dimanche 5 mai 2013

Fondations sans palais et palais sans fondations.

Je ne l'avais pas encore remarqué ! Descartes a très exactement écrit dans la première partie du Discours de la méthode que les Stoïciens ont ce qui fait défaut aux mathématiciens et réciproquement :
" Je me plaisais surtout aux mathématiques, à cause de la certitude et de l'évidence de leurs raisons ; mais je ne remarquais point encore leur vrai usage, et pensant qu'elles ne servaient qu'aux arts mécaniques , je m'étonnais de ce que, leurs fondements étant si fermes et si solides. on n'avait rien bâti dessus de plus relevé. Comme, au contraire (c'est moi qui souligne), je comparais les écrits des anciens païens qui traitent des moeurs, à des palais fort superbes et fort magnifiques, qui n'étaient bâtis que sur du sable et de la boue. Ils élèvent fort haut les vertus, et les font paraître estimables par-dessus toutes les choses qui sont au monde ; mais ils n'enseignent pas assez à les connaître, et souvent ce qu'ils appellent d'un si beau nom, n'est qu'une insensibilité ou un orgueil, ou un désespoir, ou un parricide."
Descartes n'annonce pas ici La Rochefoucauld qui va s'ingénier à identifier les vices sous les vertus car lui ne nie pas ici la réalité des vertus ; Descartes reproche au stoïcisme de ne pas avoir eu au moins une psychologie ou une anthropologie morales à la hauteur de son éthique, d'où l' incapacité stoïcienne à distinguer la vraie vertu de ce qui lui ressemble (ainsi le Stoïcien appelle-t-il vertu ce qu'il aurait reconnu comme de l'insensibilité, s'il était parti de la connaissance de l'homme avant d'établir son éthique). Certes il pense que l'éthique est en accord avec la connaissance vraie de la nature mais aux yeux de Descartes sa connaissance n'est que sable et boue.
Les mathématiciens, eux, ont des connaissances basiques vraies mais elles ne servent qu'aux applications pratiques. Certes Descartes ne s'est pas proposé de tirer une éthique des mathématiques mais, en donnant aux maths la fonction d'un savoir que doit prendre comme modèle la connaissance des objets autres que mathématiques, comme Dieu par exemple, il établit d'une certaine façon une relation entre les mathématiques et les vertus.
Ajout du 08/05/13 : Quelques lignes de l' Êpitre adressée, en ouverture des Méditations métaphysiques, aux Doyen et Docteurs de la Faculté de Théologie de Paris permettent de bien identifier de quels fondements manque l'éloge stoïcien des vertus :
" J'ai toujours estimé que ces deux questions de Dieu et de l'âme étaient les principales de celles qui doivent plutôt être démontrées par les raisons de la philosophie que de la théologie : car bien qu'il nous suffise à nous autres qui sommes fidèles de croire par la foi qu'il y a un Dieu, et que l'âme humaine ne meurt point avec le corps, certainement il ne semble pas possible de pouvoir jamais persuader aux infidèles aucune religion, ni quasi même aucune vertu morale, si premièrement on ne leur prouve ces deux choses par raison naturelle."

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