Dans l’excellent livre de André-Jean Voelke Les Rapports avec autrui dans la philosophie grecque d’Aristote à Panétius (1961), je suis surpris de lire la note suivante :
« Pour Epicure, il n’est pas possible de parvenir à la sagesse avec n’importe quelle constitution physique et dans n’importe quel peuple : seuls les Grecs peuvent philosopher (Diog. Laërce, X, 117 ; Clément d’Alexandrie, Strom., I, 15, 67 = fr.226 Us). Un disciple d’Epicure , Philodème, déclare que les dieux parlent le grec et que l’accès à la sagesse est réservé à ceux qui usent de cette langue (De dis, III, col.14, p.37 Diels = ad fr. 356 Us.). Le fait qu’Epicure était citoyen d’Athènes – tandis que les fondateurs du stoïcisme venaient pour la plupart d’Asie – n’est sans doute pas étranger à cette glorification de l’hellénisme. » (p.82)
Comme il ne me semble jamais avoir lu d’Epicure une seule ligne exprimant un tel ethnocentrisme, je suis curieux de me rapporter à Laërce, mais le texte alors est beaucoup plus ambigu que la note ne le suggérait :
« Et ce n’est certes pas à partir de n’importe quel état corporel qu’on devient sage non plus que dans n’importe quel peuple. » (p.1305 de l’éd. de Marie-Odile Goulet-Cazé trad. Jean-François Balaudé)
Ce passage n’implique pas une interprétation ethnocentriste car il n’entraîne pas que seuls les Grecs sont en mesure de philosopher. Il n’entraîne pas non plus qu’ avoir un corps adéquat et appartenir au peuple favorable à la philosohie soient deux propriétés nécessairement conjointes. On peut alors imaginer quatre cas de figure (on a le corps qu’il faut dans le peuple qu’il faut, on n’a ni le corps ni le peuple, on a l’un ou l’autre). Mais visiblement, s’appuyant sur Philodème – dont je ne dispose malheureusement pas du texte -, Voelke privilégie la piste d’un ethnocentrisme raciste (mais rien ne prouve que Philodème est intégralement fidèle à Epicure).
Comment justifier cette lecture plus généreuse d’Epicure ?
J’ai d’abord l’idée qu’il y a chez Epicure une condamnation du grand nombre, de la multitude qui est si systématique qu’elle ne permet pas d’isoler parmi tous les peuples un peuple excellent, car au fond le peuple, c’est la masse des hommes. Mais il semble alors que tout peuple est un obstacle à la philosophie !
Hypothèse : le peuple qui favorise la philosophie est celui où la masse n’empêche pas une élite d’accéder à la connaissance. Le mauvais peuple serait celui dont les préjugés sont partagés par tous ces membres.
Quant à la question du corps, on peut l’interpréter dans un sens non raciste mais matérialiste. Il y a des corps dans un état tel que l’esprit, qui est donc, d’un point de vue matérialiste, une propriété du corps, n’est pas capable de raisonner. Ainsi le corps inadéquat à la philosophie ne serait pas le corps barbare, mais le corps immature ou le corps malade.
J’ai d’abord l’idée qu’il y a chez Epicure une condamnation du grand nombre, de la multitude qui est si systématique qu’elle ne permet pas d’isoler parmi tous les peuples un peuple excellent, car au fond le peuple, c’est la masse des hommes. Mais il semble alors que tout peuple est un obstacle à la philosophie !
Hypothèse : le peuple qui favorise la philosophie est celui où la masse n’empêche pas une élite d’accéder à la connaissance. Le mauvais peuple serait celui dont les préjugés sont partagés par tous ces membres.
Quant à la question du corps, on peut l’interpréter dans un sens non raciste mais matérialiste. Il y a des corps dans un état tel que l’esprit, qui est donc, d’un point de vue matérialiste, une propriété du corps, n’est pas capable de raisonner. Ainsi le corps inadéquat à la philosophie ne serait pas le corps barbare, mais le corps immature ou le corps malade.
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