vendredi 3 juin 2005

Chilon l'ambigu.

De Solon à Chilon, le troisième des Sept Sages, le passage est aisé : il se fait par Pisistrate, qui ne serait pas devenu le tyran d’Athènes si son père avait écouté Chilon :
« Chilon, comme le dit Hérodote dans son premier livre, conseilla à Hippocrate qui offrait à Olympie un sacrifice, (au cours duquel) on constata que les chaudrons bouillaient d’eux-mêmes, ou bien de ne pas se marier ou bien, s’il avait une épouse, de divorcer et de ne pas reconnaître ses enfants. » (I, 68)
« Hippocrate ne voulut point déférer aux conseils de Chilon. Quelque temps après naquit Pisistrate » (Hérodote Histoire I, LIX, trad. de Larcher)
Pas étonnant que l’une de ses maximes recommande de ne pas détester la divination (70). En revanche plus difficile de comprendre à la lumière de cette prophétie * la position que lui attribue Diogène au tout début du récit qu’il lui consacre :
« Il disait que la prévision de l’avenir atteinte par la réflexion constitue la vertu d’un homme. » (68)
Je retrouve avec lui comme avec Thalès la difficulté de classer ces sages dans le camp des rationalistes. La limite claire entre le mythe et la raison, qui est un des topoï des présentations scolaires de la philosophie, ne paraît pas rendre compte de l’ambiguïté de leurs conduites. En effet, Chilon le spartiate voit-il l’avenir ou le prédit-il à la manière de ceux qui connaissent l’enchaînement régulier des causes et des effets ? Le deuxième cas penche certes un peu plus en faveur de la dernière hypothèse :
« Il fut principalement célèbre chez les Grecs pour avoir fait une prédiction à propos de l’île de Cythère en Laconie. Ayant en effet étudié sa situation (cela ne sent-il pas son scientifique ?) il dit : « Plût au ciel qu’elle ne fût pas ou qu’ayant été elle eût sombré dans l’abîme! » Et sa prédiction fut avisée. Car Démaratos, qui avait été banni des Lacédémoniens, conseilla à Xerxès de rassembler ses vaisseaux (au large de) l’île. Et la Grèce eût été perdue, si Xerxès s’était laissé persuader. Plus tard, Nicias, lors des événements du Péloponnèse, soumit l’île, y établit une garnison athénienne et infligea nombre de malheurs aux Lacédémoniens. » (72)
Je prends mon atlas et je veux bien admettre que Chilon est le fondateur de la géopolitique ! Sparte est loin à l’intérieur des terres et Cythère est une île… Ce que je remarque, c’est en tout cas son patriotisme qui l’incline à préférer un anéantissement au déshonneur d’une occupation !
  • On pourrait interpréter ce conseil comme la formulation d’une règle présentée à l’occasion d’un cas particulier et non comme l’anticipation de l’avenir. Mais c’est interdit par l’une de ses maximes: « Se marier en toute simplicité. » (70). Je ne peux pas non plus identifier cet avertissement à son apophtegme : « Gage donné, malheur prochain » (73), même si Plutarque dans le Banquet des Sages suggère que cette formule a empêché beaucoup de se marier. C’est la procréation qui ici me semble condamnée et non le contrat de mariage.

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