jeudi 21 septembre 2006

De quelques platitudes sur la beauté.

Qu’est-ce que la beauté ?
Voilà bien une question comme les philosophes généralement les aiment, désireux qu’ils sont d'enfermer dans des mots bien pesés les essences des choses.
A ce sujet, Laërce dans le passage consacré aux apophtegmes d’Aristote attribue à ce dernier la pensée suivante
« La beauté est une meilleure recommandation que n’importe quelle lettre. » (V 18)
L’idée est triviale mais me fait penser à Hobbes qui écrit dans le Léviathan en 1651 :
« La beauté est un pouvoir, parce qu’étant la promesse d’un bien elle vous recommande à la faveur des femmes et de ceux qui ne vous connaissent pas encore. (chap. X trad. de Tricaud)
Laërce ajoute immédiatement que l’attribution à Aristote est contestée : c’est Diogène qui aurait proféré ce jugement. Admettons: le Chien devait être alors en panne de verve vacharde. Heureusement un de ses propos me met sur la voie de ce qu’il aurait été cyniquement correct de dire à ce sujet:
« Diogène se gaussait de la noblesse de naissance, de la gloire et de toutes les choses du même ordre, les traitant de « parures du vice » (VI 72)
Aristote, lui, aurait dit en fait que « la beauté physique est le don d’un dieu ». A la différence de la première définition qu’on pourrait aujourd’hui encore répéter dans le cadre d’une conversation sur les entretiens d’embauche, cette dernière citation est, elle, bien datée. En revanche celle que Laërce attribue à Platon est aussi banale mais d'un banal qui a résisté au temps:
« Un privilège accordé par la nature ».
Les quatre autres définitions, que Laërce présente à cette occasion, ne pourraient pas se fondre dans la conversation, elles feraient citations.
Voulez-vous cependant reprendre l’idée développée par Aristote (ou Diogène) et par Hobbes ? Vous avez alors le choix entre :
« une royauté sans gardes du corps » (Carnéade)
et
« une tyrannie de courte durée » (Socrate)
Je choisirais quant à moi la dernière, plus riche par sa référence à l’éphémérité nécessaire du pouvoir en question.
Préférez-vous identifier la beauté à une apparence mensongère ?
Théocrite le dit métaphoriquement :
« Un bijou de pacotille à l’éclat d’ivoire »
Je réalise subitement que je tiens là une définition possible de Socrate, célèbre pour avoir montré aux autres une surface physique qui ne reflétait pas sa profondeur :
« Un bijou d’ivoire à l’éclat de pacotille »
Mauvais esprit, anti-socratique, oserais-je aller jusqu’à dire que sa laideur lui garantissait « une tyrannie de longue durée » ?
Si vous souhaitez aller droit au fait, vous reprendrez l’expression de Théophraste :
« Une tromperie silencieuse »
Il semble donc que la beauté des corps n’a pas bonne presse chez ces penseurs antiques. Identifiée au pouvoir immérité et à la valeur superficielle, elle paraît être ce qu’il faut rabaisser quand on commence à philosopher. Certes on se rappelle que Platon dans le Banquet fait une place à l’amour des beaux corps mais ce n’est qu’à l’expresse condition que, partant d’eux, on les oublie vite au profit de réalités plus hautes.
Je n'oublie pas qu' Epicure a donné une place de prix à la beauté mais ce n’est pas alors celle naturelle des corps mais celle artificielle de la musique, du chant, du théâtre, de la danse, de la peinture. Reste qu’ objet d’un désir naturel mais non nécessaire, la beauté n’est en rien condition du bonheur. Je devine même que la belle personne est plus mal partie qu’une autre dans la course au bonheur tant elle court le risque d’être prise dans les rêts d’un désir devenu bien vite et malheureusement amour...Mais je ne veux surtout pas faire croire que les Epicuriens ont dit le dernier mot sur l'amour !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire