Dans L’empire rhétorique (1977), Chaïm Perelman écrit:
« Je me souviens encore, après plus de trente ans, de l’effet pénible produit par un orateur qui, chargé de prononcer devant la foule, l’éloge funèbre d’un ami défunt, avait abusé de la parole pour attaquer une partie de l’assistance. Il y a également abus, dans le choix de l’instituteur, à qui l’on a confié l’éducation des enfants conformément aux valeurs de la communauté, et qui en profite pour propager les idées et les valeurs qui suscitent le scandale. » (p.24)
On pourrait éclairer ce texte à la lumière du concept kantien d'usage privé de la raison. L’usage privé en question est réglé selon les normes internes de l’institution à laquelle on participe (ici l’enterrement et l’école). Or, Perelman dénonce le non-respect de cet usage, précisément l’irruption du jugement personnel dans une pratique normalement conforme aux règles d'un jeu institutionnel donné.
Cette irruption, je la vois comme une des marques du cynique antique. Certes le Chien la systématise et c’est cette systématicité qui permet de distinguer le cynique de l’ami accusateur ou de l’instituteur prosélyte. On pourrait ainsi distinguer une transgression philosophique de l’usage privé de la raison d’une transgression passionnelle et accidentelle d’un tel usage. J’opposerai à cette transgression philosophique cynique la conformité philosophique stoïcienne. L’instituteur comme l’ami stoïciens auraient à cœur de jouer selon les règles en vigueur dans les circonstances où ils se trouvent.
Reste un point commun au cynique et au stoïcien : qu’il transgresse ou se conforme, c’est, à la différence des deux personnages de Perelman, pour des raisons tout à fait impersonnelles.