mercredi 1 septembre 2021

Cosmopolitisme à des fins théoriques.

 Dans son Dictionnaire historique et critique, Pierre Bayle écrit :

" Un Historien en tant que tel est comme Melchisedec, sans père, sans mère et sans généalogie. Si on lui demande: " D'où êtes-vous?" il faut qu'il réponde: ''Je ne suis ni François, ni Allemand, ni Anglois, ni Espagnol, etc., je suis habitant du monde, je ne suis ni au service de l'Empereur, ni au service du Roi de France, mais seulement au service de la Vérité; c'est ma seule Reine, je n'ai prêté qu'à elle le serment d'obéissance: je suis son Chevalier voué "» (Usson, F)

Le cosmopolitisme cynique visait à ancrer dans le local et le temporel des croyances et des actions prises à tort pour légitimes par les hommes ordinaires; celui défendu par les Stoïciens, dans la continuité du premier, avait la même conséquence morale : sous des héritages culturels différents, voire opposés, tous les hommes sont identiques par la raison, ce qui permet à chacun de pouvoir accéder - qu'il les découvre ou qu'on les lui communique - à des raisons vraies et permanentes. Avant de supporter le fou, il faut donc tenter de le faire bien raisonner.

Comme les deux précédents, le cosmopolitisme de Pierre Bayle est une norme : " je dois être un habitant du monde ", mais sa finalité, dans les lignes citées, est au service du savoir à venir, en vue de lui assurer l'objectivité ; c'est ce cosmopolitisme qui fait du dictionnaire de Pierre Bayle un dictionnaire critique ; protestant, il a rendu compte équitablement des livres catholiques. Mais Pierre Bayle n'a pas été au-delà de toute culture possible, à la différence du cynique ancien, il a habité, lui, un camp : celui des réformés dont il respectait les usages et dont il partageait à première vue les croyances ; il s'est soumis aussi à l'autorité indiscutée de Louis XIV. Son rationalisme de calviniste, héritier de la Bible, était donc bien différent de celui des Stoïciens auxquels la raison, par elle seule, était supposée faire connaître le fin mot de l'Univers.

1 commentaire:

  1. C'est un sujet passionnant que j'ai abordé dans un Mémoire sur le droit des peuples de John Rawls.

    RépondreSupprimer