Entre l’exposé de la vie et l’exposition de la doctrine, Laërce consacre quelques pages aux écrits de Platon. Il paraît principalement intéressé par le classement des dialogues mais comme d’habitude, même s’il présente avec beaucoup de soin, celui que l’on doit à Thrasylle et qui prend comme modèle le regroupement des tragédies en tétralogies, Laërce, en multipliant les témoignages contradictoires, brouille les pistes. Plus généralement, tout se passe comme s’il obscurcissait d’autant plus qu’il voulait éclairer. Par exemple, sa réflexion sur les types de preuves dans les dialogues. Il distingue ainsi l’induction par opposition de l’induction par consécution. Voici la définition qu’il donne de la première :
« C’est le raisonnement où la conséquence sera pour toute réponse le contraire de la question. » (III 53)
C’est donc le raisonnement qui consiste à rejeter les deux termes d’une alternative en mettant en évidence leur fausseté par réduction à l’absurde. De « x est-il ou ceci ou cela ? » on passe à « x n’est ni ceci ci cela » Mais ce qui m’étonne, c’est que, pour se faire comprendre, Laërce a recours à deux inférences qui sont certes inspirées d’un dialogue platonicien, l’ Euthydème mais qui sont deux sophismes grossiers :
« Mon père est ou bien autre que le tien ou bien le même ? Si donc ton père est autre que le mien, puisqu’il est autre qu’un père (le sophisme consiste ici à identifier « être un autre père » à « être autre qu’un père »), il ne sera pas un père. Mais s’il est le même que mon père, puisqu’il est le même que mon père il sera mon père (l’erreur ici consiste à confondre l’identité numérique - « être le même homme » - et l’identité qualitative – « être le même homme qu’un autre ») Autre exemple : « Si l’homme n’est pas un être vivant, ce sera une pierre ou du bois de construction (en somme, de la matière). Mais ce n’est pas une pierre ou du bois de construction, car il est doté d’une âme et se meut de lui-même. C’est donc un être vivant. Or, si c’est un être vivant, et si un chien ou un boeuf est un être vivant, l’homme, parce qu’il est un être vivant, sera un chien ou un boeuf (le syllogisme est bien sûr mal formé : tous les chiens – ou les boeufs - sont des êtres vivants, or tous les hommes sont des vivants donc tous les hommes sont des chiens – ou des boeufs-) » (53-54)
Laërce ajoute que Platon s’est servi de ce mode de raisonnement non « pour exposer ses doctrines mais pour réfuter » (54). Certes, mais c’est bien maladroit d’avoir choisi deux réfutations immédiatement réfutables.