Dans La logique des noms propres (1972), Saul Kripke critique la théorie du faisceau (c'est la vue selon laquelle "le référent d'un nom est déterminé non par une description unique mais par un faisceau ou une famille de descriptions (p.20)). Il ajoute dans une parenthèse :
" C'est vraiment une bonne théorie. Le seul défaut que je lui trouve est probablement commun à toutes les théories philosophiques : elle est fausse. Vous pourriez me soupçonner de vous proposer une autre théorie à la place ; mais j'espère que non, parce que je suis sûr, qu'elle serait fausse aussi, en tant que théorie " (p. 51)
L'impression de nihilisme que donne ce passage est trompeur car Kripke distingue la théorie de la thèse. Ainsi dans la suite du texte il explique que la théorie qu'il réfute est constituée de 6 thèses dont toutes sont fausses, sauf une.
Reste qu'on peut se demander pourquoi Kripke qualifie de bonne une théorie dont les 5/6èmes sont faux. Mais ce n'est pas le point important aujourd'hui.
Ce qui compte est cette distinction thèse/théorie du point de vue de l'enseignement de la philosophie en Terminale : mise à part la question du temps, l'enseignement de la philosophie comme pluralité de théories (avec opposition, dépassée ou non, des théories les unes aux autres) ne me paraît guère marcher car il implique qu'on enseigne des thèses ou fausses (l'animal-machine de Descartes) ou assez invraisemblables (l'idéalisme berkeleyen). Or, bien que novices, les meilleurs des élèves supputent vite la faiblesse des positions en question, faiblesse qui les conduit à rejeter par association la philosophie. En revanche enseigner la philosophie en extrayant des théories les meilleurs arguments produit des effets tout à fait distincts. Certes le professeur par prudence et honnêteté peut ne pas aller jusqu'à identifier ces arguments à des arguments vrais, mais il n'en est pas moins sûr que les élèves respectent alors des thèses sur lesquels on se casse les dents, une fois qu'on les a débarrassées des thèses douteuses qui historiquement leur étaient liées dans la théorie du philosophe.
Certains professeurs pensent bien sûr qu'en philosophie on ne doit pas trier car une thèse n'est selon eux intelligible vraiment qu'avec l'arrière-plan théorique qui l'accompagne. Il en irait d'une thèse comme d'un organe : prélevé de l'organisme vivant qui le nourrit et qu'il fait vivre, il est détruit (c'est entre autres la conception de Guéroult et de Vuillemin, Jacques Bouveresse l'a bien expliqué dans ses cours au Collège de France).
Mais on peut aussi penser que, sinon toutes, du moins certaines thèses gardent leur intelligibilité hors contexte et que leur force ne vient pas de leur environnement d'origine mais de la capacité qu'elles ont de résister aux réfutations qui les visent ou d'être réparables malgré les dégâts heureusement non mortels causés par des réfutations (par exemple l'argument ontologique me semble être une thèse de ce type : comme Castro aux multiples attentats de la CIA, elle a survécu à une batterie de réfutations ; certes il n'est pas en pleine forme mais il est vivant, bel et bien - cette dernière phrase vaut autant pour Fidel que pour la preuve de Saint-Anselme).
Reste qu'on peut se demander pourquoi Kripke qualifie de bonne une théorie dont les 5/6èmes sont faux. Mais ce n'est pas le point important aujourd'hui.
Ce qui compte est cette distinction thèse/théorie du point de vue de l'enseignement de la philosophie en Terminale : mise à part la question du temps, l'enseignement de la philosophie comme pluralité de théories (avec opposition, dépassée ou non, des théories les unes aux autres) ne me paraît guère marcher car il implique qu'on enseigne des thèses ou fausses (l'animal-machine de Descartes) ou assez invraisemblables (l'idéalisme berkeleyen). Or, bien que novices, les meilleurs des élèves supputent vite la faiblesse des positions en question, faiblesse qui les conduit à rejeter par association la philosophie. En revanche enseigner la philosophie en extrayant des théories les meilleurs arguments produit des effets tout à fait distincts. Certes le professeur par prudence et honnêteté peut ne pas aller jusqu'à identifier ces arguments à des arguments vrais, mais il n'en est pas moins sûr que les élèves respectent alors des thèses sur lesquels on se casse les dents, une fois qu'on les a débarrassées des thèses douteuses qui historiquement leur étaient liées dans la théorie du philosophe.
Certains professeurs pensent bien sûr qu'en philosophie on ne doit pas trier car une thèse n'est selon eux intelligible vraiment qu'avec l'arrière-plan théorique qui l'accompagne. Il en irait d'une thèse comme d'un organe : prélevé de l'organisme vivant qui le nourrit et qu'il fait vivre, il est détruit (c'est entre autres la conception de Guéroult et de Vuillemin, Jacques Bouveresse l'a bien expliqué dans ses cours au Collège de France).
Mais on peut aussi penser que, sinon toutes, du moins certaines thèses gardent leur intelligibilité hors contexte et que leur force ne vient pas de leur environnement d'origine mais de la capacité qu'elles ont de résister aux réfutations qui les visent ou d'être réparables malgré les dégâts heureusement non mortels causés par des réfutations (par exemple l'argument ontologique me semble être une thèse de ce type : comme Castro aux multiples attentats de la CIA, elle a survécu à une batterie de réfutations ; certes il n'est pas en pleine forme mais il est vivant, bel et bien - cette dernière phrase vaut autant pour Fidel que pour la preuve de Saint-Anselme).
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