Lisant le remarquable ouvrage de Richard Popkin, Histoire du scepticisme. De la fin du Moyen-Âge à l'aube du XIXème siècle (2003), je relève sous la plume de Bayle dans son article sur Uriel da Costa cette désespérante comparaison :
" (...) l'on peut comparer la Philosophie à des poudres si corrosives, qu'après avoir consumé les chairs baveuses d'une plaie, elles rongeroient la chair vive, & carieroient les os, & les perceroient jusqu'aux mouelles. La philosophie réfute d'abord les erreurs ; mais, si on ne l'arrête point là, elle attaque les véritez : &, quand on la laisse faire à sa fantaisie, elle va si loin, qu'elle ne sait plus où elle est, ni ne trouve plus où s'asseoir. " (Agone, 2019, p. 639)
Il plaît souvent aux élèves qu'on élimine par l'acide de la réflexion philosophique les chairs doxiques corrompues. Quelquefois ils acceptent même avec jubilation qu'il s'agisse des leurs.
Tous, leur professeur compris, rêvent de chairs philosophiques fermes, mais l'acide de la réflexion philosophique mord tous les corps philosophiques constitués.
Certes, par l'anti-acide qu'ils sécrètent, ces corps durables limitent les dégâts mais de là à trouver de quoi asseoir pour toujours la pensée... On reste alors sur le siège familier par habitude, par goût et affinité...
Mais taisons-nous ! Qui célèbre avec enthousiasme le pouvoir corrosif de l'acide est remis à sa place et surtout il en ressent vite les brûlures.