dimanche 4 septembre 2005

Épiménide l'inclassable.

Epiménide n’est ni un philosophe, ni un prêtre, ni un théologien, ni un littérateur, ni un politique : il est tout cela à la fois. Aucun de ces qualificatifs ne désigne une aptitude sur laquelle les autres seraient fondées. Il est expression, et non, à l'image entre autres de Socrate, contestation de la culture grecque de son époque. Voyez ce que nous appelons aujourd’hui la mythologie : il y baigne et la commente à la fois. Entouré et inspiré par les dieux, il en traite aussi dans ses ouvrages. Comme Hésiode, il écrit une Théogonie, c’est-à-dire une généalogie des dieux. Il consacre des milliers de vers à l’ Origine des Courètes (les courètes sont « les compagnons guerriers des dieux » si j’en crois Festugière) et des Corybantes (prêtres de Cybèle) et à La construction du vaisseau Argos et la traversée de Jason vers la Colchide. Comme illustration de l’identité ambiguë d’Epiménide, je lis dans les dernières lignes que lui consacre Diogène :
« Myronianus cependant, dans ses Similitudes, dit que les Crétois l’appelaient Courète » (I, 115)
Si je prenais au sérieux le titre de l’ouvrage de cet auteur, connu seulement pour les quelques références qu’y fait Diogène, je dirais donc que si Epiménide n’était pas divinisé par certains de ses contemporains, ils établissaient entre lui et les dieux une similitude. "Comme un dieu parmi les hommes" pour reprendre l’expression employée par Epicure et lui servant à désigner le sage à la fin de la Lettre à Ménécée. Epiménide, ce théologien qui a quelques apparences des êtres dont il traite, est aussi un fondateur, voire le premier fondateur :
« Il fonda aussi à Athènes le sanctuaire des Déesses Augustes, comme le dit Lobôn d’Argos dans son traité Sur les poètes. On dit encore qu’il fut le premier à purifier les maisons et les champs et à fonder des sanctuaires. » (112)
Epiménide ne participe pas seulement à une culture qu’il ne critique pas, il semble même à travers ce que ces lignes suggèrent l’instituer, comme le confirme son oeuvre politique. Non seulement il écrit (en prose cette fois) sur la Constitution de la Crète mais paraît même l’avoir établie :
« Circule de lui aussi une lettre adressée à Solon le législateur, qui contient la constitution que Minos établit pour les Crétois. »
Minos, légendaire législateur, avait donc un nègre : il s’appelait Epiménide.

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