" Esas damas que aparecen con guantes negros hasta más arriba del codo es que quieren parecerse a la Venus de Milo como si tuviesen cortados los brazos."
" Si certaines femmes se montrent avec des gants noirs jusqu'au-dessus du coude, c'est qu'elles veulent ressembler à la Vénus de Milo, comme si elles avaient les bras coupés."
Commentaires
1. Le mercredi 12 février 2020, 00:26 par gerardgrig
On peut s'interroger sur le sens de la sensualité sophistiquée des gants de femme noirs au-dessus du coude, qui sont associés au déguisement, ou au fétiche quand ils sont retirés avec une lenteur calculée. L'explication de Ramón est très séduisante. Elle fait penser au type d'associations d'un dandy amateur d'art, qui ne sera jamais artiste, comme Charles Swann chez Proust, qui ne voit les femmes que dans l'optique de l'art, pour les idéaliser. Mais Swann applique aussi le procédé à son cocher Loredan, qui ressemble à un buste de Doge. Le long gant noir rehausse la femme. Le bas résille fait le contraire, en l'assimilant à un poisson pris dans un filet.
Oui, mais ici c'est le personnage qui intentionnellement encourage la perspective de l'esthète. D'autres greguerías comparent la femme à la statue. Statue qu'elle fait d'elle ou qu'on fait d'elle.
" Era de esas almas de Dios que cuando les van a envolver una cosa dicen que no se la envuelan. Por eso abusaba tanto de el su mujer."
" Il appartenait à ces enfants du Seigneur qui, au moment où on va emballer ce qu'ils achètent, disent que ce n'est pas la peine. C'est la raison pour laquelle sa femme abusait tant de lui."
" Para comprender por qué se venden tanto los malos libros no hay más que fijarse que el mundo está lleno de malas corbatas que también se venden mucho."
" Pour comprendre pourquoi se vendent tant les mauvais livres, il suffit d'être attentif au fait que le monde est plein de vilaines cravates qui se vendent aussi beaucoup."
" Hay unos seres eclipsantes que se ponen delante del que nos interesaba ver en la fotografía, y si es una estatua de rey la que ocultan, parece que se han puesto su corona."
" Il y a des êtres qui éclipsent : ils se mettent devant ce qu'on aimerait voir sur la photographie et si c'est une statue de roi qu'ils cachent, il semble qu'ils se soient mis sa couronne."
Lisant le remarquable ouvrage de Richard Popkin, Histoire du scepticisme. De la fin du Moyen-Âge à l'aube du XIXème siècle (2003), je relève sous la plume de Bayle dans son article sur Uriel da Costa cette désespérante comparaison :
" (...) l'on peut comparer la Philosophie à des poudres si corrosives, qu'après avoir consumé les chairs baveuses d'une plaie, elles rongeroient la chair vive, & carieroient les os, & les perceroient jusqu'aux mouelles. La philosophie réfute d'abord les erreurs ; mais, si on ne l'arrête point là, elle attaque les véritez : &, quand on la laisse faire à sa fantaisie, elle va si loin, qu'elle ne sait plus où elle est, ni ne trouve plus où s'asseoir. " (Agone, 2019, p. 639)
Il plaît souvent aux élèves qu'on élimine par l'acide de la réflexion philosophique les chairs doxiques corrompues. Quelquefois ils acceptent même avec jubilation qu'il s'agisse des leurs. Tous, leur professeur compris, rêvent de chairs philosophiques fermes, mais l'acide de la réflexion philosophique mord tous les corps philosophiques constitués. Certes, par l'anti-acide qu'ils sécrètent, ces corps durables limitent les dégâts mais de là à trouver de quoi asseoir pour toujours la pensée... On reste alors sur le siège familier par habitude, par goût et affinité... Mais taisons-nous ! Qui célèbre avec enthousiasme le pouvoir corrosif de l'acide est remis à sa place et surtout il en ressent vite les brûlures.
Les critiques d'art sont d'accord. C'est le contraste avec le tissu des coussins qui rehausse l'éclat de la chair de la Maja, en nous donnant l'illusion qu'elle flotte dur l'eau. C'est une Vénus sorti de l'eau, mais dans une maison de plaisir. En nous invitant à regarder les coussins, Ramón nous donne un conseil de sybarite. Il faut se concentrer sur les préliminaires lié au contexte de l'objet désiré, pour parvenir à l'acmé du plaisir.
2. Le mercredi 12 février 2020, 01:27 par gerardgrig
En attribuant un caractère éthéré de nuage à un élément du tableau, sur lequel il se concentre, Ramón tente de remédier à l'inconfort de l'universel sans concept de l'art. La Maja nue et poilue est-elle encore de la provocation pornographique, le double licencieux et dissimulé de la Maja vêtue ? A-t-elle jamais été de l'art, et si ce n'est pas le cas, pourquoi en serait-elle aujourd'hui ? Toute nudité peinte n'est-elle pas d'essence pornographique ? Las de ces questions lancinantes, Ramón regarde les nuages.
Ramón aime voir le naturel comme culturel et réciproquement. En plus il renverse ici le rapport fond/forme. Plus d'érotisme, et encore moins de pornographie : un ciel sur fond de femme nue.
" Uno de los gestos más conmovedores de la calle es el de la vendedora de castañas o de cacahuetes abriendo nuestro bolsillo para echar en su fondo la medida.'
" Un des gestes les plus émouvants dans la rue est celui de la vendeuse de châtaignes ou de cacahuètes quand elle ouvre notre poche pour glisser au fond la quantité qui nous revient."
La rencontre de la justice dans la vie quotidienne est toujours émouvante. Il doit y avoir des raisons pour que ce geste soit parmi les plus émouvants.
2. Le mercredi 29 janvier 2020, 18:23 par Philalèthe
Il y a un air de famille entre cette vendeuse et les épouses qui se mettaient à genoux pour lacer les souliers de leur époux, droit debout, lui !
Il y a ce rapport de classes entre la vendeuse des rues et le bourgeois qu'elle sert, et que traduit sa posture. Mais cette situation est sublimée par la puissance de la féerie. La vendeuse des rues, c'est la marchande d'allumettes d'Andersen. Elle peut faire advenir la magie dans la vie quotidienne. Elle pourrait remplir d'or la poche du bourgeois.
" Devant les cosmos humides, tendres, pleins de sèves et de courbes, me revient l'idée très simple que la vue est soutenue par le toucher, le toucher par l'ouïe, l'ouïe par le goût, que la réalité est faite de cet équilibre de concordances où Pascal situait le sol véritable de la certitude " écrit Louis Althusser le 21 août 1942 dans son Journal de captivité (Stock/Imec, 1992, p.103)
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