mercredi 3 juillet 2013

Vouloir tout et son contraire, comme un enfant : la faiblesse en métaphore de la force.

Dans Le Sophiste, l' Étranger a devant Théétète réfuté autant la thèse parménidéenne ( tout est immobile ) que la position héraclitéenne ( tout est en mouvement ). Ne pouvant nier pourtant la réalité ni du mouvement ni du repos, l' Étranger va chercher à les penser ensemble même si chacun exclut l'autre :
" Le philosophe, lui, qui estime au plus haut degré toutes ces choses, est donc absolument contraint - en raison de ces mêmes choses - de ne pas approuver que le tout soit en repos, qu'il s'agisse de l'opinion de ceux qui affirment l'existence d'une seule forme, ou de ceux qui affirment qu'il y en a plusieurs, et de ne pas écouter non plus, en aucune manière, ceux qui font mouvoir l'être en toutes directions ; lui, comme les enfants dans leurs désirs, ne sachant que choisir, devra dire que le "tout qui est" est à la fois immobile et en mouvement." ( 249 cd, p. 1851, éd. Brisson)
Sans doute habitué par Descartes à identifier l'enfant à l'anti-modèle du philosophe, je suis enclin à voir comme paradoxale et inattendue la comparaison platonicienne contenue dans ces lignes : en effet c'est l'enfant, encore dans sa faiblesse car hésitant et dominé par des désirs contradictoires, c'est cet enfant qui permet au lecteur de Platon d'imaginer la tâche du philosophe, pourtant maître, lui, de thèses contradictoires qu'il domine et qu'il tente de dépasser de manière synthétique.
Ce que le philosophe juge impossible et condamnable quand il s'agit des désirs ( les satisfaire simultanément quand ils s'excluent ) est possible et requis quand les inclinations sont remplacées par les propositions philosophiques. À la différence de l'enfant gâté qui échouera nécessairement, le philosophe réussit à concilier ce qui apparement est théoriquement incompatible.

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