Dans les premières pages du Banquet, Agathon, en l’honneur de qui le symposium est organisé, s’écrie à l’arrivée tardive de Socrate:
« Viens ici Socrate t’installer près de moi, pour que à ton contact je profite moi aussi du savoir qui t’est venu alors que tu te trouvais dans le vestibule (Socrate a en effet longuement médité seul dans le pièce mentionnée avant de se joindre aux convives) » (175c-175d)
S’asseyant, Socrate lui répond :
« Ce serait une aubaine, Agathon, si le savoir était de nature à couler du plus plein vers le plus vide, pour peu que nous nous touchions les uns les autres, comme c’est le cas de l’eau qui, par l’intermédiaire d’un brin de laine, coule de la coupe la plus pleine vers la plus vide. » (175 d)
On ne devient pas sage par fréquentation des sages, c’est par l’effort de la pensée que le savoir, au-delà des doxas contradictoires, se constitue. L’allégorie de la caverne le fera comprendre d’une autre manière : si le prisonnier libéré accède à la connaissance de la réalité, ce n’est pas parce qu’il se trouve subitement en contact physique avec son libérateur, c’est parce que, tourné de force vers la lumière, il a le courage de monter en direction du jour. Ainsi Socrate décourage le disciple qui confondrait la promenade en compagnie du maître avec l’ascension initiatique.
A ma surprise, Luc Brisson, dont je reprends ici la traduction, explique ainsi la comparaison avec le brin de laine dans les premières lignes de son introduction au Banquet (GF) :
« Agathon, assez représentatif des convictions de son époque, considère l’éducation comme la transmission du savoir ou de la vertu qui passe d’un récipient plein, le maître, vers un récipient vide ou moins rempli, le disciple, par l’intermédiaire d’un contact physique, simple toucher ou pénétration phallique et éjaculation dans l’union sexuelle. » (p.11 GF)
Je reste sceptique : voir dans un phénomène qui s’explique par la capillarité comme l’écrit lui-même Luc Brisson dans la note 56 (p.185) une métaphore de la pénétration phallique me paraît trahir ce que le passage de l’eau dans le fil de laine a de doux, de lent, de mou et d’automatique à la fois. Je pense plus à une aura charismatique dont le disciple attend à tort la transfiguration de soi qu’à une prise de possession sexuelle.