Dans Le behaviourisme et ses valeurs (Behaviourism and values) dans les Essais sceptiques (1928), Russell cite un texte tiré de The child : his nature ans his needs (L'enfant : sa nature et ses besoins) d'un certain M.V.O'Spea, professeur de pédagogie à l'université de Wisconsin. Le voici :
" Il y a vingt-cinq ans, les élèves apprenaient à orthographier de dix à quinze mille mots ; mais, des investigations conduites durant les deux dernières décennies, il résulte que le diplômé ordinaire d'une école supérieure n'a pas besoin dans son travail d'école, et n'aura besoin plus tard dans sa vie, que de l'orthographe de trois mille mots tout au plus, à moins qu'il n'entreprenne des études techniques spéciales qui l'obligeraient d'apprendre un vocabulaire technique spécial. L' Américain typique, dans sa correspondance et dans ce qu'il écrit pour le journal, emploie rarement plus de quinze cents mots différents ; beaucoup d'entre nous n'emploient jamais plus de la moitié de ce nombre. S'inspirant de ces faits, les cours d'orthographe en usage dans les écoles modernes sont basés sur ce principe qu'il faut arriver à connaître si bien les mots qu'on emploiera réellement dans la vie quotidienne qu'on puisse les orthographier automatiquement ; quant aux mots techniques et rares qu'on apprenait autrefois et qui probablement ne seront jamais employés, on les élimine. Les cours d'orthographe modernes ne conservent pas un seul des mots qui semblaient utiles simplement à développer la mémoire" (p.105 Les Belles Lettres 2011)
Et voici la mise au point de Russell, qu'on peut lire un peu plus loin :
" Ceux qui ne savent que mille cinq cents mots seront incapables de s'exprimer avec précision ou beauté, sauf s'il s'agit de sujets très communs ou par une chance très rare. Environ la moitié de la population américaine d'aujourd'hui dépense autant de temps pour son éducation que Shakespeare, mais son vocabulaire est à peine le dixième de celui de Shakespeare: Pourtant le sien devait être intelligible pour un citoyen moyen de son époque, puisqu'il l'a employé dans des pièces qui devaient avoir un succès commercial. Nos contemporains croient qu'un homme maîtrise suffisamment sa langue s'il peut se faire comprendre ; nos aïeux pensaient qu'il devait être capable de donner du plaisir esthétique par son langage parlé et écrit " (p.107)
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