vendredi 16 mai 2008

Sénèque (23): Lucilius, victime d'un double bind ?

Alors que pour familiariser Lucilius avec l’idée de sa mort, Sénèque n’a pas cessé de mobiliser des situations relatives à la vie d’un Romain libre et engagé dans la vie publique, politique et militaire, il va terminer cette quatrième lettre par une maxime épicurienne, portant sur la pauvreté, identique en cela à celle qui clôt la lettre II, et engageant son disciple à se convertir à une vie radicalement différente.
Il y a cependant une différence dans la désignation de l’espace d’où est tiré le passage cité. Dans la lettre II, la métaphore est militaire car c’est en éclaireur (explorator) traversant le camp (castra) épicurien que Sénèque a prélevé le texte cité ; en revanche dans la lettre IV, l’appellation est plus conventionnelle : certes il ne s’agit pas du jardin d’Epicure (Epicuri hortus selon l’expression de Cicéron dans De natura deorum I 93 ; Gaffiot m'apprend d'ailleurs que Cicéron avait utilisé déjà l’expression Epicuri castra dans les Epistulae 9, 20, 1) mais de jardinets ne lui appartenant pas (ex alienis hortulis). De ces petits jardins Sénèque se saisit de, prend pour soi (sumere) cette phrase :
« Magnae divitiae sunt lege naturae composita paupertas » = une pauvreté réglée sur la loi de la nature constitue de grandes richesses.
Pour élucider le sens de ce qu’il vient de citer, Sénèque présente la théorie épicurienne sous une forme simplifiée dans le sens de l’austérité:
« Lex autem illa naturae scis quos nobis terminos statuat ? Non esurire, non sitire, non algere »= Mais sais-tu quelles limites nous fixe la loi de la nature ? Ne pas avoir faim, ne pas avoir soif, ne pas avoir froid
S’ensuit alors une condamnation de toutes les activités propres au statut social de Lucilius :
« Ut famem sitimque depellas, non est necesse superbis adsidere liminibus, nec supercilium grave et contumeliosam etiam humanitatem perpeti, non est necesse maria temptare nec sequi castra. Parabile est, quod natura desiderat, et adpositum : ad supervacua sudatur. Illa sunt quae togam conterunt, quae nos senescere sub tentorio cogunt, quae in aliena litora inpingunt : ad manum est quod sat est » = pour que tu chasses la faim et la soif, il n’est pas nécessaire d’assiéger les superbes entrées ni d’endurer le sourcil accablant et même la bienveillance blessante ; il n’est pas nécessaire de tenter les mers ni de suivre les camps. Ce que la nature réclame est à notre disposition et tout près: on sue pour des choses inutiles. Ce sont elles qui usent la toge, qui nous contraignent à vieillir sous la tente, qui nous jettent vers des rives étrangères. Ce qui suffit est à portée de main. »
Reste que ce texte contient une ambiguïté : en effet la référence à ce qui suffit (quod sat est) rappelle la distinction entre le nécessaire et le suffisant sur laquelle se terminait II (cf le billet du 23-02-08). Or, il va de soi que si cette distinction continue de valoir, vu le début du passage, sa terminaison logique aurait dû être quod necesse est
Résumons : pour persuader Lucilius, Sénèque s’appuie sur des situations propres à une vie avec laquelle il exhorte son disciple à rompre !
Lucilius ne peut donc pas à la fois se représenter son avenir sous la forme de celle d’un chevalier, ce qui, vu sous un certain jour, l’aide à se défaire de la peur de la mort et s’imaginer sa vie future sous les traits de la satisfaction minimale de ses besoins vitaux.
Comme l’a expliqué Pierre Hadot, ce qui compte dans ces textes antiques est quelquefois moins leur cohérence interne que leur capacité de convertir. A cette fin, ils font feu de tout bois.

mercredi 14 mai 2008

Sénèque (22) : la mort comme idée fixe mais sans le côté pathologique.

Quel usage Lucilius doit-il donc faire de ce que Sénèque vient de lui représenter à propos de la mort ?
« Haec et ejusmodi versanda in animo sunt, si volumus ultimam illam horam placidi expectare, cuius metus omnes alias inquietas facit “ = et les choses de cette sorte doivent être tournées et retournées dans l’esprit, si nous voulons attendre paisibles cette dernière heure, dont la crainte rend toutes les autres agitées
Je note que le maître se recommande à lui-même comme à son disciple l’examen permanent de ce qu’il vient de transmettre. Le mépris de la vie (contemptio animae) n’est donc jamais définitivement conquis : la peur de la mort menace constamment car on ne s’immunise pas une fois pour toutes contre elle ; en un sens, les idées que Sénèque vient d’avancer sont des boucliers ; comme eux, elles ne protègent que si elles sont mises en avant.
Aussi la direction de conscience que Sénèque entreprend avec Lucilius est-elle l’occasion, par le fait de les apprendre à Lucilius, de se les répéter à lui-même. Tout se passe au fond comme si ces jugements ne convainquaient que pendant le temps où ils sont proférés et compris. On ne sait jamais définitivement ce qu’il en est de la mort, il faut toujours et toujours se le remémorer. En effet la répétition des idées en question n'est pas le moyen de les mieux comprendre - comme si leur profondeur en faisait des thèmes de méditations infinies - mais celui de leur faire jouer, sur le devant de la scène de la conscience, leur rôle salvateur. Il n'est pas question d'approfondir mais de mobiliser.
Je relève aussi que la visée de cette leçon n’est pas de détourner Lucilius de la pensée de la mort en réglant par la réflexion la question de son identité mais de transformer une attente anxieuse en attente sereine. La mort reste donc au centre de l’attention mais débarrassée des idées fausses qui perturbaient la vie. Centrale mais rendue banale et familière par l’évocation incessante du risque permanent de mourir.
C’est bien connu que Montaigne reprend cet héritage quand, à 39 ans en 1572, il écrit :
« Apprenons à le (l’ennemi qu’est la mort) soutenir de pied ferme, et à le combattre. Et pour commencer à luy oster son plus grand advantage contre nous, prenons voye toute contraire à la commune. Ostons luy l’estrangeté, pratiquons le, accoustumons le. N’ayons rien si souvent en la teste que la mort. » (Essais I XX)
Le chapitre dont ces lignes sont extraites porte pour titre : Que philosopher c’est apprendre à mourir. Peut-il aider ? Je ne poserais pas la question si je n’avais pas lu cette note de Villey dans son édition des Essais :
« Un correspondant m’informe que, pendant l’incinération d’un ami, pour adoucir la peine des assistants il a donné lecture de l’essai « Que philosopher c’est apprendre à mourir » et il demande une traduction de Montaigne en français moderne pour de semblables circonstances » (p.1125 Quadrige PUF)
C’est clair en tout cas que ce n’est pas afin de surmonter la douleur de la mort d’autrui que Sénèque a écrit ces lignes mais dans le but de rendre supportable l’idée de sa propre mort.

mardi 13 mai 2008

Sénèque (21) : aller à la mort ou y être conduit ?

Il est étrange pour nous, mais révélateur peut-être du monde dans lequel Sénèque vivait, que ce dernier ait seulement fait appel au risque de l’assassinat, de la mort violente pour familiariser Lucilius avec la réalité de sa propre mort. On peut s’étonner en effet que d'autres morts accidentelles, par maladie par exemple, ne viennent pas renforcer l’exhortation à comprendre que la mort est à chaque instant possible. (cf note 1)
La dernière situation choisie va dans le même sens car c’est la mort à laquelle le prisonnier de guerre est condamné qui est évoquée. Il est mené à la mort, littéralement il est mené: duci (forme passive de ducere) euphémisme qui évoque notre « il est parti », sauf qu’ici la passivité est marquée, passivité par rapport au vainqueur (qui condamne à mort) autant que par rapport à la vie (qui également condamne à mort). La décision du vainqueur va paradoxalement dans le sens de la vie, le premier ne faisant que réaliser le cours des choses. Le latin rend bien cela :
« Victor te duci jubebit : eo nempe quo duceris » = le vainqueur ordonnera que tu sois mené (à la mort) : là n’est-ce pas ? où tu seras mené.
Noblot éprouve le besoin d’expliciter (« le vainqueur t’envoie à la mort – Il t’envoie où ton destin te conduit »).
Quelques lignes plus loin, Sénèque le répète :
« Ita dico : ex quo natus es, duceris » = oui je le dis : du jour où tu es né, tu seras mené (à la mort).
Dans le Manuel, Epictète associe d’une autre manière la mort à la passivité :
« Comme, au cours d’une traversée, quand le navire a jeté l’ancre dans un port, si tu en descends pour aller chercher de l’eau fraîche, tu peux ramasser une chose accessoire au bord du chemin, un coquillage, une petite racine, il te faut pourtant avoir l’esprit tendu vers le bateau et te retourner constamment, de peur, que peut-être le pilote ne t’appelle, et que, s’il t’appelle, tu doives abandonner toutes ces choses, afin que tu ne sois pas embarqué dans le navire, ficelé comme un mouton (…) » ( 7 trad. Hadot)
Ici la passivité caractérise seulement celui qui n’a pas écouté la leçon philosophique et qui se révolte contre sa mort imminente: dans ce cas mourir en stoïcien ce n’est pas être mené mais rejoindre de son plein gré le navire. En revanche ce que Sénèque veut éveiller chez Lucilius, c’est la conscience d’avoir toujours été mené à la mort.
« Quid te ipse decipis et hoc nunc primum, quod olim patiebaris, intelligis ? » = pourquoi te trompes-tu toi-même et comprends-tu maintenant pour la première fois ce que tu subissais depuis longtemps ? (encore une fois Noblot se sent tenu d’expliciter en personnifiant en un certain sens cette passivité : « la fatalité que depuis si longtemps tu subissais »).
Aux yeux de Sénèque c’est parce qu’on sait qu’on a toujours été et qu’on sera toujours un mouton ficelé - en ce sens vivre c'est essentiellement pâtir - qu’on peut se décharger de son souci comme on se défait d’un fardeau (sollicitudinem deponere).
note 1: On trouve en revanche chez Montaigne une énumération plus diversifiée des morts inattendues et non exemplaires:
" Combien a la mort de façons de surprise ?
Quid quisque vitet, nunquam homini satis%% Cautum est in horas ("L'homme ne peut jamais bien prévoir les dangers de chaque heure à éviter" Horace Odes, II, XIII, 13)
Je laisse à part les fiebvres et les pleuresies. Qui eut jamais pensé qu'un Duc de Bretaigne deut estre estouffé de la presse, comme fut celuy-là à l'entrée du Pape Clément, mon voisin, à Lyon ? N'as tu pas veu tuer un de nos roys en se jouant ? Et un de ses ancestres mourut-il pas choqué par un pourceau ? Aeschilus, menacé de la cheute d'une maison, a beau se tenir à l'airte, le voylà assommé d'un toict de tortue, qui eschappa des pates d'un' Aigle en l'air. L'autre mourut d'un grein de raisin; un Empereur, de l'esgrafigneure d'un peigne, en se testonnant; Aemilius Lepidus, pour avoir hurté du pied contre le seuil de son huis; et Aufidius, pour avoir choqué en entrant contre la porte de la chambre du conseil; et entre les cuisses des femmes, Cornelius Gallus preteur, Tigillinus, Capitaine du guet à Rome, Ludovic, fils de Guy de Gonsague, Marquis de Mantoüe, et, d'un encore pire exemple, Speusippus, Philosophe Platoncicien, et l'un de nos Papes. Le pauvre Bebius, juge, cependant qu'il donne delay de huictaine à une partie, le voylà saisi, le sien de vivre estant expiré. Et Caius Julius, medecin, gressant les yeux d'un patient, voilà la mort qui clost les siens. Et s'il m'y faut mesler: un mien frere, le capitaine S.Marin, aagé de vingt et trois ans, qui avoit desja faict assez bonne rpeuve de sa valeur, jouant à la paume, receut un coup d'esteuf qui l'assena un peu au-dessus de l'oreille droite, sans aucune apparence de contusion, ny de blessure. Il ne s'en assit, ny reposa, mais cinq ou six heures apres il mourut d'une Apoplexie que ce coup lui causa." (Essais I XX)

dimanche 4 mai 2008

In memoriam canium (3) : Alcidamas, cynique fictif, ou comment il est finalement difficile pour un satiriste de caricaturer un cynique !

Dans le Banquet ou les Lapithes, Lucien se moque des philosophes. Toutes les sectes y sont réunies à l’occasion d’un mariage. Chacun a à cœur de montrer que ceux des autres camps ne mettent pas leur conduite en accord avec leur doctrine et les choses s’enveniment au point que le repas dégénère en rixe avec coups et blessures.
Le premier à rompre les conventions est le cynique Alcidamas :
« 12. C'est au moment où Cléodème parlait que notre cynique Alcidamas fit irruption dans la salle : Il n'avait pas été convié, et il s'exclama, d'un air tout à fait décontracté : « Ménélas arrive de son propre chef ! ». Les invités trouvèrent qu'il avait un sacré culot et il lui lancèrent quelques flèches bien aiguisées du genre : « Ménélas, fou que tu es ! » ou « Agamemnon n'est point en son cœur satisfait ! ». D'autres grommelèrent quelques petits mots d'esprit du même acabit. En fait, nul n'osa critiquer vraiment l'importun de service ; Alcidamas était redouté : avec sa voix de stentor, c'était le plus gouailleur des cyniques, et il dépassait tout le monde dans le genre, ce qui fait qu'il inspirait une certaine méfiance.
13. Finalement, Aristénète le complimenta, le priant de s'asseoir entre Histiaios et Dionysodore. « Peuh ! répondit le cynique, vous me prenez pour une femmelette ou quoi ? Me prélasser comme ça sur des coussins pour bouffer ? Sûrement pas ! Je vais manger debout, en me baladant de–ci de–là, à mon gré. Quand j'en aurai assez, je poserai ma pelisse par terre et je reposerai ma tête sur mon coude, comme on le voit sur les peintures qui représentent Héraclès. » - Comme tu veux, répliqua Aristénète. Et Alcidamas se mit à circuler dans la salle en grignotant et, comme les Scythes qui émigrent vers des terres grasses, lui s'aventurait du côté des serviteurs qui apportaient les plats…
14. Bref, il mangeait, mais son esprit restait vif puisqu'il nous fit un petit speech sur le vice et la vertu en se moquant de l'or et de l'argent, si bien qu'il demanda à Aristénète l'utilité de ces coupes brillantes et foisonnantes alors que, selon lui, les coupes d'argile étaient tout aussi pratiques. Aristénète interrompit brusquement ses commentaires tout à fait déplacés ; il ordonna à son échanson de lui tendre un énorme skyphos et d'y verser un vin très pur. Il croyait lui avoir ainsi cloué le bec. Or il ne se doutait pas que cette coupe allait être le point de départ de gros pépins. En effet, dès qu'il eut pris le skyphos, Alcidamas fit silence, puis, d'un seul coup, il se jeta sur le sol à moitié nu, s'allongeant de tout son long comme il avait menacé de le faire auparavant ; la tête appuyée sur son coude, il tendait son verre de la main droite comme l'Héraclès chez Pholos revu par les les artistes." (traduction de Philippe Renault avec des notes très éclairantes sur http://bcs.fltr.ucl.ac.be/LUCIEN/Banquet.html)
En fait rien de plus conventionnellement cynique que cette rupture de conventions : s’inviter là ou on n’est pas invité, manger debout et en mouvement quand tous le font assis et en repos, dédaigner les lits, s’allonger à même le sol, prendre Hercule comme modèle, tout cela, c’est le déroulement prévisible du programme contestataire.
Mais que penser de son appétit ? A vrai dire en recherchant avec avidité la nourriture, Alcidamas ne se contredit pas car il dénonce ici seulement l’inutile sophistication des médiations entre l’appétit naturel et sa satisfaction : ce n’est pas contre le vin qu’il en a mais contre la coupe précieuse qui le contient. Et puis s’il y avait vraiment goinfrerie, elle pourrait toujours être rationalisée comme dérision de la décence ordinaire…
Mais va-t-on dans la suite du récit assister au dérèglement du rituel cynique ?
"16. Après l'incident, Alcidamas le cynique, déjà passablement éméché, ayant appris le nom du jeune marié, se mit à rugir pour exiger le silence en dirigeant son regard vers le clan des femmes : « Eh bien ! Je bois à ta santé, Cléanthis, au nom sacré d'Héraclès ! ». À ces mots, tout le monde s'esclaffa et le cynique s'écria : « Bande d'abrutis, vous riez parce je porte un toast à la mariée en invoquant Héraclès, mon patron ? Eh bien ! Apprenez, mes lascars, que si elle ne saisit pas la coupe que je lui tends, elle sera incapable de fabriquer un vrai mâle comme moi, vigoureux et instruit dans toutes les matières ! ». Tout en s'époumonant, il dégrafa ses vêtements et montra délibérément son membre à toute l'assemblée ! Les invités se mirent à rire jusqu'à l'hystérie ! De plus en plus en colère, Alcidamas nous lança un regard acéré comme un poignard, et l'on comprit qu'il n'était pas prêt de se calmer, loin s'en faut : je crois même qu'il aurait fini par blesser l'un de nous avec son bâton. Mais une galette onctueuse fit son entrée au bon moment pour apaiser ses velléités agressives, et il s'empressa dès lors de se goinfrer."
Inventer un rituel – en ayant sans doute bien garde qu’il ne se diffuse -, se dénuder intimement là où chacun est paré : Lucien ne force pas encore le trait et j’ai le sentiment que, le style aristophanesque en moins, je pourrais lire ces lignes dans Diogène Laërce. Certes la satire pointe son nez avec la neutralisation patissière…
"18. Comme d'habitude, il y eut une pause dans l'arrivage des plats, au cours de laquelle Aristénète, imbattable quand il s'agit de meubler les temps morts, donna l'ordre à un bouffon d'entrer en scène et de faire un numéro de fantaisiste pour divertir les invités. Un petit homme plutôt laid pointa alors son museau, la tête rasée, mais avec quelques malheureux poils au sommet du crâne. Il exécuta une danse qui tenait plus de la contorsion que d'autre chose, se disloquant à qui mieux mieux jusqu'au grotesque, maugréant quelques anapestes dans un douteux accent égyptien. Pour couronner le tout, il se paya la tête des spectateurs.
19. Ceux qui en prenaient pour leur grade riaient quand même de bon cœur. Mais quand vint le tour d'Alcidamas d'être charrié, et qu'il s'entendit traiter de « petit clébard de Malte » par le bouffon, son sang se mit à bouillonner – il était certainement jaloux du comique qui monopolisait les applaudissements des convives – il posa sa pelisse à terre et intima l'ordre à son concurrent de le provoquer au pancrace : en cas de refus, il recevrait des coups de bâton ! Pauvre Satyrion – c'était le nom du mime ! Il dut s'exécuter et se mettre en position de combat. Soyons francs : c'était vraiment excitant de voir l'austère philosophe rentrer dans la bedaine d'un histrion ou se faire étriper à son tour. Certains invités étaient choqués, d'autres au contraire se trémoussaient d'aise. Bref, Alcidamas, roué de coups, finit par capituler : l'avorton se révélait un véritable paquet de muscles et tout s'acheva dans un rire général et frénétique."
A bouffon, bouffon et demi. Désormais il semble que la satire opère à découvert. Les cyniques historiques me semblent avoir fait un usage plus parcimonieux d’un bâton tout symbolique. Mais en même temps railler le railleur institué, quoi de plus authentiquement cynique ?
Finalement arrive le dérèglement général: alors tous les vernis philosophiques (épicurien, stoïcien, platonicien, aristotélicien…) craquent :
"35. En fait, tout était sens dessus dessous ! Les gens ordinaires mangeaient avec un tact exemplaire, sans boire un verre de trop ; ils se comportaient le plus raisonnablement du monde, se contentant de faire honte aux autres, objets pourtant de leur vénération quelques instants auparavant, lorsqu'ils les considéraient comme des modèles de vertu. En revanche, les sages, eux, n'avaient aucune tenue, criaient comme des fous, se gavaient comme des porcs et se donnaient des coups !."
Dans ce foutoir, le cynique semble pourtant chanter encore une de ses mélodies traditionnelles :
"Alcidamas l'admirable, lui, pissait sans vergogne au milieu de la pièce, se fichant éperdument des femmes qui se trouvaient là."
C’est on ne peut plus orthodoxe. Quant à sa place dans la bataille, on pourrait même l’interpréter en termes de filiations et de querelles d'écoles!
« À noter qu'Alcidamas fit sensation en défendant Zénothémis (stoïcien). De son bâton, il assomma Cléodème (aristotélicien), mit en morceaux la mâchoire d'Hermon (épicurien)et amocha de nombreux esclaves qui leur portaient secours.»
Certes le comportement perd à la fin de sa cohérence :
«il y avait Alcidamas qui venait de mettre KO la meute adverse et continuait à s'en prendre à tous ceux qui s'aventuraient jusqu'à lui. C'eût été une véritable hécatombe s'il n'avait pas cassé son bâton »
Et la philosophie paraît désormais ne plus rien régler :
«47. Le banquet s'acheva sur cette note. Aux cris et aux larmes succédèrent les rires contre Alcidamas, Dionysodore et Ion. Les blessés furent évacués sur des civières : ils n'étaient pas jolis, surtout ce vieux croûton de Zénothémis qui, une main sur l'œil et l'autre sur son nez, hurlait de douleur ; Hermon, qui n'était pas mieux loti avec ses dents déglinguées, lui lança avec toujours le même esprit de contradiction : « En ce moment, mon cher, tu ne places point la douleur dans la catégorie des choses indifférentes. » Le marié fut recousu par les soins diligents de Dionicos et, la tête couronnée de bandelettes, on le hissa dans le char où il devait emmener sa femme. Quelles noces mouvementées pour ce pauvre garçon ! Quant aux autres convives, ils furent couchés, vomissant de temps à autre sur le chemin qui les menait au lit. Seul Alcidamas resta dans la salle. Impossible de l'en déloger ! Comme il était affalé en travers d'une couchette, on ne pouvait rien faire."
Cette fin de banquet évoque bien sûr par opposition celle du Banquet de Platon. Le philosophe en la personne de Socrate y a une toute autre allure. Alors qu’Alcidamas a été finalement vaincu par sa corporéité, Socrate y manifeste son indestructible spiritualité :
« Là-dessus, Socrate, les ayant endormis comme des enfants, se leva et partit ; comme à son habitude, Aristodème le suivit. Il se dirigea vers le Lycée, et, après s’être débarbouillé, il passa, comme n’importe quelle autre fois, le reste de la journée, et, quand il l’eut ainsi passée, vers le soir il alla chez lui se reposer » (223 d trad. Robin La Pléiade p. 764)

vendredi 2 mai 2008

In memoriam canium (2) : Androsthène, Philiscos et Onésicrite ou comment les familles au contact de l’acide cynique se décomposent et se recomposent.

« On raconte (…) qu’Onésicrite d’Egine avait envoyé à Athènes un de ses deux fils, Androsthène, lequel, après avoir entendu Diogène, resta à ses côtés, Onésicrite envoya ensuite à la recherche d’Androsthène son second fils, Philiscos, l’aîné dont j’ai parlé plus haut. Mais tout pareillement, Philiscos tomba sous son emprise. En troisième lieu lui-même arriva, qui ne fit rien moins que de se joindre à ses fils pour philosopher, tant était grande la séduction qu’accompagnait les paroles de Diogène. » (Vies et doctrines des philosophes illustres VI 75 Diogène Laërce ed. Goulet-Cazé p.741)
Vu de loin, rien de ressemble plus à un sophiste à succès qu’un cynique.

Commentaires

1. Le vendredi 2 mai 2008, 23:38 par Nicotinamide
Je cite la phrase qui introduit votre citation : "cet homme avait un pouvoir de persuasion à ce point étonnant qu'il pouvait facilement gagner à sa cause par ses paroles n'importe qui."
On se souvient de Monime (DL VI 82) amoureux féroce, inspiré par la vertu dans les paroles et dans les actes de Diogène. Xéniade tomba aussi sous le charme éhonté (DL VI 74). Néanmoins cette capacité de séduction se retrouve chez Cratès (DL VI 96). Je pourrais ajouter Antisthène : (DL VI 14) "Antisthène était très habile et qu'il pouvait subjuguer n'importe qui grâce au ton juste de sa conversation". Elargir le cercle des paroles caressantes : Pyrrhon captive (DL IX 64).
Paradoxalement, Diogène constate qu'il est impossible de convaincre. (DL VI 59). Ainsi d'où vient son pouvoir de persuasion ? Il me semble que ses aboiements sont le spectacle du sens. Aucune décoration dialectique. Pour convaincre les disciples, le maître cynique utilise : des coups de bâtons, des farces, des marmites de lentilles entre les cuisses, des colliers de hareng, la mise à nu et l'exemple de sa vie. (DL VI 71 "rien ne réussit sans ascèse")
2. Le lundi 7 juillet 2008, 14:05 par Teemu
Est ce qu'en fin de compte la philosophie, quand elle doit être transmise, n'est pas fatalement de nature à être sophistique ? malgré par exemple l'aversion profonde de Diogène pour les Orateurs.
En même temps les Sophistes ne recherchent pas forcément un auditoire de qualité, ce sont plutôt les Casanova des esprits faibles, plus nombreux sont les charmés plus heureux est le charmeur.
Diogène, lui, repousse les prétendants à la sagesse, (on connait tous l'histoire du hareng) pour en extraire le meilleur, surement de manière profondément inconsciente.

mercredi 30 avril 2008

Le rêve épicurien de Descartes.

Dans une lettre adressée à Chanut, Descartes écrit:
" Je me plains de ce que le monde est trop grand, à raison du peu d'honnêtes gens qui s'y trouvent; je voudrais qu'ils fussent tous assemblés en une ville, et alors je serais bien aise de quitter mon ermitage, pour aller vivre avec eux, s'ils me voulaient recevoir en leur compagnie. Car encore que je fuie la multitude, à cause de la quantité des impertinents et des importuns qu'on y rencontre, je ne laisse pas de penser que le plus grand bien de la vie est de jouir de la conversation des personnes qu'on estime." (T.III Ed. Alquier p.645)
Au Paradis des philosophes, Descartes admire - au sens qu'il donnait à ce mot - les philosophes d'aujourd'hui: Internet leur permet de vivre avec leurs amis sans pour autant quitter leur ermitage...

Socrate derechef interprété par Descartes : humain mais pas trop humain.

Dans une des dernières lettres à la princesse Elisabeth, Descartes écrit :
« L’inclination à faire des vers, que votre Altesse avait pendant son mal, me fait souvenir de Socrate, que Platon dit avoir eu une pareille envie, pendant qu’il était en prison. Et je crois que cette humeur de faire des vers, vient d’une forte agitation des esprits animaux, qui pourrait entièrement troubler l’imagination de ceux qui n’ont pas le cerveau bien rassis, mais qui ne fait qu’échauffer un peu plus les fermes, et les disposer à la poésie. Et je prends cet emportement pour une marque d’un esprit plus fort et plus relevé que le commun. » (22 février 1649 éd. Alquié TIII p.888)
C’est encore une révision à la baisse – et très matérialiste – d’un signe de distinction socratique. Notez cependant que, pour avoir des esprits animaux, Socrate n’en a pas moins une fermeté d’esprit – et plus animal cette fois ! - qui le rehausse nettement par rapport au superstitieux qu’il était dans la lettre que Descartes consacrait à son génie (cf le billet d’hier).
Je me demande si un psychanalyste ne verrait pas dans ces lignes une obscure compréhension cartésienne de ce que les gens de son école désignent du nom de « sublimation »...

mardi 29 avril 2008

Le démon de Socrate interprété par Descartes.

" (...) J'ose croire que la joie intérieure a quelque secrète force pour se rendre la fortune plus favorable. Je ne voudrais pas écrire ceci à des personnes qui auraient l'esprit faible, de peur de les induire à quelque superstition; mais au regard de Votre Altesse, j'ai seulement peur de me voir devenir trop crédule. Toutefois j'ai une infinité d'expériences, et avec cela l'autorité de Socrate, pour confirmer mon opinion. Les expériences sont que j'ai souvent remarqué que les choses que j'ai faites avec un coeur gai, et sans aucune répugnance intérieure, ont coutume de me succéder heureusement, jusque-là même que, dans les jeux de hasard, où il n'y a que la fortune seule qui règne, je l'ai toujours éprouvée plus favorable, ayant d'ailleurs des sujets de joie, que lorsque j'en avais de tristesse. Et ce qu'on nomme communément le génie de Socrate n'a sans doute été autre chose, sinon qu'il avait accoutumé de suivre ses inclinations intérieures, et pensait que l'événement de ce qu'il entreprenait serait heureux, lorsqu'il avait quelque secret sentiment de gaieté, et, au contraire, qu'il serait malheureux, lorsqu'il était triste. Il est vrai pourtant que ce serait être superstitieux, de croire autant à cela, qu'on dit qu'il faisait; car Platon rapporte de lui que même il demeurait dans le logis, toutes les fois que son génie ne lui conseillait pas d'en sortir. Mais, touchant les actions importantes de la vie, lorsqu'elles se rencontrent si douteuses, que la prudence ne peut enseigner ce qu'on doit faire, il me semble qu'on a grande raison de suivre le conseil de son génie, et qu'il est utile d'avoir une forte persuasion que les choses que nous entreprenons sans répugnance, et avec la liberté qui accompagne d'ordinaire la joie, ne manqueront pas de nous bien réussir." (Lettre à Elisabeth, oct. ou nov. 1646 éd. Alquié p.679-680)
En 1641 dans la Quatrième Méditation Métaphysique, Descartes distinguait seulement deux types d'action libre: celle qui correspondait à un choix volontaire justifié par de bonnes raisons et celle qui correspondait à un choix volontaire arbitraire quand les bonnes raisons ne font pas plus pencher pour une option que pour une autre.
Apparaît ici un troisième type d'action libre: son origine est passionnelle, elle n'est pas précédée d'un choix - on suit une inclination désignée ici autant par le concept de joie que par celui de gaieté -, elle n'est pas éclairée et paradoxalement - parce qu'elle n'est pas justifiable dans une logique de prudence - elle est couronnée de succès.
Ce qui est énigmatique aussi, c'est que Descartes tient à distinguer deux versions de la thèse: l'une forte mais superstitieuse et adaptée aux esprits faibles et l'autre faible mais philosophique et convenable pour les esprits forts. Essayons de les expliciter:
a) version forte pour esprit faible ( on notera que paradoxalement aussi l'exemple de l'esprit faible est Socrate lui-même ): il faut toujours prendre comme guide de l'action la passion; si la passion est tristesse, il faut s'abstenir, si la passion est joie, il faut entreprendre.
b) version faible pour esprit fort: là encore il y a un paradoxe. En effet l'esprit éclairé sait que c'est seulement dans les affaires d'importance (et non comme on pourrait s'y attendre dans les affaire mineures) et quand la raison ne fournit aucune bonne raison déterminante qu'il faut se fier au sentiment ressenti.
Ce texte est étrange car en son coeur il y a une tension entre une perspective rationaliste (ce que Socrate personnifiait est réductible à un certain état d'âme, donc évacuation de la transcendance) et une perspective irrationaliste (le meilleur est quelquefois de se laisser conduire par ses sentiments même si on est incapable de rendre compte rationnellement de la valeur d'une telle inspiration). Ce qui complique les choses, c'est aussi que Descartes tient à distinguer un irrationalisme supersitieux (celui de Socrate) d'un irrationalisme rationnel (le sien).
Descartes nous offrirait-il ici une version laïque de la grâce ?

samedi 26 avril 2008

Promenades philosophiques.

A Guez de Balzac qui semble préférer la campagne, Descartes fait dans une lettre du 5 mai 1631 l'éloge de la vie en ville, précisément à Amsterdam:
" Je vais me promener tous les jours parmi la confusion d'un grand peuple, avec autant de liberté et de repos que vous sauriez faire dans vos allées, et je n'y considère pas autrement les hommes que j'y vois, que je ferais les arbres qui se rencontrent en vos forêts, ou les animaux qui y paissent. Le bruit même de leur tracas n'interrompt pas plus mes rêveries que ferait celui de quelque ruisseau." (Oeuvres philosophiques éd.Alquié T.I p 292).
Cette promenade cartésienne - tout à fait néantisante, pour parler sartrien - représente à mes yeux l'envers de la promenade cynique: à dire vrai, ce n'est pas que le Chien dans une forêt transformerait en hommes les arbres, non, mais il serait si attentif à capter les regards pour les dresser par sa gymnastique philosophique qu'il serait bien loin de réduire leurs porteurs à des animaux-machines.
Apparemment moins respectueux que Descartes des occupations des uns et des autres, il leur donnerait tout de même la capacité de juger et de transporter dans leurs têtes pour la plupart les bêtises qu'il s'apprêterait justement à rectifier par sa déambulation jamais privée mais toujours didactique.
Ce n'est pas non plus comme l'épicurien que Descartes déambule dans la ville d'Amsterdam. S'il n'aurait pas le folie de lui enseigner quoi que ce soit, le disciple d'Epicure aurait néanmoins la conscience constante de l'humanité hostile de cette foule active.
Aussi circulerait-il entre les hommes comme le soldat entre les balles, d'une tranchée amicale à une autre tranchée amicale.

vendredi 25 avril 2008

Comment lire Diogène Laërce ? Y a-t-il une différence entre le stoïcien, l'épicurien, le cynique etc et la licorne ou Monsieur Pickwick ?

Dans Langages de l'art (p.49 Hachette Littérature), Nelson Goodman écrit:
" La différence entre une image-d'homme et l'image d'un homme est étroitement parallèle à la différence entre une description-d'homme ou un terme-pour-homme et une description et un terme pour homme. "Pickwick", "le duc de Wellington", "l'homme qui a vaincu Napoléon", "un homme replet", "l'homme qui a trois têtes" sont toutes des descriptions-d'homme mais il s'en faut que toutes décrivent un homme. Quelques-unes dénotent un homme particulier, certaines dénotent chacun d'entre une multitude d'hommes, et certaines ne dénotent rien."
Je repense à Diogène Laërce et à ses philosophes illustres. La difficulté de le commenter vient finalement de ce que toute description-de-philosophe faite par lui peut autant dénoter un homme particulier (Diogène de Sinope par exemple) que chacun d'entre une multitude d'hommes (l'homme en tant qu'il a les traits de la secte cynique) ou rien du tout (le cynique comme possibilité seulement pensée mais jamais réalisée).

Commentaires

1. Le vendredi 25 avril 2008, 22:51 par Nicotinamide
Je suis allé relire les paragraphes qui encadrent votre citation. En conclusion, il écrit : "la représentation et la description efficaces réclament l'invention. Elles sont créatrices" car il se place du côté de l'art et non du point de vue de l'historiograhie. Diogène laërce ne souhaite pas en compilant ses sources ou en citant trois lettres d'Epicure, "refaire la réalité". Je ne crois pas qu'il cherche à donner une image-d'homme philosophe illustre. Il ne veut pas "représenter". Il cède des fragments de réalité. (Certes parfois il recopie des fables)Néanmoins votre réflexion me rattache à l'un de vos billets précédents sur Agathobule. En effet, vos remarques s'appliqueraient davantage à Lucien de Samosate. Est-ce que l'on ne touche pas à la fiction dans ce cas ?
(commentaire à chaud qui n'exprime pas le dénuement dans lequel m'a plongé vos remarques)
2. Le samedi 26 avril 2008, 09:33 par philalethe
Il est hasardeux de reconstituer les intentions de Laërce, mais on peut faire raisonnablement l'hypothèse qu'il voulait à chaque fois dénoter un homme particulier. Les auteurs du Dictionnaire de philosophie antique (Goulet) le lisent ainsi.
Mais s'il m'intéresse, c'est en tant qu'il dénote chacun des philosophes d'une secte donnée, le nom propre du philosophe se référant alors à tous les philosophes de la secte en question  (dans ces conditions Laërce indiquerait donc des styles de vie envisageables aujourd'hui encore au moins partiellement) et aussi en tant qu'il ne dénote rien du tout (reste que si, contre son gré alors, il ne dénote rien du tout, il ne m'intéresse qu'en tant que cette fiction a pour le moins une dimension d'idéal régulateur: par exemple le stoïcien comme horizon inaccessible mais pas comme mirage, car cet horizon change quelque chose, certes peut-être pas grand-chose, du paysage dans lequel on chemine).
3. Le dimanche 27 avril 2008, 21:56 par Nicotinamide
Diogène Laërce propose des passages doctrinaux, biographiques et successoraux. Ainsi, hâtivement, on pourrait penser que les maximes capitales ou les lettres d'Epicure rapportées par Diogène Laërce ne peuvent pas être lu comme une description du philosophe. Or pour Diogène Laërce qui place les vies au centre de son histoire de la philosophie, les paroles ne sont que des prolongements de l'homme. Par exemple après avoir établi l'apologie d'Epicure, il termine (X 12) : "Mais nous verrons mieux que cela, si nous avançons en prenant appui sur ses doctrines et ses paroles." (autre exemple : (X 29) : "Nous ferons figurer ses maximes capitales afin que tu connaisses l'homme par tous ses aspects") (voir aussi X 138). Par conséquent, les sentences, paroles participeraient à la description du philosophe. Ce qui complique la dénotation.
Comment lire Diogène Laërce ? Quels hommes dénote-t-il ? Votre billet continue de me tracasser. En effet, il existe l'image d'un Diogène assagi présentée par Dion de Chrysostome, l'image d'un Diogène religieux avancée par Epictète, l'image d'un Diogène clownesque proposé par Lucien... Est-ce que Laërce ne cherche pas à donner une image plus juste ? (ce qu'il fait pour Epicure d'ailleurs)
P.S :
- chacun d'entre une multitude d'hommes (l'homme en tant qu'il a les traits de la secte cynique
Ce point s'explique peut-être par le fait que Diogène Laërce procède à des successions. Socrate maître d'Antisthène maître de Diogène maître de Cratès maître de Zénon... Ainsi pour tenir ses filiations, il va insister sur les homologies (symplésiomorphies, les synapomorphies, apomorphies). Ce qui revient à soutenir (sans utiliser le vocabulaire de la biologie) que Diogène Laërce force sur les resemblances, leur dérive et les évolutions... au point d'inventer ou reprendre des branches imaginaires, par exemple, de poser Antisthène comme fondateur du mouvement cynique.