Dans son Histoire de la philosophie occidentale , Bertrand Russell écrit :
" (...) Les théories philosophiques, si elles sont importantes, peuvent généralement être renouvelées sous une autre forme après avoir été réfutées. Les réfutations sont rarement définitives ; dans la plupart des cas, elles ne sont que le prélude à d'autres recherches." (p. 80, éd. Les Belles Lettres)
Deux exemples, parmi d'autres, me paraissent confirmer cette opinion : prenez d'abord l'argument ontologique formulé par Anselme de Canterbury il y a un peu moins de mille ans. Déjà Anselme a dû le défendre contre des attaques dont il était le contemporain ; quant à Kant, il jugeait sans doute avoir démontré une fois pour toutes la fausseté de cet argument a priori de l'existence de Dieu ( l'analyse du concept de Dieu conduirait à conclure nécessairement à l'existence de Dieu ). Mais l'argument reste soutenu sous des formes plus sophistiquées. Voyez à ce sujet les réflexions de Cyrille Michon dans Klesis. Pensez ensuite à la philosophie de l'esprit et au problème de la relation esprit / corps. Descartes avait défendu un dualisme substantiel ( le corps et l'esprit ont chacun une réalité indépendante mais ils interagissent ) ; déjà la princesse Élisabeth avait mis le doigt sur la difficulté de cette position ( si l'esprit n'a rien de matériel, comment peut-il causer des modifications du corps, comme n'importe quel acte volontaire, entre autres, le met en évidence ? ). On pourrait penser que ce dualisme-là est réfuté mais non ! C'est seulement une position ultra-minoritaire en philosophie de l'esprit où domine le matérialisme mais elle a encore des partisans (à cette occasion, je me permets de recommander l'excellent livre de François Loth qui vient de paraître chez Vrin mais n'en concluez pas que l'auteur est un dualiste cartésien ! )
À défaut de positions vaincues, n'y aurait-il donc en philosophie que des positions minoritaires argumentées avec d'autant plus de subtilité qu'elles sont sabordées de toutes parts et qu'elles ne peuvent donc rester crédibles qu'en faisant voir les failles des positions dominantes ?
Mais n'y a-t-il pas des thèses philosophiques vraiment indéfendables ? Par exemple, celle d'Aristote exprimée dans La Politique et soutenant l'existence de maîtres et d'esclaves par nature (certes il reconnaît aussi l'existence d'un esclavage injustifiable par la nature) ?
Mais si c'est le cas, qui osera se lancer dans l'exploration des poubelles de la philosophie ?
Michael Bruce et Steven Barbon ont édité en 2011 chez Wiley-Blackwell un ouvrage où étaient présentés les 100 arguments les plus importants de la philosophie occidentale (il est d'ailleurs souhaitable que ce livre voie le jour en français aussi !).
Qui fera l'inventaire des 100 arguments les plus mauvais de la philosophie ?