" On pense souvent que le travail en commun, c'est bon pour les sciences, mais pas pour la philosophie. La collaboration intellectuelle nuirait autant à la rigueur et la créativité philosophique qu'elle nuit à la production artistique. C'est une opinion que nous ne partageons pas. S'il y a un modèle à suivre en philosophie, à notre avis, ce n'est pas celui de l'artiste romantique qui oeuvre en solitaire, loin des "foules vulgaires", mais ce n'est pas non plus celui de l'équipe de recherche massive, dont les membres sont plus ou moins concernés par les résultats. C'est plutôt celui des mathématiques : de petites équipes de deux ou trois chercheurs, qui passent leur temps, qui passent leur temps devant un tableau noir, à discuter, à faire des calculs, et à boire des cafés (pour les plus sobres).
Nous n'avons pas de calculs en philosophie, dira-t-on. C'est vrai. Mais nous avons des thèses et des hypothèses à formuler le plus précisément possible, et dont il faut envisager les conséquences éthiques et pratiques. Et nous avons des arguments pour et contre ces hypothèses, des exemples et des contre-exemples, ainsi que des expériences de pensées. Rien dans ces outils de travail ne requiert un travail en solitaire et bien des formes de coopération semblent possibles.
Nous avons opté pour un modèle démocratique, contre certaines (mauvaises) habitudes très hiérarchiques du "petit monde" qui nous entoure. On prend les décisions ensemble, selon des modes de délibération collective, parfois compliqués, parfois inefficaces, mais tellement plus adéquats lorsqu'il s'agit de réflexion philosophique" (Ruwen Ogien et Christine Tappolet, Les concepts de l'éthiquefaut-il être conséquentialiste ?, p. 24-25, 2008, Hermann)
Est-ce le modèle socratique revu et corrigé à la mode démocratique ?