mardi 1 février 2011

Diderot et Helvétius : des natures humaines ou une nature humaine ? ou y a-t-il une thèse philosophique sur la nature des hommes spontanément partagée par les professeurs ?

Dans sa Réfutation suivie de l'ouvrage d'Helvétius intitulé L'homme, Diderot prend position contre la thèse, attribuée à Helvétius, que tous les hommes normalement constitués partagent une nature humaine identique et que celle-ci les rend identiquement potentiellement capables de faire tout ce qui peut être appris. On peut voir dans cette thèse un élément d'une position culturaliste radicale définissant l'homme comme résultat des apprentissages auxquels la société l'a soumis.
Sans méconnaître le rôle de la société, Diderot s' appuyant sur l'expérience de l'échec de certains apprentissages, même obstinément poursuivis, soutient la thèse que le succès ou l'échec de l'apprentissage est relatif à la nature singulière de l'individu. Plus exactement Diderot range les hommes dans des groupes naturels à l'intérieur de l'espèce humaine (ainsi quand il oppose "les âmes tendres" aux " coeurs durs", il prétend déterminer deux types naturels d'homme sur lesquels par exemple l'enseignement de la poésie n'aura nécessairement pas les mêmes effets, toutes choses égales par ailleurs).
Pour convaincre le lecteur, il le renvoie à l'école et à l'expérience que les professeurs ont des élèves :
" Hélas ! les écoles sont pleines d'enfants si désireux de la gloire (j'ajoute : de parents si désireux de la gloire pour leurs enfants), si studieux, si appliqués ! ils ont beau travailler, se tourmenter, pleurer quelquefois de leur peu de progrès, ils n'en avancent pas davantage ; tandis que d'autres , à côté d'eux, légers, inconstants, distraits, libertins, paresseux, excellent en se jouant (...) Si Helvétius avait exercé la profession malheureuse d'instituteur d'une cinquantaine d'élèves, il eût bientôt senti la vanité de son système. Il n'y a pas un professeur dans tous nos collèges à qui ses idées ingénieuses ne fissent hausser les épaules de pitié " (p. 589, Oeuvres philosophiques, 1964, Garnier)
Diderot a sans doute raison mais quel bon usage faire de ce savoir-là dans l'enseignement ? Ne doit-on pas commencer l'année en Helvétius pour la finir en Diderot ?
Ultime consolation, mais pas au prix d'un défaut de lucidité.

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