot gris ininterrompu dont seuls émergent quelques faits comme des îlots. Les rares personnages qui deviennent visibles ont quelque chose d’artificiel et de merveilleux, quelque chose qui ressemble à cette hanche dorée que les disciples de Pythagore croyaient reconnaître chez leur maître. » ( De l’utilité et de l’inconvénient de l’histoire pour la vie )
A dire vrai, Nietzsche trahit le texte de Laërce qui en aucune manière ne permet de penser à une illusion de disciples fascinés. Je le rappelle :
« On raconte qu’une fois il s’était dénudé, et qu’on avait vu sa cuisse en or. » (VIII 11)
Mais, au fait, qui est ce « on » ? Se référant à Jamblique (250-330) et à sa Vie de Pythagore, il s’agirait d’Abaris l’Hyperboréen, prêtre du culte d’Apollon :
« Selon Jamblique, V. pyth. 90, Abaris, prêtre d’Apollon, de retour de Grèce dans sa patrie, après avoir récolté de l’or pour son Dieu (cf V.pyth. 141), reconnut en Pythagore Apollon lui-même et lui confia la flèche magique (en V. pyth.140, Pythagore lui prend la flèche) sur laquelle il voyageait et dont il se servait pour accomplir des purifications, éloigner les pestilences (cf Jamblique, V. pyth 135 ; 141) et détourner les vents (Porphyre, V. pyth.29). Pythagore, pour lui donner une preuve de sa divinité, lui dévoila sa cuisse en or (Porphyre, V.pyth. 28 ; Jamblique, V.pyth 135) et l’invita à rester et à instruire la communauté des adeptes. Abaris devint ainsi, à un âge déjà avancé, disciple de Pythagore (cf Jamblique, V.pyth. 142 ; dans la Souda et Schol. Plat.in Remp. 600b, le rapport maître-disciple est inversé), lequel, plutôt que d’en faire, à la manière habituelle, un auditeur pendant cinq ans, l’introduisit directement à la connaissance de ses ouvrages sur la nature et sur les dieux ; il lui enseigna également la divination par les nombres alors qu’Abaris n’avait utilisé jusque là que les entrailles des animaux (Jamblique, V.pyth 147). » (Dictionnaire des philosophes antiques Bruno Centrone T I p.45)
Pythagore y croit donc à sa jambe en or ; d’ailleurs est-il pertinent de parler de Pythagore ? Il s’agit plutôt d’Apollon apparaissant sous les traits de Pythagore. Devenant le disciple de Pythagore, Abaris reste ce qu’il est : un prêtre du culte d’Apollon. Comment préserver donc l’identité de Pythagore en le voyant comme un avatar d’Apollon ?
Et comment, en préservant son identité, ne pas en faire un maître ès supercheries ? Mais non, un regard voltairien ne convient pas du tout pour caractériser un monde où le divin et le rationnel, loin de s'opposer, se mêlent intimement.
Et comment, en préservant son identité, ne pas en faire un maître ès supercheries ? Mais non, un regard voltairien ne convient pas du tout pour caractériser un monde où le divin et le rationnel, loin de s'opposer, se mêlent intimement.
Commentaires
il n'y a rien d'ésotérique... La cabale lourianique est d'origine pythagoricienne, le pythagorisme est d'origine iranienne, il y a eu une influence croisèes entre la cuture iranienne et je judaïsme au 7e av J-C et peut être d'autres doctrines, soulévement de Pythagore pour en finir avec le culte de Mithra fondamental d'origine égyptienne (pour en donner que le lieu de développement). Quant aux Maguséens, est-ce vraiment un mélange de la culture iranienne et chaldéenne ? Mettez tout cela dans un mythe et vous avez la confiture grecque... La naissance de Jésus, par contre, est un syncrétisme car elle résume à un moment T tout le savoir disponible de l'époque...